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Jeux Viens à Vous Christophe Boelinger 1ère partie

Cette semaine pour cause de Festival d'Essen, je vous propose mon entretien un peu plus tôt, un entretien beaucoup plus intime que la plupart de ceux réalisés jusqu'ici. 

Christophe Boelinger, auteur d'Archipelago,  Dungeon twister, Difference , Fruit salad notamment, et bientôt 4 Gods, un jeu qui me donne l'eau à la bouche, se révèle en homme passionné, sensible, avec ses joies, ses envies, ses ambitions mais également ses doutes et ses angoisses.

Il s'exprime de manière vraie, intelligente, destabilisante et parfois même très émouvante quand il s'exprime sur les attentats de Nice. 

Dans cette première partie, nous évoquons sa ville, Nice,  du drame  arrivé peu de temps avant cet entretien, de ses inquiétudes pour le futur, mais aussi du jeu et de ce qu'il serait possible d'en faire au niveau de l'éducation nationale, de Magic un jeu qu'il affectionne, mais également de son épouse Beatriz 

 

1) Christophe Boelinger, auriez-vous la gentillesse de vous présenter? 

Tombé dans la marmite du jeu, un peu comme Obelix, dès mon plus jeune âge, j'ai rapidement été tenté de modifier les règles des jeux, puis vers 8/9 ans de créer mes propres jeux. Pendant de nombreuses années cela n'est resté qu'un hobby réservé à mon entourage... Jusqu'à ce que je participe au concours des créateurs de Boulogne Billancourt et que je gagne deux années d'affilées. En 1998 avec Grande Surface, le prix de simulation, puis en 1999 avec Halloween Party, Prix familial, qui a immédiatement été édité par Jeux Descartes. C'est ainsi que ma carrière d'auteur de jeu a démarrée. Rapidement mon objectif a été de signer des jeux avec les trois grands éditeurs Francais du moment, à l'époque Asmodée, Jeux Descartes et Tilsit. Moins de deux ans plus tard c'était chose faite.  Puis vint Dungeon Twister en 2004, et les choses se sont enchaînées tout naturellement... 

En parallèle j'étais informaticien pour l'hôpital de Nice. Jusqu'au jour où j'en ai eu marre de mon job 'régulier' et j'ai décidé de me consacrer uniquement au jeu. J'ai quitté le CHU de Nice en 2006 si mes souvenirs sont bons... Puis j'ai été auteur indépendant jusqu'à ce que je crée la societé d'édition Ludically avec Jean Charles Mourey en 2009. Depuis cette date j'ai la double casquette d'éditeur avec Ludically et d'auteur indépendant signant par-ci par-là mes jeux avec d'autres éditeurs internationaux.
Voici en gros et en résumé mon parcours d'auteur de jeu.

 

A côté de cela mes autres hobbies sont assez nombreux... ;)

Je pratique ou j'ai pratiqué presque tous les sports de glisse sur toutes les surfaces : Kitesurf, ski, snowboard, Skwal, Roller, funboard, bodyboard, skate, patin à glace et, hors glisse, beaucoup de squash, à mes yeux le sport le plus ludique sur la planète ;)

Je suis aussi musicien, auteur, compositeur, chanteur, rappeur... J'ai ce que l'on appelle un Home-Studio à la maison me permettant de pouvoir m'épanouir dans la création musicale également. Bref j'aime créer une compo de A à Z en partant de zéro, la page blanche ou plutôt le grand silence et jusqu'au produit final si l'on peut dire... Dans le style plutôt dancefloor, c'est à dire, RnB, Hip-Hop, house, dance, techno. Tout ce qui bouge et se danse on va dire ;) jamais en professionnel, toujours en passionné.

J'ai commencé à écrire des poèmes au même âge que je créais des jeux, à 9 ans. Cela aide bien et facilite l'écriture de textes en anglais ou en français pour les chansons ou les rap ;)
J'ai une collection de plus de 2000 jeux de société, mais aussi une bonne grosse collection de jeux vidéos sur PS3, Xbox, PS4 et encore ma vieille PS1...
Une grosse collection de cartes Magic qui reste l'un de mes jeux favori...
Et des kilo-brouettes de figurines et jeux de figurines (Games Workshop en tête, mais aussi plein d'autres jeux de figs de divers éditeurs).

Enfin je suis un ÉNORME fan de comics depuis l'âge de 8/9 ans également (décidément il s'en ai passé des choses vers cet âge je me rend compte !). Marvel en tête de liste, mais aussi bon nombre d'indépendants comme les Aliens, Prédator, terminator de Dark Horse, beaucoup de DC aussi, et Image, Valiant, CrossGen, Chaos Comics, Conan, Milady, Judge Dredd, Rahan, .. Bref j'en ai des dizaines de milliers.... Tous bien triés et rangés sous protection....

Vous allez vous dire, mais comment peut-il faire tout cela ? 

 

Je dors peu et j'ai beaucoup de retard sur certains points (comics et jeux vidéos principalement). Faut croire que j'ai toujours la peur de m'ennuyer avec rien à faire, et donc je stock et sur-stock pour l'avenir et la retraite ! Lol

Mais comme toutes les industries des loisirs produisent toujours plus, que ce soit dans les domaines des jeux de société, des figurines, jeux vidéos, BD, etc... je crois que je ne rattraperais jamais mon retard. Je lèguerais tout cela à mes descendants et de ce côté là, je crois que j'ai de quoi abreuver les 5 générations à venir ! Lol bis
 

Voilà ! Une vie riche et bien remplie à priori ;)



"Je crois que la meilleure cible pour DAESH en France,  [...] c'est malheureusement le Festival des jeux de Cannes"

 

2) Je voudrais si vous le permettez, évoquer les événements qui se sont passés il y a quelques jours dans votre ville, Nice. 
Vous étiez le soir du 14 juillet, entrain de vous promener en moto sur les hauteurs de Nice avec votre épouse, avec qui vous venez de vous marier. Plusieurs de vos amis se sont fortement inquiétés pour vous.
Comment avez-vous vécu cet événement? 

Là ça se complique... Je vais certainement faire plus bref pour plusieurs raisons.

Tout d'abord parce que je déteste la politique et je suis nul dans ce domaine. Vous allez me dire, mais ce n'est pas de la politique... Peut être.... Mais j'ai à chaque fois l'impression que ces sujets reviennent toujours au final sur la politique... 

Et puis ensuite parce que j'ai l'impression que lorsqu'on en parle, quoique l'on dise, on se retrouve presque à chaque fois avec la moitié des français à dos, ou critiquant...

Ce n'est pas un sujet sur lequel je me sens à l'aise, ou dont j'ai vraiment envie de parler :(

 

Bien que ce drame se soit déroulé à Nice, il n'y a pas de raison qu'il me touche plus que celui du Bataclan (où cette fois j'étais au brésil, donc bien loin). Quel que soit l'événement, un attentat est toujours dramatique. Ce qui me chagrine plus, c'est que j'ai l'impression que l'on commence à en prendre l'habitude. Ça commence presque à faire partie de notre quotidien. Regardez, hier, un prêtre de 83 ans se fait assassiner par deux terroristes ! Ça éclabousse un peu sur Facebook... Mais de moins en moins. Charlie c'était énorme, on en a parlé longtemps. Paris aussi. En a t'on parlé aussi longtemps ? Je ne sais pas... J'aimerais voir une étude comparative... Puis Nice maintenant... J'ai l'impression que le choc est grand aussi, puis que cela disparaît encore plus vite... J'ai le sentiment que les gens, même s'ils restent choqués, commencent à s'habituer... C'est encore plus triste...

 

En fait nous étions couchés le soir de l'événement. Et comme je suis pas mal coupé des médias, je ne l'ai appris que le lendemain matin vers 10:00, quand ma mère m'a appellé. 

Quelques semaines ou mois auparavant je discutais avec un ami ou une connaissance, je ne sais plus, et je lui disais que j'étais certain que ça aller péter ici, sur la côte d'azur. Il me certifiait que non. Qu'ici ils étaient trop implantés, que c'était une zone privilégiée ou protégée plus ou moins... Il n'y a plus de zone sécuritaire en France je crois. Et pour être à 100% honnête avec vous, j'en parlais déjà dans des commentaires de posts sous Facebook lors des attentats du bataclan, je crois que la meilleure cible pour DAESH en France, s'ils veulent faire vraiment mal et traumatiser les esprits, c'est malheureusement le Festival des jeux de Cannes. A demi sous terre, avec quasiment que des familles et des enfants. Moi franchement ça me fait peur. Et ce ne sont pas leurs mesures de sécurité qui pourront empêcher cela... En clair, je ne suis pas certain que j'y participerais cette année et ce tant que ce terrorisme planera sur nos têtes.

On me traitera de parano, de trouillard, de ce que vous voulez, mais on a qu'une vie et si l'on est persuadé que c'est trop risqué pourquoi tenter le diable ?

D'ailleurs si ça se trouve, peut être que Cannes annulera cette année selon les risques qu'ils jugent....je ne sais pas... Je ne cherche pas non plus à effrayer tout le monde, loin de là mon idée. Mais chaque fois que je vois un attentat comme le bataclan, Nice ou autre, je pense à Cannes et ça me fait frissonner...

Ma femme accouchera de notre enfant juste pendant le festival de Cannes cette année, donc c’est tout décidé, je n’y serais pas pour cause de naissance de mon premier enfant. On dirait que la nature et la vie ont tranché à ma place ;)

Nice au dessus la ville de Christophe, en bas Rio, la ville de Beatriz

 

3) Nous travaillons vous et moi dans le monde du jeu, un univers que l'on pourrait penser en apparence de "futile" par rapport à tout ce qui peut se passer dans le monde en ce moment. 
Comment arrive-t-on à jouer ou à faire jouer les gens dans cette période? 
Qu'est-ce que le jeu a finalement de vital, nécessaire afin de continuer à vivre? 

Le jeu est un loisir, c'est aussi du rêve, de la détente, des moments conviviaux... Je crois au contraire que les gens cherchent à se réfugier dans tout cela en période de crise et de risque comme celle que nous traversons. Les enfants, sauf s'ils sont directement en contact avec l'attentat, vivent moins ces informations choquantes que les adultes je pense. Ils cherchent moins à s'informer via les médias. Ils entendent ces horreurs, certes, mais je pense qu'ils les survolent plus que nous. Je pense qu'ils les oublient plus vite. Encore une fois, je précise bien, s'ils ne sont pas directement en contact avec l'événement. Notre travail est peut être de fournir du rêve et du loisir pour aider les gens à tenir la barre dans un climat sombre et chaotique. Peut être que sans les loisirs et les divertissements, tout le monde partirait en guerre ou en dépression...

 


 

"Combien d’entre nous étant enfant ont vécu des répliques du type : « Maman est-ce que je peux aller jouer ? », « Oui mon chéri si tu as fini tes devoirs » (donc ton travail !)."
 

 

4) Nous en parlions avec Bruno Faidutti notamment, pour vous le jeu est t-il lié également à quelque chose d’enfantin, de pur, du jeu pour le jeu ? Ou bien est ce que ca va plus loin sur certains aspects (compétition, sociabilité…) ?

Hummmmmm…. Encore une question bien difficile.

Je sais qu’avec Bruno Faidutti nous avons sur certains aspects une vision commune mais que sur un point précis nous sommes par contre totalement opposé. Il s’agit de l’éducation ou je dirais plutôt sur le développement intellectuel de l'enfant. Mais je vais y revenir plus tard.

 

Pour moi le Jeu c’est avant tout le plaisir, la détente, le divertissement, se raconter des histoires, des aventures…. La compétition en elle-même ne m’a jamais vraiment tenté. Alors certes oui, comme de nombreuses personnes je suppose, je joue pour gagner. Disons que j’essaye de déployer tout ce qui est nécessaire pour gagner, mais si je perd, je ne suis pas mauvais perdant. En général, les compétiteurs, les vrais, ont du mal à digérer la défaite. C’est ce que l’expérience m’a montré. On va dire que c’est pour les tournois de Dungeon Twister que mon esprit de compétition est monté au plus haut. Par exemple, je suis un gros fan de Magic, mais je n’ai participé qu’à un ou deux tournois depuis 1994 !

 

Si j’étais compétiteur, ce serait certainement différent. J’avais par contre organisé le tout premier tournoi de la région niçoise, dans mon club de jeu en 1994. Mais encore une fois, c’était plus pour réunir plein de joueurs et voir beaucoup de decks différents que d’organiser une « compétition ». Et pour être honnête je n’aime pas trop la mentalité qui plane autour des tournois de Magic. Je ne saurais me prononcer sur les autres compétitions ludiques, mais on va dire qu’en règle général je n’ai pas de très bonnes expériences de tournoi ludiques, à part ceux de Dungeon Twister dans lesquels il y avait une super ambiance (nostalgie). Peut-être était-ce parce que j’y étais souvent présent et que j’imprimais volontairement ou involontairement la bonne camaraderie pour effacer l’esprit trop compétiteur...

Dungeon twister
 

Mais revenons en au point initial, qui à mon avis est l’un des meilleurs bienfait du jeu, le développement de l’enfant (mais aussi de l’adulte par extension, s’il continue à jouer toute sa vie ;).

Si l’on revient à la liste des premiers critères que j’ai donné et qui sont plaisir, détente et divertissement, pour ne citer que les trois premiers, je pense que l’enfant aime jouer, ou en tout cas ne prend le jeu que pour ces trois critères. Il est la plupart du temps inconscient des autres critères et avantages que lui apportent le jeu de manière camouflée ou indirecte. Je vais passer ces critères en revue les uns après les autres un peu plus loin, bien que je sois certain de ne pas être exhaustif, tant le jeu a de nombreuses qualités qu’il peut apporter à nos chérubins.  

Mais avant de passer à cette liste, ce qui me parait être une certitude, c’est que l’enfant lui cherche toujours à gagner. Il est d’ailleurs souvent plus enclin à tricher qu’un adulte car gagner est vital pour lui. Encore que chez certains adultes cette triche ne s’est pas estompée avec le temps, et même chez certains éditeurs (Matthieu sort de ta cachette ! Lol). En clair, l’enfant va déployer tous les moyens nécessaires, mettre en exergue toutes ses compétences, tout son arsenal dans un seul but : Gagner ! 
Je ne dis pas que c’est une règle générale, mais c’est quand même visible chez la majorité des enfants. 
Pourtant, la plupart du temps, il n’y a rien à gagner, si ce n’est la fierté de gagner. Mais pas de cadeaux, de prix, de classement, de note ou quoi que ce soit (hors tournois ou compétition je m’entend). 

 

Je rebondis sur le mot note, de ma phrase précédente. A l’école, on vous donne des exercices, des devoirs, des interrogations, et la plupart du temps au bout il y a une note ou une appréciation. Notes qui deviendront de plus en plus importantes, voir sélectives au fur et à mesure que vous progressez dans votre scolarité. Et pourtant l’enfant, encore une fois dans la majorité des cas mais ce n’est pas une généralité, prends ces exercices, devoirs ou autres comme une contrainte, un travail. D’ailleurs on ne dit pas « joue bien à l’école » mais plutôt systématiquement « travaille bien à l’école ». Donc à ces exercices s’attache automatiquement pour l’enfant une notion de travail. Quelque chose pressenti comme une contrainte plutôt qu’un plaisir. 

 

Si l’on en revient au jeu, et à la liste des critères ou capacités qui sont mis en exergue lorsque l’on joue et que je vais lister ci-dessous. Franchement si on analyse en tant qu’adulte, si on est réaliste et qu’on ouvre vraiment les yeux, certains jeux vont demander des efforts dans de multiples domaines qui seront souvent considérablement supérieurs aux efforts et aux capacités que vous demandent la plupart des exercices scolaires. Et je ne parle absolument pas de jeux dits « Educatifs ». Bannissons tout de suite ce terme de la démonstration. Ces jeux existent. Certains sont sûrement biens. Toutefois mes propos ici ne concernent que tous les autres jeux de société, mais pas les jeux éducatifs. Je parle bien de tous les jeux de plateau, cartes, rôles, figurines, dextérité, réflexion, stratégie, wargame etc… que nous pratiquons et qui sont notre passion.

 

Donc, si on pousse le vice de l’analyse, un enfant qui joue est inconsciemment en train d’effectuer de multiples exercices combinés, dans divers domaines (voir liste ci-dessous encore une fois) et sans en être conscient la plupart du temps. Il ne fait cela que par pur plaisir, en quête de divertissement. Il ne prend donc pas cela comme une contrainte, et surtout pas comme du travail. C’est d’ailleurs pour ça que les termes Travailler et Jouer sont radicalement opposé. 

Combien d’entre nous étant enfant ont vécu des répliques du type : « Maman est-ce que je peux aller jouer ? », « Oui mon chéri si tu as fini tes devoirs » (donc ton travail !).

Mais ça va plus loin et c’est encore plus fort, car si on en revient à mes propos un peu plus haut, sur les exercices, les devoirs ou les interrogations, l’enfant les percevant comme une contrainte, n’a pas forcément de motivation. Il n’a pas de récompense au bout, à part la note, qui n’est pas vraiment une récompense pour lui, mais plus une récompense vis à vis de ses parents. Un signe comme quoi il a bien travaillé, et donc qu’il pourra aller jouer ou avoir les cadeaux qu’il souhaite. Car c’est bien connu, il y aussi un genre de réplique typique : « si tu travaille mal, tu sera puni, ou privé de ceci ou de cela ».  Donc pas de Travail, pas de Jouer. En clair, si les parents s’en moquaient, l'enfant s’en moquerait certainement aussi. Et c’est certainement le cas de certains élèves dont les parents s’en fiche pas mal, ne lui mettent pas la pression, et les notes qui s’en suivent peuvent être catastrophiques, et tout le monde s’en fiche dans la famille… J’image beaucoup, mais vous m’avez compris ;)

Christophe explique Archipelago à Essen
 

Revenons en au jeu, et donc à l’opposé de travailler. Comme je l’ai dit plus haut, les enfants sont souvent les plus acharnés à vouloir gagner. Donc ils mettent en oeuvre toutes leurs compétences, pour gagner. Ils vont tout faire pour réussir cet empilage d’exercices déguisés pour finir premier. Ils vont prendre plaisir à jouer, et sans le savoir, parce qu’ils veulent gagner, ils vont déployer toute l’énergie et les ressources que l’on cherche à leur faire utiliser dans des exercices de tout types, mais sans qu’on leur demande, sans les forcer, sans qu’ils prennent cela comme une contrainte. A chaque fois qu’un enfant joue, il fait de multiples exercices sans le savoir et sans qu’on le force mais en plus il cherche à faire de son mieux et à progresser juste pour vaincre.

Pas besoin de le noter ou de le féliciter spécialement, le jeu le fait pour vous. Il sera déjà suffisamment fier d’avoir gagné. Vous me direz il sera tout aussi fier de ramener une bonne note. Oui, peut-être mais ça il l’a fait pour vous, parents. La victoire dans le jeu il l’a faite pour lui, parce qu’il est quasi inadmissible pour lui de perdre !

Et c’est la toute la force et la magie du jeu. Les enfants apprennent, se développent, comprennent, mettent en pratique, lisent, expliquent, peuvent même aller jusqu’à faire de la pédagogie ou apprendre d’autres langues de leur propre chef, sans qu’on les force, sans que cela soit perçu comme du travail ou un apprentissage. Juste par la recherche du divertissement allié à la victoire !
Voilà, à mes yeux, outre les critères de plaisir, divertissement et loisir quelle est l’énorme force du Jeu de société.

 

Passons maintenant en revue quelques uns des domaines que le jeu de société permet de pratiquer, apprendre ou améliorer. Je ne vais pas expliquer pour chaque domaine ou critère pourquoi le jeu permet d’évoluer dans ce domaine, je pense que dans la plupart des cas, vous ferez facilement le lien avec les jeux de société et que vous comprendrez bien comment le jeu peu booster l’enfant dans tel ou tel domaine. Je donnerais quelques explications quand je pense que cela n’est pas forcément si évident. 

Notez qu’il n’y a pas d’ordre particulier à cette liste. Il est aussi évident que certains points de cette liste ne seront pratiqués que par les plus passionnés. C’est à dire par exemple ceux qui prennent la peine de lire des règles et de les expliquer ensuite.

 

-Socialisation

- Respect des règles

- Respect d’autrui 

- Patience (quand il s’agit de respecter le tour des autres et d’attendre son tour, ça à l’air ridicule mais c’est une des rares activités qui vous impose cela)

- Stratégie

- Optimisation

- Lecture (certes lire le texte sur des cartes à jouer, mais aussi donner des règles de jeu à lire à son enfant sous prétexte que vous n’avez pas le temps)

- Compréhension (des cartes ou des règles du jeu, que cela soit après une lecture ou des explications)

- Etre à l’écoute (des règles que l’on vous explique, mais aussi des autres joueurs)

- Concentration

- Pédagogie

(Si seul l’enfant connait les règles, et qu’il a tellement envie de jouer, il va vouloir expliquer les règles, juste pour pouvoir jouer. Et pour que son auditoire puisse comprendre il pratique sa propre forme de pédagogie. Mais une fois de plus pas besoin de note, il sait directement si ses explications étaient claires en voyant ses partenaires jouer. Une explication de règle équivaut à un exposé scolaire à mes yeux en tout cas en terme de pédagogie et d’expression orale).

- Expression orale (voir ci-dessus en particulier, mais aussi lors de certains jeux il y a une forme d’expression orale entre les joueurs)

- Mathématiques (nombreux sont les jeux avec des décomptes de points, du plus simple au plus complexe)

- Géométrie 2D et 3D (Exemple La Bocca)

- Visualisation dans l’espace (Exemple La Bocca)

- Gestion de son temps (Pour ne pas trop faire attendre les autres, mais aussi dans tout jeu en temps limité)

- Dextérité

- Apprentissage de langues (Anecdote : dans mon club de jeu en 1994, un jeune de 13 ans était nul en anglais, il a découvert Magic qui n’existait qu’en anglais, il a mordu à fond, 6 mois plus tard sa mère qui était désespérée est venue me voir au club pour me remercier, car sans lui donner de cours sa moyenne en anglais avait doublée par l’intérêt qu’il avait porté au jeu. Anecdote N°2 : J’ai moi même fait d’énormes progrès en anglais grâce au jeu de rôle ADD, et j’ai passé mon BAC d’anglais à l’oral sur le texte de préface de Dungeon & Dragons. A vous de provoquer cela en donnant en pâture à votre enfant des jeux uniquement dans une langue étrangère. La motivation lui permettra souvent de franchir la barrière).

 

- Apprentissage de tous les thèmes possibles imaginables par le jeu (encore une fois je ne parle de jeux dits éducatifs. Exemple votre ado apprend la Guerre Froide au collège ou au lycée, quoi de mieux que de jouer à Twilight Struggle ? De nos jours il n’existe quasiment pas de domaine où un jeu n’a pas été crée. Toutes les batailles et guerres de l’histoire ont été traitées en Wargame. Un enfant retiendra mieux la situation historique napoléonienne en jouant le rôle de Napoléon qu’en lisant des pages et des pages de texte. Et je dirais même plus, si le jeu lui a plu, il va lire tout le background historique qu’il trouvera avec les règles, avant ou après la partie).

- Repousser Alzheimer (ou toute autre baisse cérébrale pour les plus agés) 

Je pense que j’ai dressé une bonne partie de l’iceberg, mais il reste à mon avis de nombreux domaines qui ne me viennent pas forcement à l’esprit là, maintenant, sur le coup.

 

Voilà ce qu’est le jeu pour moi : Un loisir, un divertissement, un plaisir, des histoires, des aventures… c’est la partie visible de l’iceberg. La partie cachée, comme tout iceberg, est la plus énorme, et c’est un outil de développement personnel immense voir presque infini. Le meilleur outil pour l’enfant, mais aussi un outil de maintien voir d’évolution constante pour l’adulte et jusqu’à la mort. Comme un travail constant sur soi-même. Sauf que peu d’outils sur la planète peuvent se vanter de vous faire travailler sans même que vous ne vous en rendiez compte. Le jeu c’est toute cette magie réunie dans un loisir que les dirigeants de la majeure partie de la planète n’ont toujours pas saisi :(

Nous nous mettons à nous tutoyer. 

 

5) Magic est l’un de tes jeux favoris, que peux-tu nous dire sur ce jeu tant décrié par certains et tant adulé par d’autres.
Penses-tu qu’il a une place importante dans le monde ludique moderne ?

Magic est l’un des jeux qui restera éternellement dans mon top 5 à priori.

Je pense que dans l’histoire du jeu de société il y a eu plusieurs grandes étapes qui ont changé,
influencé et bouleversé le monde du jeu

Tout d’abord les jeux de société, avec le Monopoly qui s’est démocratisé on dira.

Puis deuxième claque et grosse innovation, les jeux de rôles grâce à Gary Gygax et ADD.

Puis troisième claque qui a tout bouleversé et énormément influencé les jeux modernes : Magic grâce à Richard Garfield.


Avant Magic, les cartes avec plein d’icônes et de texte n’étaient pas monnaie courante dans les jeux de société.
Les combos à tout va, non plus.
Je pense que Magic a vraiment ouvert une porte vers une nouvelle dimension.

Christophe reçoit la patate d'or à Paris est ludique, prix de celui qui a fini son interview Jeux Viens à Vous avant les autres ;-) 
 

Ce que j’affectionne le plus dans Magic c’est la création d’un deck. Le penser, l’imaginer, le construire puis le tester.
C’est presque équivalent au processus de création d’un jeu de société.

Il y a tellement de cartes disponibles à aujourd’hui, tellement de thèmes, de variantes et de combos possibles que la richesse
créative est infinie. C’est d’ailleurs ce qui me gêne pas mal dans les tournois.
C’est que les joueurs se limitent à la construction d’un, deux voir trois archétypes de deck.

Ils ont tous plus ou moins le même deck. Cela va totalement à l’encontre du potentiel créatif de Magic,
Ca tue carrément le coté qui m’éclate le plus dans magic.
Et donc affronter maintes fois des decks similaires m’embête à la longue. 

Les victoires se mesurent à la maîtrise de ton deck, et au hasard et non plus à la créativité ou l’originalité.

Tiens je suis en train d’imaginer un type de tournoi, ou la victoire apporterait de petits prix, mais où à la fin de la rencontre
chacun devrait voter pour le deck le plus original qu’il a rencontré, ou les arbitres par exemples.

Et là on aurait les plus gros prix ;)

Peut-être que ça permettrait de revenir à Magic à son idée originelle qui était d’offrir au joueur la possibilité de créer des tonnes

de decks différents !

 

D’ailleurs j’aime tellement le processus créatif de Magic que je m’aperçois que quand je crée des decks,
je crée moins de prototypes de jeu en tant que game designer. Ce qui prouve bien que Magic étanche ma soif de créativité
qui du coup ne se défoule pas sur de nouvelles créations perso.
Du coup, pour l’anecdote, j’évite de trop créer de decks à Magic et je ne casse jamais ceux qui sont déjà faits et qui tournent
bien ;) et d’autre part je ne lis jamais rien sur les decks existants, les tendances du moment ou les combos qui tuent.
Je pars toujours de la page blanche, de zéro, j’ouvre les classeur, je fouille et je crée mon idée comme un magicien qui irait
piocher dans son immense bibliothèque de parchemins avant de partir à l’aventure ;)

 

6) Que penses-tu du jeu chez les adultes et de ce qu'il peut apporter dans les entreprises pour la communication, la cohésion de groupe etc? 
Bruno Faidutti n'est lui pas convaincu de ce que peut apporter le jeu, et pense qu'il doit rester ludique. 

Ca ne peut pas faire de mal c’est certain. Après les adultes ont déjà toute une partie de leur existence derrière eux. Ils sont pour la plupart déjà rentrés dans le système, ils sont un peu pré-formatés. C’est pas comme un enfant ou un jeune qui apprend en permanence et qui est en train de se former. Donc je pense être assez d’accord avec Bruno sur ce point là. Il faudrait d’abord les dé-formater, puis les reformater. 

Ce genre d’activité peut avoir un impact sur eux dans une entreprise, sur certains d’entre eux, certainement pas la majorité, plutôt ceux qui sont ouverts d’esprit et prêts à reconsidérer les choses. Pour la plupart des autres, cela va leur faire un joli moment de détente en dehors du train train quotidien de leur boulot. Bref un joli petit break qui s’effacera aussi vite qu’il a duré si peu de temps...

"En tout cas j'espère profondément qu'ils ne la font pas !"

 

7) Franck Lepage, dans La conférence gesticulée « L’éducation populaire, monsieur, ils n’en voulaient pas  » explique qu’il a été prouvé scientifiquement que l’on apprend beaucoup mieux par le plaisir, ce que font d’ailleurs les familles aisés, où le savoir est un jeu, et que c’est l’une des raisons pour laquelle les fils de cadres par exemple réussissent mieux que les fils d’ouvriers, milieu où l’on voit l’apprentissage comme un travail et non comme un plaisir.
Comment analyses-tu cela, et penses-tu que l’école actuellement renforce les inégalités déjà existantes ? 


Je pense avoir déjà répondu intensivement à cette question d'apprentissage par le jeu lors de ma réponse à la question précédente... Je serais donc bien plus bref sur cette question, ayant déjà presque tout dit de ma pensée sur ce sujet précédemment.

Je ne sais pas si l'école renforce les inégalités. Je ne pense pas. Car le système est le même pour tous, les profs ne font pas forcément la différence entre ce que j'appellerais vulgairement un gosse de riche et un enfant d'ouvrier. En tout cas j'espère profondément qu'ils ne la font pas !

Par contre, je ne suis pas trop d'accord avec la première partie de la question. En effet, le jeu de société est l'un des loisirs les moins onéreux en rapport sommes dépensées face au temps de loisir apporté. Donc c'est un loisir qui, à mon humble avis, est à la portée de tous. Dans mon cas par exemple, je ne suis pas issu d'une famille aisée. Mon père a fait abandon de famille alors que j'avais 3 ans. Ma mère m'a éduquée seule en étant prof de math en lycée. Autant dire qu'on vivait plutôt limite avec une vieille TV noir et blanc, pas toujours un steak sur la table, et les jus de fruits , coca et orangina n'étaient présents que chez mes grands-parents. Voilà les souvenirs que j'en garde... Cela ne m'empêchait pas de commander au père Noël ou aux anniversaires des jeux de société et de démarrer ma collection. 

Si on pousse encore plus loin, vers 13 ans je découvre les jeux de rôles et si vous avez l'esprit créatif (ce que justement le jeu vous apporte) avec trois bouquins de jeu de rôle vous pouvez jouer toute une vie ! Donc c'est vraiment à la portée de tous et un loisir vraiment pas cher.

La question est plus d'avoir les bonnes sources d'information et pas forcément une question de budget. 

Par le passé on aurait pu dire que l'information filtrait moins facilement par la classe ouvrière que dans une famille de cadres. Mais de nos jours avec internet, auquel quasiment tout le monde à accès, cela n'est plus du tout vrai. Donc l'enfant ou les parents curieux ont les mêmes possibilités d'accès aux jeux de société quelles que soient leurs origines ou classe sociale.

8) Revenons à une question plus personnelle,tu t’es marié il y a peu de temps, ton épouse Beatriz, dont j’ai cru comprendre que tu étais très fier te suit régulièrement, festival de Cannes, elle est venu participer au Tric Trac Tv... que t’apportes-t-elle au niveau ludique, et plus généralement dans la vie de tous les jours? 

Dans la vie de tous les jours... Que dire.... Je pense que si l'on se marie avec quelqu'un c'est parce que l'on estime qu'il nous apporte beaucoup quotidiennement. Me concernant, je dirais qu'elle m'apporte TOUT. Tout ce qui ferait que sans elle, TOUT s'écroulerait. Je n'ai jamais été marié dans ma vie précédemment. J'en ai toujours eu peur, et j'ai jamais été vraiment pour. Mais avec elle c'était si évident. Nous avons tellement de points communs. A mes yeux, si ce n'était pas avec elle que je me mariais alors je ne me marierais avec personne d'autre au monde. J'ai mis beaucoup de temps à trouver la bonne, il faut croire que j'ai pris mon temps. Pour une fois dans ma vie, j'ai été très patient. Ce qui n'est pas ma qualité première en général (hors pédagogie où là je sais l'être).

"elle est LA muse ultime"


Au niveau ludique et musical, bref tout ce qui est créatif et artistique, elle m'apporte énormément sans rien faire de particulier, juste par sa présence. C'est le principe de la muse de l'artiste. Et me concernant, elle est LA muse ultime, imbattable. Et pourtant je connais l'effet 'Muse', mais là c'est juste décuplé d'une façon que je ne pouvais même pas imaginer. J'étais déjà assez actif, et on va dire que je n'ai jamais eu peur du trou noir de l'auteur. Bref, je ne manquais pas d'idées. Mais depuis que nous sommes ensemble les idées et concepts on été multipliés par trois ou par quatre. Niveau Proto, je ne sais même pas par lequel commencer. Alors ces concepts s'accumulent dans le carnet de note, et dans les différentes machines (IPad et mac). Impatients que l'on s'occupe d'eux, et levant tous le doigts clamant "C'est moi le meilleur ! Occupes toi de moi !" LoL

Ensuite, concrètement, effectivement elle m'accompagne souvent sur les salons car elle adore le contact humain, expliquer les jeux et les jouer aussi, partager ces moments conviviaux avec les joueurs et joueuses. Comme en plus elle parle désormais trois langues (Portuguais, anglais et français) sur les salons 'internationaux' c'est une arme non négligeable et ça lui permet de pratiquer les langues. Elle est devenue une 'presque Geek' joueuse. Je dis presque Geek parce que la pilule Magic the Gathering n'arrive pas à passer :(

Une chose encore plus intéressante et qui rejoint mes propos sur les bienfaits du jeu, elle doit son apprentissage du français en bonne partie au jeu. Lire les textes des cartes, jouer avec des français et devoir parler français (Jdr aussi, beaucoup d'expression orale), mais aussi expliquer des règles en français, un sacré exercice pour un étranger qui découvre la langue !

 

Anecdote qui prouve bien la chose : Festival des jeux de Cannes 2016. Sur le stand de Ludically, trop de jeux qui tournent et je ne peux pas m'occuper de tous les jeux en démos. Donc je garde les plus lourds pour moi (Targane Adventure, 4 Gods), et durant tout le salon elle veut bien s'occuper d'expliquer Fruit Salad au public, toute seule, sans aide. Donc pendant 3 jours elle explique non-stop sur Fruit Salad, qu'elle connait bien, car c'est le premier jeu que j'ai crée après l'avoir rencontrée. Au début du salon son niveau de français était vraiment plutôt bas. Je dirais entre 5-10% si je devais graduer en quelque sorte... A la fin du salon, à ma grande surprise, elle m'envoi son premier SMS tout en français. Et pas un petit SMS de trois ligne. Non ! Un bon gros SMS avec du vrai contenu ! J'étais scié ! Et puis une fois de plus dans la foulée, j'ai immédiatement réalisé que cela confirmait ma théorie sur la rapidité avec laquelle on peut apprendre et progresser dans un domaine juste en utilisant le jeu, avec passion. Ce qu'elle a fait pendant trois jours. A mes yeux son niveau de français avait triplé en 3 jours. Elle n'avait désormais plus peur d'engager une conversation en français, ou d'écrire en français, même si certes il lui manquait encore du vocabulaire et des bases... Elle avait franchi la barrière qui suffisait, le palier le plus difficile à passer. Elle pouvait désormais progresser en roue libre. Les jours qui suivaient elle jouait ses premiers jeux avec du texte en français sur les cartes (minivilles en premier), sans quasiment nécessiter mon aide. Puis des jeux de plus en plus compliqués et riche en texte FR.

Aujourd'hui elle est devenue traductrice de jeux en Portuguais pour Gigamic, a peine quelques mois après le festival des jeux de Cannes.... Qu'on me dise encore que les bienfaits du jeu ne sont pas magiques, et je ricanerais bien, au fond de moi ;)

Donc ce qui est beau ce n'est pas seulement ce que Beatriz m’apporte en general ou m'apporte au niveau ludique, c'est aussi ce que le ludique lui a apporté. Et j'ai comme l'impression que cet échange dans les deux sens est sûrement bien équilibré et de manière naturelle.

 

Quand je l'ai rencontrée la première fois, sur sa page Facebook était écrit : Je déteste les jeux ! Aie ! C'est pas gagné quand on sait que c'est mon métier :( 
Mais en fait, vivant au brésil et pas spécialement entourée de joueurs, elle avait une vision bien déplacée de notre monde ludique. Elle a rapidement changée d'opinion en découvrant notre VRAI univers ;)

Oui, je l'avoue, je suis super fier d'elle, et fier d'être désormais son mari et elle me le confirme chaque jour qui passe :))))))

 

9) Ton épouse est mannequin, plus jeune que toi. 

As-tu eu des remarques à ce propos par tes proches ou moins proches, comment as-tu vécu la chose, et toi qui es un grand sportif, est-ce que c’est une motivation supplémentaire pour s’entretenir physiquement et intellectuellement? 

 

La suite, la semaine prochaine! 

Pour ceux qui souhaiteraient découvrir les précédents entretiens ou simplement mes animations :

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