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d'événements ludiques
Jeux Viens à Vous Bernard Tavitian
Je dois l'avouer, je ne connaissais même pas le nom de Bernard Tavitian avant que Bony ne m'en parle.
L'auteur de Blokus? Blokus avait donc un auteur!
Et puis après quelques recherches wikipédieuses, je découvrais le CV du bonhomme : chercheur à l'institut du pétrole...
Mais qui était donc réellement cet homme?
Je m'aperçus rapidement de l'être original avec qui je correspondais.
Un être complétement singulier, aucunement soucieux de son image dans le monde ludique, libre, drôle, en un mot inclassable.
C'est un entretien magnifique, plein de justesse et de vérité que je vous délivre cette semaine.
Un homme qui m'a touché par sa simplicité et sa véracité, et qu'il me ferait plaisir de rencontrer.
Avec Bernard Tavitian, nous évoquons son ancienne vie de chercheur, de la réalité du métier en France, de Jean et de John, de Père Castor, d'anarchie et de folie, de sa vie en tant qu'auteur de jeux, d'Hervé Marly, Cédric Caumont et Roberto Fraga, des barbus du monde ludique, du jeu, des enfants et de Schubert...
1) Bernard, aurais-tu la gentillesse de te présenter?
Si je comprends bien la question, je dois me présenter gentiment : même si l'envie m'en prend, je ne dois pas me montrer méchant. Ca tombe bien car je suis plutôt gentil, comme gars.
Bon... c'est un peu succinct, comme présentation.
Voici donc d'autres éléments plus objectifs (un résumé de curriculum vitae, en quelque sorte) : né en 1960, célibataire, deux enfants. Réside à Marseille ou dans les Alpes de Haute-Provence, selon les circonstances, l'humeur et la météo. Formation scientifique. Créateur de jeux, connu essentiellement sous le nom de "M. Blokus" (étiquette qui me colle à la peau...).
Un peu poète, un peu glandeur.
2) Que représente pour toi le jeu, le fait de jouer et le fait de faire jouer ?
Question complexe, qui voudrait et vaudrait un long exposé ! Et à laquelle il est délicat de répondre sans tomber dans un cliché.
En tant qu'auteur de jeux, cela représente d'abord une manière privilégiée d'exercer mon imagination. Quand je faisais de la recherche, c'était essentiellement les aspects ludiques des matières et applications scientifiques qui me motivaient. Je "jouais", en quelque sorte, avec des molécules et des lois physiques.
Jouer ou faire jouer, c'est un peu la même chose : il est toujours question de jeu. Outre l'aspect intellectuel et créatif, le jeu est pour moi un des meilleurs aspects des relations sociales. Comme de rigoler ou de boire un coup (choses qu'on peut évidemment faire en jouant). On ne peut pas être méchant quand on joue - ou alors, c'est qu'on triche.
Bien sûr, il y a des jeux, ou des types de jeux, qui m'intéressent et m'amusent plus que d'autres. Mais ça, primo, c'est une question de sensibilité, et secundo, même un jeu que je trouve quelconque en soi peut être l'occasion de rire, de discuter, bref, d'échanger.
Evidemment, après un quart d'heure de "bataille" avec des gamins, par exemple, j'essaierais - et je trouverais moyen, c'est sûr - de passer à autre chose !
"N'ayant jamais eu une âme de chef et encore moins celle d'un fayot, j'étais assez mal noté et me sentais à la fois bridé et brimé."
3) Puisque tu en parles, venons-en rapidement alors à ton métier, ancien métier d'ailleurs si j'ai bien compris, ingénieur et chercheur dans le monde du pétrole, vil capitaliste que tu es !
Plus sérieusement, peux-tu nous raconter un peu ton parcours, qui m'a impressionné je dois dire.
Ah... Je dois donc étoffer mon CV. Bien, voici :
Diplôme d'ingénieur de l'Ecole Centrale de Paris (1984).
Thèse de doctorat en biophysique (sujet : réactions primaires de la photosynthèse) - 1987 (je n'avais pas trop envie d'être ingénieur, en fait).
De 1987 à 1989, post-doc à l'université de Yale (Etats-Unis). Sujet : métabolisme du glucose et du glycogène chez l'homme.
De 1990 à 2005 : ingénieur de recherche à l'institut français du pétrole. Etude par simulation numérique de modèles moléculaires.
Depuis 2006, je me promène et n'en fais qu'à ma tête.
Capitaliste ? Ca veut dire quoi ?
J'ai des rentes, certes (que j'ai gagnées puisqu'il s'agit de royalties), mais je n'ai jamais joué en bourse... Et les seules personnes que j'ai eu sous mes ordres - si l'on peut dire - étaient des doctorants, post docs ou étudiants.
Ce qui m'a poussé à quitter mon métier de chercheur, ce n'est pas le contenu de mes recherches (que je trouvais plutôt rigolo, bien que ce ne fût généralement pas l'opinion de mes chefs - gens pour la plupart sans beaucoup d'imagination), mais l'ambiance.
L'IFP devenait de plus en plus une entreprise et de moins en moins un institut (la dérive n'a d'ailleurs fait que s'accentuer depuis mon départ, si j'en crois les ex-collègues qui sont restés mes amis). N'ayant jamais eu une âme de chef et encore moins celle d'un fayot, j'étais assez mal noté et me sentais à la fois bridé et brimé.
4) La personne qui m'a conseillé de t'interviewer car je dois te l'avouer honteusement je ne te connaissais pas, t'a présenté comme « un fou anarchiste que j'adore ».
4 A) Acceptes-tu ce terme ?
4 B) Dans tes propos, je sens effectivement, quelqu'un de décalé par rapport à son ancien milieu de l'ingénierie et de la recherche.
Mais alors qu'est ce que tu aimais dans le fait d'effectuer des recherches ?
Le fait de trouver ? La démarche intellectuelle en elle-même ? Le défi que cela peut représenter? La reconnaissance ?
Tiens donc... je suis presque curieux de savoir qui me qualifie ainsi (j'ai ma petite idée, bien sûr).
Fou... disons que je suis un "original", ou en tout cas perçu comme tel. Fou dans le sens de "bouffon", peut-être (quand je suis en forme). Fou à lier, je ne pense pas.
Quant à être anarchiste... j'ai toujours eu du mal sinon avec l'autorité, du moins avec la hiérarchie.
Alors, va pour fou anarchiste. Surtout si ça fait plaisir à ceux qui m'adorent !
Comme je disais plus haut, ce qui me plaisait le plus dans la recherche, c'est justement l'aspect "ludique". On trouve celui-ci dans la démarche intellectuelle, effectivement : le fait d'échafauder des hypothèses, que l'on met à l'épreuve expérimentale, c'est un peu comme faire un pari (ou relever un défi). Dans la modélisation moléculaire notamment, je m'amusais bien : il fallait sans cesse ruser pour trouver la petite astuce, le "biais" qui oblige les systèmes modélisés à cracher leurs petits secrets. Quant à la reconnaissance, j'y ai eu droit de la part des Américains ou de collègues du CNRS, mais jamais de ma hiérarchie (je parle de mon expérience à l'institut français du pétrole).
Pour finir : 1° je n'ai jamais eu d'ingénieur que le diplôme, pas la fonction ; 2° un chercheur n'a aucune obligation d'être un "trouveur". On peut faire toute une carrière en recherche sans jamais rien trouver et néanmoins faire avancer la science de manière significative. On peut aussi trouver sans forcément chercher.
Le jeu Blokus par exemple, on ne peut pas dire que je l'aie "cherché".
"à croire que jusqu'à présent ils bossaient comme des sagouins..."
5) Blokus ? Ce serait une excellente transition, mais je ne vais pas la saisir immédiatement. Beaucoup critiquent les conditions de recherche en France, chercheurs sous payés par rapport à d'autres pays comme les Etats-Unis, peu de moyens etc... Quelle est ta vision personnelle ?
Nous nous écartons un peu du sujet de départ, mais bon. Voici un conte que j'ai imaginé : le lecteur peut partir de là pour imaginer sa "vision personnelle".
John et Jean sont deux techniciens chimistes, employés, le premier dans une université américaine, le second dans un établissement scientifique français. Un jour, l'un comme l'autre se trouvent avoir besoin d'un litre d'acétone pour effectuer une étude dont leur chef les a chargés. Il s'agit donc, pour John comme pour Jean, de se procurer un litre d'acétone.
Commençons par le cas de John. Ce dernier écrit sur un post-it : "penser à acheter un litre d'acétone demain matin". Le lendemain, il se lève, se rase, prend son café (américain...) et remarque le post-it qu'il a collé la veille sur le frigo. Il fait donc un détour de vingt mètres en se rendant au boulot, pour passer au drugstore du coin où il achète un litre d'acétone, qu'il paye de sa poche 1,25 $ (taxes comprises). Il prend soin de se munir du ticket de caisse et en arrivant à son labo, il va voir la secrétaire et pose ce ticket sur son bureau. La secrétaire ouvre son tiroir et lui rembourse 1,25 $. John se met au boulot : il peut commencer sa manip.
Passons à présent au cas de Jean. Il faut un litre d'acétone ? Bien : allumons l'ordinateur. Ouvrons le programme (une espèce d'usine à gaz, pleine de bugs, qui a coûté 1,25 M€, et que personne dans l'établissement ne connaît trop bien - à vrai dire, même les technico-commercialo-etc. de la boîte qui a vendu le logiciel ne le connaissent parfaitement bien). Remplissons le formulaire. Case AK27, numéro de projet. Case BW12, numéro d'étude du projet. Case WZ48bis, numéro de tâche de l'étude du projet (s'il s'agit de dépenses de consommables et non d'investissements, sinon il faudrait passer directement à l'alinéa 492 de l'article XZ6V8).
Une fois ceci accompli (soit vingt minutes plus tard), on tape sur la touche "return" et là, on est renvoyé au début car la case HB88ter n'a pas été cochée, ou bien la case 13H8 n'a pas été renseignée au bon format. A moins que le programme ne plante tout bonnement pour une raison aussi occulte qu'inconnue. On recommence donc, et miracle ! 20 minutes plus tard, le message généré par la demande part... pour échouer dans la boîte mail du chef de projet.
Manque de pot, celui-ci est parti en congrès et ne rentrera que dans trois jours.
Mais heureusement, sitôt rentré... il allume son ordinateur. Constate qu'il a 147 messages qui attendent son attention. Celui concernant le litre d'acétone sera donc traité en fin d'après-midi : l'ingénieur lance pour cela le fameux programme dont il est question ci-dessus. Remplit les cases qui sont de son ressort. Tape sur la touche "return", recommence tout à zéro car il a oublié de mettre une majuscule indispensable là où il en fallait forcément une, et youpi ! la demande poursuit son odyssée, et aboutit chez le chef de département (lequel est en congé mais ne manquera pas, une fois de retour, d'allumer aussitôt son ordinateur - pour constater que 369 messages l'attendent impatiemment). Pour abréger : lorsque, une semaine plus tard, la demande parvient au service achat (voyons... acétone, commande cadre, donc formulaire 51#5, c'est pour Aldrich Chemicals), puis deux jours plus tard, que l'acétone elle-même parvient au magasin, on déclenche le processus inverse : il faut accuser réception, prévenir le chef que sa demande a été honorée, le chef transmet alors la bonne nouvelle au chef de projet, qui s'empresse - ou pas - d'alerter son technicien.
Ce dernier se rend alors au magasin pour récupérer le précieux acétone. Résultat : on a perdu dix jours, et si on compte bien, le litre d'acétone a coûté, tout bien pesé... 275 € (je n'exagère absolument pas). Si par malheur Jean décide de faire comme John, non seulement son augmentation annuelle "au mérite" ne passera pas de 6,50 € à 7,40 €, mais il court le risque d'être proprement viré, car il n'a satisfait ni à la démarche qualité, ni au protocole traçabilité, ni aux consignes de sécurité, bref à aucun de ces sacro-saints préceptes en "-té" (et surtout pas au principe d'efficacité, mais là ce n'est vraiment pas de sa faute). Il ne faut pas s'étonner si Jean décide de se débrouiller pour qu'on lui foute la paix au maximum - il attend la retraite et puis merde !
Je m'arrête là, ou je vous en raconte une autre bien bonne de la même farine ?
Chez Jeux Viens à Vous, on est comme Père Castor, on aime bien les histoires alors si tu souhaites nous raconter encore un conte, tu es tout autorisé
Bien : voici une anecdote qui illustre bien l'inconcevable gâchis qui sévit généralement dans le genre de boîtes où j'ai travaillé. On pourra intituler l'histoire : "Quand Courteline rencontre Kafka".
Les grands pontes découvrant un beau jour que la recherche est organisée par "projets" (chacun d'iceux portant un numéro et étant lui-même saucissonné en "études" - qui portent également un numéro -, lesquelles études peuvent être à leur tour divisées en "tâches" - dûment répertoriées et numérotées, comme on l'imagine), s'avisent que tout ceci est quelque peu lourdingue et mériterait un petit dépoussiérage. Très bonne idée a priori !
On fait donc appel à une société extérieure, notoirement spécialiste en organisation d'entreprise - mais totalement ignorante en matière de recherche scientifique. Grands débats, séances de "brown papers" (ceci consiste à encourager l'ensemble du personnel à écrire leurs idées sur des post-it, lesquels bouts de papier iront temporairement décorer un grand pan de mur avant qu'on les foute tous à la poubelle), grand chapiteau façon barnum dans le jardin de l'institut, séances de formation obligatoire pour tout le personnel à la "qualité" (un concept sensé apprendre aux chercheurs et techniciens la bonne façon de travailler - à croire que jusqu'à présent ils bossaient comme des sagouins et qu'il leur fallait bien un gugusse, soit dit en passant totalement ignare sur toutes les questions scientifiques, pour leur montrer enfin la voie salvatrice)...
Bref, on dépense deux millions d'euros pour 1° diviser par deux, en gros, le nombre total de projets, 2° subdiviser encore plus chaque projet (il le faut bien, puisqu'il y en a deux fois moins), et 3° mettre en place des procédures. Voici un exemple de procédure : chaque semaine, chaque salarié devra remplir sa "feuille de temps". Cela consiste à indiquer, pour toute la semaine écoulée, combien de temps (jour par jour et à la minute près) on a passé sur chaque tâche de chaque étude de chaque projet. Curieusement, aucun numéro n'est attribué au travail consistant à remplir cette feuille de temps, et pourtant ça prend bien vingt minutes chaque vendredi après-midi. Chacun devra bien réaliser que le fait de remplir scrupuleusement ses feuilles de temps représente un des critères d'augmentation de salaire (c'est la direction qui le dit).
Mais le plus cocasse c'est quand, le vendredi vers 16 heures, on reçoit un coup de téléphone de son chef : "Bernard, il faut que tu arrêtes de pointer sur le projet J47218, parce qu'on va dépasser le budget. - Ah bon, mais c'est justement sur ce projet-là que je travaille en ce moment ! - Ca ne fait rien : je vais te donner un autre numéro, tu pointeras dessus."
Bon... la personne qui compile l'ensemble des feuilles de temps du personnel, chaque lundi matin, a peut-être l'impression de faire un boulot utile ?
Peut-être pas, mais après tout, elle n'a qu'à attendre la retraite... et puis merde !
Un fou anarchiste que l'on adore
6) Voyant cela, tu n'as jamais eu l'idée d'aller travailler à l'étranger ?
Mais j'y suis allé, à l'étranger ! J'ai fait un post-doc à Yale (prestigieuse université américaine sise dans le Connecticut à 115 km au nord-est de New York City), de 1987 à 1989. Là-bas, j'avais 1° une totale liberté de mouvement et d'organisation (je pouvais venir travailler le samedi et le dimanche, et partir trois jours en vadrouille comme bon me semblait) ; 2° des moyens professionnels à faire rêver, pas illimités mais quasi ; 3° un salaire décent pour un premier poste en recherche scientifique.
Cela étant, j'aime bien la France, son ambiance, son esprit, et le reste (la bouffe, le pinard...). Et c'est là que j'ai ma famille et surtout mes principaux amis. Autant j'aime voyager et connaître de nouveaux horizons et expériences, autant l'idée d'aller m'enraciner ailleurs ne m'a jamais paru nécessaire. (J'ai pourtant quitté la région parisienne pour m'établir d'abord à la montagne, puis à mi-temps à Marseille.) J'aurais pu rester aux USA si je l'avais voulu, mais... j'ai préféré rentrer. Je répondrai donc à la question : oui, l'idée m'a effleuré, mais elle n'a fait que m'effleurer.
7) Dans le cas où tu souhaiterais changer de sujet, alors revenons-en au monde ludique et raconte nous l'histoire de Jean devenu auteur de jeu. Comment cela est-il arrivé ?
Sans être complètement "accro", j'ai toujours été joueur. Au lycée (qui s'appelle aujourd'hui collège jusqu'à la classe de troisième), je jouais aux échecs, par exemple - mais pas assez assidûment pour être vraiment bon. Ensuite, j'ai joué aux cartes (bridge, belote, whist... parfois une partie de poker), mais là encore, toujours en dilettante. J'ai eu une (assez courte) période "Risk" ; il m'est arrivé de jouer à "Diplomacy", à "Cluedo", à d'autres jeux encore (même le "Morpion", le "Pendu" ou encore "Master Mind"), mais jamais rien de vraiment suivi ni approfondi.
J'aimais bien également faire des casse-têtes. J'en faisais régulièrement en classe, au lieu de prendre des notes. Les problèmes de pentaminos, notamment, m'ont occupé un certain temps (je ne vous explique pas ce que c'est : ceux qui ne le savent pas déjà trouveront très vite en tapant le mot sur un moteur de recherche internet). Une autre chose que j'ai toujours aimé faire, c'est voyager. Ne pouvant évidemment être constamment en voyage, je palliais ceci en regardant des atlas. Aujourd'hui encore j'aime m'échapper, faire une randonnée en montagne sans bouger de chez moi en consultant une carte IGN Top 25 (je précise que je fais également des randonnées pour de vrai, dès que je peux !). C'est ainsi que, aimant les cartes, je connaissais le "théorème des quatre couleurs" (ici encore, je renvoie éventuellement le lecteur à un moteur de recherche internet).
Un jour où je cherchais à imaginer un cadre original pour une peinture que j'avais faite, j'ai eu l'idée d'associer les deux : puzzle de formes et théorème des quatre couleurs, de manière à obtenir un double casse-tête imbriqué, problème de formes et problème de couleurs à la fois. Blokus était né. Ceci se passait en 1992. La genèse du jeu elle-même a été extrêmement rapide : deux jours après avoir eu l'idée de base, le jeu était prêt. Je m'en suis occupé très peu dans les années qui ont suivi, me contentant de le présenter à quelques éditeurs - qui tous l'ont refusé. Ce n'est que fin 1999 qu'un ami m'a mis en contact avec ceux qui l'ont vraiment développé commercialement, avec le succès que l'on sait.
En ce qui me concerne, dès la création du jeu j'étais persuadé de tenir quelque chose de bon. Je me mis de plus en plus à la création ludique : bon nombre de mes jeux - non édités à l'exception de deux d'entre eux, outre Blokus - datent de ces années-là : 1994, 1996 etc. (je n'ai jamais vraiment arrêté depuis, en fait).
Bref... en 2000, j'étais à l'IFP depuis une dizaine d'années, et j'avais déjà bien commencé à perdre mes illusions, côté recherche. Au fur à mesure que le succès de Blokus s'affirmait, l'idée de quitter la recherche pour la création ludique faisait son chemin. Quand j'ai quitté l'IFP fin 2005, cela faisait déjà deux ou trois ans que je savais que, dès que cela me serait possible financièrement, je sauterais le pas. J'abandonnais évidemment la science (une fois qu'on laisse tomber, c'est très difficile d'y revenir - surtout lorsqu'on n'a plus vingt ans !), mais pour me lancer dans la création, ce qui était une large compensation. J'ai même fait, et avec grand plaisir, de l'édition (les jeux "Arlecchino" et "Nexos"), mais, incapable de m'occuper des aspects commerciaux, de distribution notamment (ce n'est vraiment pas mon truc !), j'ai - pour l'instant du moins – abandonné.
8) Tu es donc marqué comme Mr Blokus. Cela te permet une certaine liberté vu le succès du jeu. Philippe Des Pallières vit de manière paradoxe le succès des Loups Garous, certes cela lui a permis de faire beaucoup d'autres, mais cela l'énerve qu'on lui en parle. C'est ton cas également ? As-tu mal vécu le « post Blokus » et qu'as-tu fait après?
Blokus est le seul de mes jeux qui ait été suffisamment distribué pour que le public le connaisse (les deux autres, Nexos et Arlecchino, sont restés anecdotiques). De plus, il est évident que ce jeu, outre la notoriété qu'il m'a apportée, me fournit depuis plus de quinze ans de quoi faire bouillir ma marmite - et même plutôt bien - et ça, je ne m'en plains pas : au contraire, je m'en félicite. Par ailleurs, je revendique personnellement les qualités que l'on reconnaît généralement au jeu : en un mot, je suis persuadé - je l'ai toujours été, même pendant les années où le jeu n'était pas encore édité - qu'il est excellent (voilà qui est dit, ainsi on ne pourra pas me taxer de fausse modestie).
Cela dit, et ici je rejoins l'excellent Philippe Des Pallières, pour moi le jeu Blokus est de l'histoire ancienne. Je pense avoir dans ma besace quelques dizaines d'autres jeux, qui pour la plupart ne sont certes pas du même niveau, mais dont une partie au moins mérite l'attention. J'ai du moins la faiblesse de le croire... Evidemment, il faudrait, pour qu'ils aient la moindre chance de connaître un petit succès, que quelqu'un de moins glandeur que moi les prenne en charge. Peut-être que si j'en avais réellement besoin matériellement (ou financièrement) parlant, je me démènerais un peu plus...
Enfin, l'étiquette de M. Blokus qui me colle aux baskets n'est plus de toute première fraîcheur. L'important pour moi, c'est que je n'ai pas le sentiment de m'être arrêté là, et que je continue à créer. J'ai encore pondu un nouveau jeu fin 2017 et un autre début 2018. Je suis en train de compiler mes créations dans un livre que j'éditerai peut-être un jour.
Je répondrai donc que non, l'ère "post Blokus" n'est pas spécialement difficile à vivre, et oui, j'aime autant parler d'autre chose.
"Je fais mes confiotes, ma crème de cassis et mes framboises à la gnôle dont je vous dis que ça."
9) Je n'ai jamais eu l'occasion de te rencontrer, fréquentes-tu assidûment les festivals ?
Quel est la vie de Mr Blokus ? (Oui j'aime énerver les anarchistes fous que certains adorent)
Depuis quelques années, je dois avouer que je suis un "ours" et que je fréquente assez peu festivals et salons. Auparavant, j'allais régulièrement au festival de Cannes, au salon de Nuremberg, à celui de Paris et même de New York une fois ou deux. J'ai fréquenté ponctuellement Essen, Toulouse, Parthenay, Bayeux, Issy-les-Moulineaux, Paris et j'en passe... Je rends parfois visite à mon pote Cédrick Caumont à Bruxelles, ou à mon pote Hervé Marly à Bagnolet ; je suis passé à Vevey et à Nantes... Mais dans l'ensemble, et compte tenu de mon boulot, je suis vraiment un ours.
Le seul événement que je fréquente assidûment c'est les rencontres annuelles du Corsaire Ludique (j'ai bien dû y aller dix fois). Je me dis souvent que je devrais me retirer les doigts du trou de balle et me botter le cul (dans cet ordre-là !). Pour l'instant je voyage pas mal à l'étranger, sans parler de randonnées à ski (ski nordique de préférence). L'été je m'occupe également de mon jardin ; je fais mes confiotes, ma crème de cassis et mes framboises à la gnôle dont je vous dis que ça. J'ai également organisé - deux fois déjà - des séjours ludiques à thèmes d'une semaine dans ma baraque des Alpes de Haute Provence. En juillet 2016 nous avons élu une papesse (eh oui, c'est une fille qui a gagné : dues non habet), en août 2017 la nation Sioux s'est choisi un grand Sachem. On a bien rigolé (et bien mangé, bien bu). Ce sont des séjours en petit comité, mais je passe pas mal de temps à concocter le programme. C'est loufoque et un peu décadent, ça m'amuse.
Pour l'instant, comme je le mentionnais plus haut, je suis en train de rassembler l'essentiel de mes créations ludiques dans un ouvrage qui paraîtra sans doute d'ici un an (à moins que je ne change d'avis). Je continue aussi à créer, puisque j'ai pondu un nouveau jeu en 2017 et un autre en 2018. Pour ce qui est d'éditer certains de mes jeux qui ne le sont pas (voire de rééditer Nexos ou Arlecchino), je ne m'en occupe absolument pas. Ce n'est pas que les aspect éditoriaux ne m'intéressent pas, bien au contraire. Mais je suis un bien trop piètre homme d'affaires pour me lancer à nouveau là-dedans, au vu des expériences plutôt négatives que j'ai vécues. Peut-être qu'il me faudrait un "agent" (avis aux amateurs ?).
Cela dit, ma porte n'est jamais fermée qu'aux cons, aux sales types et aux emmerdeurs. Tous les autres sont bienvenus, en particulier les joueurs, que ce soit à Marseille ou près de Barcelonnette. Comme quoi on peut être un ours très sociable... et me rencontrer n'est pas si difficile que ça. Je promets de faire un effort de mon côté (disons qu'en tout cas, j'ai conscience que je le devrais).
En tout cas, tu n'as pas réussi à m'énerver. Pour ce faire, il faut entrer dans une au moins des trois catégories que je cite ci-dessus !
Tu publies ton ouvrage chez Ilinx?
Je ne me suis pas encore posé la question du comment et chez qui je vais éditer mon bouquin. Pour l'instant, je l'écris et je fais les figures ; on verra plus tard pour le reste. J'imagine le boulot qui m'attend pour respecter les normes et les formats, lorsque j'en serai à discuter avec un imprimeur (si c'est moi qui édite).
10) En parlant des rencontres du corsaire ludique, voudrais-tu nous dire un mot sur le mari de Florence Fraga ? Tu sais celui qu'on appelle Roberto.
Roberto ?
Moi je l'appelle le Marsouin Colère parce que je trouve que ça ne lui va pas du tout (je ne l'ai jamais vu en colère et il ressemble à un marsouin comme moi au duc de Bordeaux).
Ma foi, qu'en dire ? Rien que du bon ? Ou faut absolument lui trouver un petit travers sous peine d'avoir l'air fayot ?
C'est quelqu'un qui a du charisme (il n'y a qu'à voir le succès qu'il a comme président des Corsaires Ludiques, par exemple), qui paye de sa personne et qui n'a pas la grosse tête. Ce qui tout bien pesé fait déjà trois éminentes qualités. Il lui arrive également de se montrer farfelu, ce qui est rarement pour me déplaire.
Donc, je l'aime bien. Florence et lui en sont deux qui sont les bienvenus chez moi à tout moment.
11) Si tu devais me citer 2 personnes du monde ludique, l'une pour ses qualités professionnelles et l'autre pour ses qualités humaines, l'un n'enlevant rien à l'autre?
Je le disais plus haut : je suis un peu un ours. Ce qui veut dire qu'il y a forcément pas mal de gens que je devrais connaître et même que je gagnerais à connaître. Je vais donc citer deux de mes amis du monde ludique. Et effectivement, pour l'un comme pour l'autre, mon sentiment est que leurs qualités humaines et professionnelles vont de pair.
Mon premier est l'excellentissime Hervé Marly, qu'on ne présente plus. Mon second est l'inénarrable Cédrick Caumont, idem.
Pourquoi ces deux-là sont des amis ? Je suppose que c'est très personnel : une question "d'atomes crochus", en quelque sorte. Ce sont deux personnes d'esprit ouvert, intelligentes, curieuses et imaginatives, dont le sens de l'humour s'accorde bien au mien, qui savent rester simples et qui ont le cœur sur la main. Des zigues dont la compagnie m'a toujours été agréable, avec qui je m'entends bien et à qui je pense sincèrement pouvoir faire confiance : des "gens bien", quoi. Pour eux aussi, ma maison reste ouverte en permanence. Comme je disais, c'est très personnel tout ça.
Cela dit, pour ce qui est de leurs qualités professionnelles, je pense que leurs succès respectifs parlent en leur faveur bien mieux que je ne saurais l'exprimer.
Une sorcière, comme son ami Hervé Marly?
12) Comment définirais-tu en un mot, oui un seul, chacune des personnes suivantes :
Ouh là et nom de Diou ! C'est un exercice épouvantablement difficile autant que très dangereux, ça ! Faut se gaffer de pas faire de gaffe, sauf à se faire des ennemis ! De plus, je ne connais pas - ou du moins pas bien du tout, voire de nom uniquement - la majorité des personnes citées. Bon, un mot et un seul, alors (tout en affirmant qu'on ne peut définir une personne d'un seul mot, ou alors c'est qu'il s'agit d'un abruti - seul cas où un mot peut suffire) :
Philippe Des Pallières : barbu
Tom Vuarchex : barbu
Marie Cardouat : artiste
Bony : enjoué
Marc Nunes : barbu
Croc : barbu
Monsieur Phal : barbu
Catherine Watine : joueuse
Dominique Ehrard : prolifique
Bernard Tavitian : mal rasé (ah merde, ça fait deux mots).
J'avoue que je me suis contenté de noyer le poisson, ou plutôt de botter en touche. Mais je n'en dirai pas plus.
Mince je suis souvent barbu !
13) Pourrais-tu nous raconter une anecdote drôle ou émouvante que tu as vécu sur un festival ?
Ce n'est pas à proprement parler une anecdote, mais le souvenir le plus émouvant que je garde d'un festival de jeux revient à Toulouse (cong !).
Ce devait être en 2009, à un an près (qu'on veuille bien m'excuser si j'ai la mémoire qui flanche). Je présentais Blokus (ben oui, forcément) et Arlecchino, et je me souviendrai toujours d'avoir fait jouer aux deux jeux, l'un après l'autre, à une famille de sourds-muets (la mère, le père et les deux enfants). En leur expliquant les règles comme il se doit, bien sûr, c'est-à-dire avec les mains. Les uns et les autres laissaient parfois échapper de petits borborygmes inarticulés.
Leur enthousiasme et leur joie m'ont profondément marqué.
14) Tiens, une question de dernière minute me vient par rapport à ce que tu me dis sur les règles.
Tout à l'heure, un éditeur et son auteur n'étaient pas contents que j'ai laissé jouer des enfants d'une certaine manière à leur jeu, car après que je leur ai expliqué les règles, les enfants souhaitaient jouer d'une manière qui fait perdre de l'efficacité au jeu mais qui leur convenaient mieux à eux .
Egalement, Catherine Watine dans son entretien m'expliquait que selon elle, jusqu'à un certain âge si un enfant ne veut plus jouer, il faut le laisser arrêter.
Tu te situes plutôt de quel côté ? Adaptation à l'enfant ou rigueur ?
Question intéressante, c'est sûr - surtout lorsqu'elle est posée à un créateur de jeux.
Considérons le jeu d'échecs : les règles de ce jeu pourtant universel varient selon le contexte (pour des parties "blitz", en particulier). Il en est de même au jeu de go, où les traités "officiels" eux-mêmes préconisent l'emploi d'un go-ban de taille réduite pour les débutants ou pour des parties rapides. Si j'avais encore mon mot à dire, je suggèrerais des règles alternatives pour Blokus (portant notamment sur les cases de départ pour des parties rapides). Pour Arlecchino, c'est pareil : plusieurs variantes sont d'ailleurs proposées sur les règles officielles que l'on trouve à l'intérieur même de la boîte qu'on achète (ou qu'on pouvait acheter lorsque le jeu était disponible, pour être précis).
Ca ne me pose donc pas de problème qu'il y ait plusieurs manières de jouer à un jeu donné. Quand il s'agit d'enfants notamment, il est tout à fait normal d'adapter les règles. L'important c'est que les joueurs se soient bien mis d'accord au préalable, avant de commencer la partie. Je connais quelqu'un qui, lorsqu'il explique un jeu à une personne pour jouer contre elle aussitôt après, fait exprès de ne pas exposer toutes les règles afin de - selon les circonstances - profiter lui-même d'un coup normalement illégal ou au contraire reprendre l'adversaire en cours de partie en l'empêchant d'en faire autant ("ah, mais je ne t'avais pas dit : tu n'as pas le droit de faire ça !"). Cette personne - je ne la nommerai pas - est un tricheur, disons le mot.
Pour finir : si on joue, il faut accepter de perdre. Dire simplement : "j'en ai assez, j'arrête" est acceptable de la part d'un enfant, si sa motivation est effectivement qu'il en a assez de jouer et que son attention se dissipe. Pour un adulte par contre, si l'abandon n'est qu'un prétexte pour ne pas avouer sa défaite et spolier l'adversaire d'une victoire méritée, c'est beaucoup plus critiquable : on a affaire au mieux à un mauvais joueur, au pire à un tricheur (la frontière entre les deux étant selon moi quasi immatérielle).
15) Toi qui ne fréquente que peu le monde ludique, que penses-tu de lui et de ses nombreuses personnalités diverses ?
Le monde ludique, c'est un terme assez vague. Il y a d'un côté les joueurs (et dans cette catégorie plein d'archétypes très variés), et de l'autre ceux qui s'intéressent au chiffre d'affaires que l'activité représente. Bien évidemment, la majorité des personnalités du monde ludique, pour reprendre le terme, participent de l'un et de l'autre aspect à des degrés divers. Moi par exemple, c'est sûr que je ne suis pas très doué pour les affaires...
Dans tous les milieux, tous les lieux et à toutes les époques, la proportion de personnes estimables et de trous de balle est sensiblement la même. Le reste est une question de sensibilité : j'ai évidemment une fibre a priori plus tendre vis-à-vis des joueurs, des poètes, des rêveurs, des artistes, des aventuriers et des musiciens que vis-à-vis des politiciens, des notaires, des épiciers ou des pharmaciens (comme aurait pu écrire Stendhal).
Je m'efforce de ne pas prononcer de jugement à l'emporte-pièce, et même si certaines personnes me paraissent d'abord antipathiques, et d'autres plutôt sympathiques (comme je suppose que c'est le cas pour tout le monde), la bienveillance d'une part, et à défaut, le bénéfice du doute, doivent toujours prévaloir.
16) As-tu déjà ressenti un snobisme à ton encontre comme celui qui avait eu de la chance pour un jeu comme cela a pu être le cas notamment pour Hervé Marly ?
Eh oui, bien sûr. De temps en temps, disons de la jalousie. Mais au fond, tant pis pour ces quelques gens-là.
"Une violente émotion, pardi !"
17) Pourrais-tu nous parler d'un auteur ou d'une œuvre importante à vos yeux, que ce soit en littérature, théâtre, cinéma, jeu, etc... que tu souhaiterais faire découvrir ou redécouvrir à mes lecteurs ?
Encore une question délicate. Choisir une œuvre et une seule, c'est un peu abandonner toutes les autres. Et puis, l’œuvre que je préfère est souvent celle que je suis en train de lire, de regarder ou d'écouter : autant dire que ça varie. Enfin... s'il faut en choisir une "sur le pouce", j'engage volontiers tout un chacun à écouter ou ré-écouter le premier mouvement de la symphonie inachevée de Schubert. Quand on pense que l'énergumène est mort à trente-et-un ans, on se dit : quel dommage !
Que provoque cette œuvre chez toi?
Une violente émotion, pardi ! J'ai la conviction que cette œuvre est intrinsèquement et objectivement sublime. Je veux dire que le fait de l'apprécier et même de la vénérer n'est pas simplement une "question de goût" : ceux qui ne ressentent rien à son écoute passent tout bonnement à côté de quelque chose d'essentiel et je trouve que c'est dommage pour eux. Mais on ne refait pas le monde...
18) Le jour où tu devras quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiterais-tu que l’on retienne de toi professionnellement mais surtout humainement?
Ca sera les pieds devant, mon ami ! Par conséquent, de ce jour-là, je ne souhaiterai plus rien. Mais que ça n'empêche pas toutes les personnes que j'aurai aimées et appréciées de boire un coup à ma mémoire. Et pas n'importe quelle piquette, si possible.
19) C'est malheureusement la fin de cet entretien, Bernard, en prenant en compte ta vie professionnelle et personnelle, es-tu heureux ?
Y'a des jours avec et des jours sans.
J'ai un gros appétit et ma gamelle me paraît parfois pas assez pleine, mais faut bien reconnaître qu'elle n'est pas vide non plus (dans la gamelle en question je mets des nourritures plutôt spirituelles que matérielles). Je ne possède sans doute pas suffisamment l'esprit de pauvreté pour pouvoir me sentir pleinement heureux et je reconnais qu'une bonne part des éléments qui me chiffonnent, je les dois autant à moi-même qu'aux autres ou qu'aux tribulations de la vie.
J'aurais mauvaise grâce à me plaindre, et Schubert est toujours là comme ultime refuge pour les heures sombres.
Je te remercie infiniment Bernard pour cette belle discussion et de ta gentillesse.
Je remercie également Bony de t'avoir recommandé et de t'avoir traité d'anarchiste fou qu'il adore.
Au plaisir de te rencontrer et de boire ensemble autre chose que de la piquette. Un St Véran par exemple ;-)
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