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Jeux Viens à Vous Cyril Demaegd
4 jours!
Il a fallu 4 jours pour réaliser cet entretien.
Cyril a été beaucoup plus rapide que Roberto Fraga pour répondre et de fait l'entretien prend une autre tournure, ni mieux, ni moins bien, juste différent.
A l'instar d'une conversation autour d'un café, Cyril s'exprime de manière simple, amicale, spontanée sur sa reconversion, du crowfunding, des Space cowboys, d'escape room, de sa vie privée, du rock sa passion, de son groupe avec son frère Arnaud et Mr Phal, ainsi que du futur....
1) Cyril bonjour, aurais tu la gentillesse de te présenter ?
Bonjour.
Vaste question pour commencer ;)
Donc je m'appelle Cyril Demaegd, j'ai 45 ans et je fais beaucoup trop de choses à la fois ;)
J'ai à la base une formation d'ingénieur en informatique et j'ai commencé dans le jeu en tant que joueur passionné
(les jeux de rôle étant ado, puis les gros jeux à l'américaine avant de découvrir les jeux à l'allemande et de faire mes premières classes à Essen).
Puis j'ai gentiment décidé de sauter le pas. J'ai monté une petite boite d'édition plutôt qu'une boite d'informatique (ce que je ne regrette pas vraiment).
Concrètement cela fait maintenant 12 ans que je m'occupe d'Ystari et quelques années avec mes amis des Space Cowboys.
Avec Ystari, je fais un peu de tout en compagnie de mon ami Thomas (Grunt pour les intimes). Avec les Space Cowboys mon activité principale consiste à "régler" des jeux.
Je suis également un auteur à tendance "fainéante", puisque j'ai jusqu'ici 5 jeux à mon actif (Ys, Amyitis, Bombay, Timeline Challenge avec mon pote Fred Henry et le prochain, Unlock, sortira en janvier).
Quand j'ai un peu de temps libre, je donne des cours de game design à l'ISART (une école de jeux vidéo à Paris) et s'il me reste un peu de temps je m'adonne à mon autre passion : la musique (tendance Hard Rock 70s). Je bricole des flippers aussi ;)
Décidément, la vie est bien trop courte !!!
2) Les ingénieurs informaticiens gagnent très aisément leur vie, une raison qui peut attirer lorsqu’on est jeune.
Le métier ne t’a pas plu où bien c’est vraiment le jeu qui a pris le pas ?
Comment tes proches ont-t-ils accepté ce changement de carrière ?
Oui c'est vrai que cela rapporte. En même temps je n'avais pas choisi le métier pour l'argent. Je me suis plutôt passionné pour l'informatique dans ma jeunesse à cause de films comme "Wargames" par exemple.
J'ai vraiment vécu "l'épopée" des micros-ordinateurs et donc je me suis orienté naturellement vers ce métier.
En fait, c'était ça ou la musique (j'ai même passé le concours de l'école Louis Lumière), mais en fait c'est très dur de vivre de la musique dans ce pays (en tant qu'artiste) et pas si amusant en tant que technicien.
Donc voilà, je me suis orienté dans l'informatique et il est vrai que je n'ai eu aucun mal à trouver un boulot en sortie et qu'à cette époque, on changeait souvent de boite en faisant progresser son salaire.
Après, l'informatique, c'est vraiment passionnant par certains côtés (j'aimais vraiment coder, même si ça rend un peu fou), mais beaucoup moins par d'autres. D'abord tu ne restes pas vraiment codeur. Tu es censé évoluer vers des choses plus lucratives qui sont synonymes de réunions sans fin (pas vraiment ma tasse de thé). Donc par la suite, ce n'est pas vraiment aussi passionnant que dans Wargames ;)
Cela dit j'ai fait les choses progressivement. D'abord Ystari a été une boite d'informatique, puis on a publié un jeu (Ys) et un second (Caylus). Le second a rencontré un énorme succès qui a permis de se désengager un peu de l'informatique pour consacrer plus de temps aux jeux.
Puis il y a eu Mykerinos et Yspahan et à ce point on était vraiment lancés. Le changement a donc été très progressif et le risque très calculé. Je n'ai pas vraiment fait "le grand saut dans l'inconnu" qui aurait pu inquiéter mes proches. Et puis d'une certaine façon ils savaient que le jeu c'était ce qui m'intéressait vraiment. Donc dès le moment où ils ont vu qu'en plus ça marchait, ils ne sont plus inquiétés.
"j'ai tendance à penser que mes compétences sont désormais moins utiles."
3) Tu es maintenant dans le monde du jeu depuis de nombreuses années, avec encore de nombreuses années de travail devant toi, tu envisages le futur, le fait de terminer ou non ta carrière en tant qu’éditeur, ou bien tes 65 ans te semblent loin, et ce n’est pas quelque chose auquel tu songes ?
Franchement, il m'arrive de me poser des questions. Non pas parce que je n'aime plus ça mais juste parce que la vie est courte et qu'il y a d'autres choses que j'aurais aimé faire.
Parfois aussi, comme tout le monde j'imagine, il m'arrive d'en avoir marre non pas du jeu, mais de tout ce qu'il y a autour. Ce n'est pas une affaire de personnes ou quoi que ce soit dans ce genre.
C'est plutôt qu'on évolue vers plus de com et qu'au final, la qualité du jeu est parfois moins importante que les gadgets que tu peux mettre dedans ou que le buzz que tu peux créer.
Disons que ça me chagrine parfois et que dans ces moments là j'ai tendance à penser que mes compétences sont désormais moins utiles.
Bon, ce n'est pas tous les jours non plus et il y a aussi pas mal de moments où je me dis que je fais le plus chouette métier du monde. Là par exemple, je reviens juste de Venise où j'étais invité en tant que jury pour le prix de Léo Colovini. Donc j'ai passé la semaine à tester des très bons protos avec des gens charmants drôles et compétents, le tout dans une ville magnifique. Il y a peu de métiers qui t'offrent ça...
Mais pour répondre à ta question, bien que non-croyant je reste attentif aux signes du destin. Il me poussera peut être un jour dans une autre direction, on ne sait jamais. En attendant, j'aime toujours autant faire des jeux et c'est le plus important.
4) Quel est ton regard personnel sur cette nouvelle forme d’édition ?
Quand j'ai découvert le financement participatif, j'ai trouvé cela très bien.
Mais à l'époque, l'utilisation de ce genre de site était un poil plus "pure". Par exemple pour les jeux, il y avait des
gars qui essayaient de financer une extension pour un JCC qui ne se vendait plus (pour que les fans puissent continuer à jouer).
Ensuite, il y a aussi des gens qui ont compris qu'il y avait de l'argent à se faire et là cela a un peu dérapé à mon sens.
Il y a tout de même quelques compagnies qui ne sont pas là pour demander l'aide des gens, mais pour se faire de
l'argent et c'est assez évident.
Mais bon, je n'ai rien en substance contre le financement participatif dans le sens où il permet aussi de donner vie
à des projets qui ne pourraient être financés autrement. Si j'avais d'ailleurs un tel projet un jour, je ne trouverais pas
honteux d'utiliser un tel système.
D'ailleurs les gens qui se lancent là dedans sont assez courageux, car c'est un sacré boulot de logistique !
Maintenant, pour ce qui est des détails, il y a aussi quelques avantages "curieux" comme le fait qu'un joueur qui a investi
dans un projet (et qui ne sera d'ailleurs livré que bien plus tard) va plutôt être proactif et positif sur le jeu.
Je trouve que l'acte d'achat décalé biaise donc un peu son point de vue dans ce cas, et cet aspect des choses me gêne un peu.
Enfin voilà, il y a du pour et du contre ;)
T’arrives-tu en tant que professionnel de te demander comment tel jeu, sans en citer un évidement
(dont la qualité serait moyenne voire mauvaise) a pu se vendre ou être financé?
Dans la masse, cela arrive bien sûr. mais plutôt rarement car comme tout le monde je trouve que la qualité moyenne des jeux
a augmenté. C'est logique dans le sens où les auteurs disposent maintenant d'un socle culturel solide.
Je crois que par exemple pour le jeu allemand c'était plus difficile pour les Teuber, Kramer, Knizia qui ont posé les bases du genre
que pour ceux qui les suivent (dont je fait partie).
Après, mes doutes sur les jeux actuels (enfin pas tous, c'est pour répondre à ta question) concernent donc plutôt certains points
de réglage que je ne comprend pas toujours. Par exemple, pas mal de jeu "à l'allemande" lancés en participatif ne sont pas "finis"
de mon point de vue parce qu'il n'ont pas bénéficié de "l'affinage" que peut apporter un éditeur.
Mais bon je prêche ma paroisse là ;)
D’ailleurs qu’est-ce qu’un mauvais jeu selon toi ?
C'est une question difficile. En substance, je ne prétends pas être doté de la sagesse universelle ;)
Il y a pas mal de choses que je n'aime pas (comme tout le monde, j'ai mes goûts propres), mais je n'irai pas jusqu'à dire pour
autant que je suis en face d'un mauvais jeu.
Mais bon, s'il faut citer des choses qui me refroidissent, c'est en général le manque d'idées.
Attention, je ne dis pas qu'un jeu doit forcément inclure un nouveau mécanisme révolutionnaire pour être bon
(ce n'est même pas du tout l'idée), mais plutôt qu'il doit avoir une "âme", une idée directrice dont va ensuite découler la mécanique.
Pour parler de choses que je connais, on peut faire un jeu "à l'allemande" facilement en empilant quelques ressources, X façons de
marquer des points et même peut être une idée originale de placement/draft/que sais-je.
Mais en procédant ainsi, on obtiendra un clone sans âme, le genre de trucs qui me laissent totalement froid.
D'ailleurs, je préfère largement jouer à un jeu mal réglé, mais qui possède une idée directrice qu'à un jeu super bien réglé avec une
nouvelle idée mécanique, mais qui ne va nulle part...
Unlock
5) Tu fais partie des Space Cow boys dont l’un des membres est Marc Nunes, le fondateur d’Asmodée. Un homme qui par son talent et son travail à transformer une petite maison d’éditions en une structure internationale. Vous avez donc chez les Space cow boys tous les moyens et talents pour justement réaliser une très bonne communication, mais vos jeux, sans vouloir vous flatter, sont également de très bonnes qualités, comment gères-tu/gérez-vous cela ? Dès que le jeu est finalisé t’écartes-tu un peu du groupe lors de la sortie afin d’être moins dans le buzz de la sortie?
Eh bien, disons qu'effectivement, on est pas mal chez les Space et que donc j'ai découvert quelque chose de nouveau pour moi, c'est à dire d'avoir des services dédiés à certaines tâches. C'est assez confortable d'avoir des gens qui s'occupent de la PAO, d'autres de la com des chefs de projet et ainsi de suite. Chez Ystari, j'ai longtemps été seul et par la suite Thomas m'a rejoint.
Cela signifie qu'on faisait un peu tout seuls et il y avait donc des points faibles, principalement dans ce qui nous intéressait le moins (par exemple la com).
En même temps on n'avait pas le choix : quand tu fait des jeux de niche, tu ne peux pas te permettre d'avoir une grosse structure. Donc maintenant, c'est une forme de travail plus organisée dans laquelle on a du apprendre malgré tout à se mouler.
Cela ne signifie pas pour autant que je me contente de l'aspect réglage. Chez Space, il y a pas mal de projets et je ne travaille pas sur tout. Comme on est plusieurs "game designers" il y en a toujours un qui prend la direction des choses sur un projet donné. Par exemple Croc a été très actif sur Hit Z Road et je n'ai participé qu'aux premières discussions et tests. Sur Unlock, c'est plutôt moi qui supervise l'aspect "jeu" (Julien, notre chef de projet gère les illustrateurs, la fabrication, la PAO), mais par exemple Croc (qui est super carré) repasse toutes les aventures au crible pour s'assurer qu'il n'y a aucun problème.
Donc en substance, on a des projets attitrés mais on picore aussi à droite, à gauche, suivant les besoins du groupe et les compétences de chacun. Là par exemple, je viens juste de bricoler un fichier audio pour Time Stories (qui n'est pas normalement dans mon champ d'action). Pour moi, c'est une façon de travailler très agréable, car j'aime bien faire un peu de tout.
Après, sur l'aspect com, je laisse effectivement ça à François et Vincent qui maitrisent cela bien mieux que moi, mais je fais tout de même des TTTV, ce genre de choses...
"Peut-être que quelque chose me trouvera..."
6) Tu me parlais de signe de destin… parlais-tu de musique ? Ou avais-tu une autre idée en tête ?
Aucune idée justement...c'est ça l'idée !
Je n'ai pas vraiment choisi les jeux, même si j'aimais ça. J'ai d'abord été un joueur comme tout le monde (sauf qu'à mon époque c'était un peu plus compliqué de trouver jeux et joueurs) avant de décider de créer un jeu, puis ensuite de l'éditer.
Mon objectif à ce moment n'était pas vraiment de devenir éditeur, mais de me faire plaisir en menant ce projet au bout. Je n'imaginais pas que le succès serait au rendez-vous à ce point parce qu'on parlait tout de même de jeux de niche. Je pensais plutôt qu'au mieux je continuerai l'informatique en faisant un jeu de temps à autre comme "récréation". Et puis Caylus a changé tout cela et au bout du compte cela fait 12 ans que je suis dans le jeu...
Donc tu vois, c'est plutôt comme ça que j'envisage les choses. Je n'ai ni de raison, ni l'envie de chercher autre chose. Par contre, qui sait ? Peut-être que quelque chose me trouvera...
En tout cas, la musique, je ne pense pas. Au final, je n'ai jamais eu à considérer cette partie de ma vie comme un "travail" et donc quand je joue (trop rarement) c'est uniquement du plaisir et c'est bien que cela reste ainsi (et puis bon, je commence à être un peu trop vieux pour percer dans ce domaine, en plus du fait de ne pas avoir suffisamment pratiqué pour cela ;)
Cyril et son frère en concert
7) Une question plus personnelle…
Tu me disais en off ne pas avoir d’enfants, est-ce un choix de ta part ou la vie qui a fait que?
On regarde parfois les gens de ton âge qui n’ont pas d’enfants, comme ayant raté quelque chose dans leur vie, cela est d’autant plus vrai pour les femmes pour qui le regard des autres peut être vraiment dur.
Est-ce que c’est quelque chose que l’on t’a parfois fait ressentir ?
Un peu des deux j'imagine. C'est vrai qu'Ystari n'a pas aidé en ce sens. J'y ai consacré beaucoup d'énergie et cela a parfois été au détriment d'aspects plus personnels de ma vie.
Je ne ressens pas ça comme un ratage pour le moment, il y a encore du temps ! J'aime bien les enfants et cela pourrait venir. Mais c'est un peu comme pour le coup du destin, on verra bien...
Au niveau des gens, on ne me fait pas trop de remarques. Mon frère a deux enfants, j'imagine que ça doit contribuer à aider ;)
8) En parlant de ton frère, Arnaud qui est illustrateur, tu as travaillé avec lui sur plusieurs projets pour Ystari. Comment gère-t-on une relation familiale dans une relation professionnelle ?
Cela te semble compliqué sur certains points, peut-il prendre plus mal une remarque de ta part.
Ou bien au contraire, penses-tu que cela facilites la communication et que tu peux tout lui dire ?
En fait un peu des deux. Mon frère est un artiste et j'ai toujours tâché de lui dire quand j'aimais ce qu'il faisait et quand j'aimais moins. Il nous est arrivé de bien nous engueuler, mais c'est beaucoup moins fréquent maintenant ;)
Nous avons dû apprendre à travailler ensemble. Déjà, pour lui ce n'est pas forcément le plus évident d'illustrer des jeux. A la base c'est un peintre, même s'il travaille beaucoup le numérique désormais, et faire un jeu n'est pas toujours qu'une démarche artistique.
Il faut aussi intégrer de la jouabilité et donc ne plus penser en terme de beauté mais d'ergonomie. J'ai donc souvent dû lui demander de se faire violence pour faire des choses peu intéressantes ou pas forcément à la hauteur de ce qu'il peut faire.
Au début par exemple, on cherchait cette identité "allemande" un peu austère, parce qu'on avait besoin que le public comprenne qu'on était dans cette filière. Ça me fait bizarre de repenser à ça, mais quand on s 'est lancé, il n'y avait personne en France pour faire du jeu pour joueur "averti". On avait donc vraiment besoin d'une identité graphique particulière parce qu'on misait gros sur Essen.
De son côté, Arnaud m'a aussi "dressé" en quelque sorte, car au fil du temps il a réussi à imposer son propre style plus "peint" qui n'était pas vraiment ce que je visais au début.
C'est très bien car quand je vois des splendides couvertures comme celle de Serenissima, Shakespeare ou de Myrmès (pour ne citer que celles là) je me dis qu'il a clairement sa responsabilité dans notre identité et dans le succès des jeux également.
Mais de toute façon, comme tu le dis, comme c'est mon frère je n'ai pas trop besoin de louvoyer pour communiquer avec lui et c'est un plus appréciable. Et puis, on fait tout ensemble (et surtout la musique) depuis toujours, alors c'est que ça ne doit pas être si compliqué ;)
"tu es toujours en quête de choses que tu n'atteindra jamais."
9) Ca représente quoi pour toi la musique justement ? Un exutoire ? Une occasion pour retrouver tes potes ? Cela semble plus qu’une passion j’ai l’impression…
Souhaiterais-tu nous parler d’un artiste ou d’un groupe connu ou méconnu que tu souhaiterais mettre en avant ?
C'est un peu tout ça. La musique c'est une passion très frustrante parce que tu es toujours en quête de choses que tu n'atteindra jamais. Il y a la quête du son déjà, mais aussi une quête de maitrise technique et enfin de musicalité. A la base ça me vient de mon père bien sûr, qui avait un groupe qui tournait pas mal dans ma jeunesse (et qui joue toujours par ailleurs). D'ailleurs on a en quelque sorte "bouclé la boucle" il y a deux ans avec le concert pour les 10 ans d'Ystari, puisque je suis monté sur scène avec mon père, mon frère et Monsieur Phal.
C'était vraiment un super moment, parce qu'on a fait ça comme une opération commando. Peu de répètes (genre 6), un répertoire inconnu au départ (des reprises de Téléphone) et on s'est vraiment éclatés. Enfin tu demanderas à Phal ce qu'il en a pensé, mais j'en garde un souvenir très spécial du fait du caractère éphémère de ce concert.
Demandons-nous à Mr Phal ? ;-)
Mais je ne fais pas ça spécialement pour les concerts, puisque la plupart du temps on est à 3 dans la cave de mon père, sans témoins ni spectateurs. Cela n'empêche pas qu'il y a parfois des moments où tu rates tout et tu rentres chez toi frustré. D'autres fois, tout se met en place comme par magie et là c'est très euphorisant. Globalement je joue du Hard Rock 70s (du Genre Led Zep, Purple) et c'est une musique que j'adore car elle est assez technique mais en même temps demande beaucoup d'énergie.
Clairement tu ne peux pas jouer "confort". Si tu te contentes de jouer tranquillement tes accords, cela ne fonctionne pas. Il faut "engager" pour obtenir l'énergie nécessaire, mais tout en étant relax car c'est technique. Bref c'est un challenge et j'adore ça (surtout quand ça fonctionne ;)
Après mettre en avant des artistes, pourquoi pas, mais il faut savoir que même les trucs modernes que j'écoute sont vieux ;)
Je conseille malgré tout au gens qui s'intéressent à la musique rock d'écouter 2 albums.
- Lateralus (2001) de Tool : Tool est paradoxalement un groupe très connu et parfaitement underground. On attend leur prochain album depuis une dizaine d'années et les fans sont à cran. Leur musique est très ambiante, très étonnante. Je me rappelle parfaitement la première fois où j'ai écouté cet album, parce qu'il passait en fond dans une soirée où j'étais et ça m'a complètement sorti de la conversation.
C'est rare tout de même de se faire "attraper" par une musique de fond, donc j'ai demandé ce que c'était et j'ai été l'acheter en courant ! Si les gens n'ont le temps que pour un morceau je leur conseille "Schism" mais c'est un album qui est construit pour être écouté en entier.
- Effloresce (2003) de Oceansize : un groupe anglais moins connu, qui a par ailleurs splitté il y a 5 ans. C'est classé "progressif" mais là encore c'est assez ambiant (au moins cet album). Je trouve qu'il y a plein de relents 70s dans leur musique ce qui la rend très organique par rapport à du progressif classique. Je recommande aux gens d'écouter au moins mon morceau préféré de l'album : "One Day All This Could Be Yours" (mais globalement l'album entier est une tuerie à part peut être le premier morceau).
Enfin voilà, j'aurais pu en citer plein, mais globalement c'est pas du récent ;)
De toute façon quand j'écoute la "musique" à la télé, je ne regrette pas de vivre dans l'ancien temps de ce point de vue. Il existe un terme "officiel" qui définit très bien ce que nous diffuse les media (et cela ne date pas d'hier) : muzak.
10) En 2007, tu t’inquiétais sur le fait que les jeux deviennent des produits de consommation en Allemagne, 9 ans plus tard, c’est le cas également en France.
C'était inéluctable en un sens. C'est la loi du marché...
As-tu l’impression qu’il y a une répétition dans le type de jeux qui sort actuellement ?
Pas tant que cela, il y a pas mal de recherche de nouveaux concepts. Des jeux comme Dixit ou Hanabi on fait évoluer la donne. Et il y a aussi des nouveaux concepts comme Time Stories, ou encore le système Legacy. Et j'espère Unlock bientôt ;)
Par ailleurs, si certains jeux sont certainement très influencés par leurs "glorieux ancêtres", il faut aussi voir que le nouveau public n'a pas forcément la possibilité de mettre la main sur les plus vieux jeux. Ou pas l'envie, sachant qu'il y a eu un gros effort graphique au fil des ans.
Tu as tendance à être fidèle à peu de jeux?
Oui clairement. C'est comme pour la musique : J'ai une base et je n'intègre que rarement de nouvelles choses de manière durable.
Quels sont d’ailleurs tes jeux de chevets ?
Mes "classiques" ne sont pas très surprenants.
Mon auteur favori est Wolfgang Kramer et donc je vénère particulièrement les princes de Florence, mais aussi Torrès. Je ne joue plus trop à El Grande mais c'est le jeu qui m'a donné envie de faire ce métier. Puerto Rico bien sûr et aussi pas mal de Knizia comme Euphrat & Tigris, Ra ou Amun Ré. Brass de Wallace. Dans le plus ameritrash j'adore Battlestar Galactica (ainsi que la série) ou encore Twillight Struggle. J'ai évidemment joué beaucoup à Catane. En tout il doit y avoir une liste d'une trentaine de "must" (même si j'en ai au moins dix fois plus) et comme tu le vois elle n'est pas originale ;)
11) Tiens, d’ailleurs quel jeu manque implacablement selon toi à Jeux Viens à Vous ?
http://manuvotreserviteur.wixsite.com/jeuxviensavous/jeux-
C'est une liste assez éclectique. Tu pourrais tenter a peu près tous les jeux que j'ai cité plus haut, qui sont des chefs-d’œuvre et méritent leur place dans toute ludothèque.
Sinon, pour te citer un Ystari, je te conseillerai Caylus. Ce n'est pas le plus simple mais il n'est pas aussi compliqué à jouer que le pensent généralement les gens.
Et puis, et c'est une fierté, c'est un jeu qui laissera peut être sa petite trace dans l'histoire. Uwe Rosenberg m'a dit s'en être inspiré pour Agricola et j'ai mangé la semaine dernière avec les auteurs de Tzolkin, qui considèrent que leur jeu est le "fils" de Caylus (ce qui fait plaisir). Bref, Caylus n'a sûrement pas inventé le placement d'ouvrier mais il l'a mis en lumière. Je pense donc que, culturellement, cela vaut le coup d'en faire une partie pour se rendre compte.
12) Je vais te donner 10 noms d’acteurs du monde ludique et je voudrais que tu les définisses par 1 mot, un seul.
Sébastien Pauchon, Christine Deschamps, Philippe des Pallières, Yannick Robert, Timothée Leroy,
Bruno Faidutti, Mr Phal, Marc Nunes, Croc, François Haffner
Compliqué ton truc. Je vais tâcher de pas tomber dans le truc facile genre "auteur" ou "ami" alors. Je le fais le plus direct possible, donc pardon d'avance...
Sébastien Pauchon, Raphaël (il comprendra)
Christine Deschamps, Acrylique
Philippe des Pallières, Don
Yannick Robert, Disparu
Timothée Leroy,Cuir
Bruno Faidutti Licorne
Mr Phal, Batteur
Marc Nunes, Inversion (là c'est moi qui me comprends)
Croc, Soldat
François Haffner, Table (et verte si j'avais deux mots)
13) Tu souhaitais que l’on parle d’Escape Room, qu’est-ce que tu souhaiterais dire aux gens qui n’ont jamais essayé, ou qui trouve cela trop onéreux ? Tu en as une a conseiller en particulier ?
C'est un de mes centres d'intérêt du moment et j'en ai fait beaucoup (plus d'une trentaine). C'est vrai que c'est assez onéreux cela dit, mais c'est vraiment une expérience à vivre à mon avis. Les Escape Room sont un peu un phénomène de mode mais en l’occurrence, quand on voit le travail d'imagination, de décoration et technique on ne peut qu'être admiratif et inspiré.
Le fait de vivre des aventures rocambolesques en "live" et en équipe est un sentiment indescriptible. Quand il ne reste plus beaucoup de temps et que tu parviens à sortir tout de même tu ressens un véritable rush d'adrénaline. Bon, après c'est dans les 100€ pour le groupe et je comprends que ça puisse calmer très fort. Mais je conseille à tout le monde d'essayer au moins une fois, parce que c'est vraiment différent. Gare aux addictions par contre ;)
A vrai dire, cela me passionne tellement que j'ai créé Unlock (connu par les TTciens sous le nom "Projet 59:59") en essayant de coller vraiment de très près aux sensations de ce qu'on vit dans une Escape. C'est une toute nouvelle expérience pour moi, bien loin du Kubenbois, et j'ai vraiment hâte de voir la réaction du public. Pour tout te dire, je suis excité par cette sortie comme si c'était mon premier jeu !
J'ai fait vraiment plein de bonnes salles sur Paris et il y en a vraiment beaucoup dans des styles très différent. J'ai cependant envie de conseiller "Fox in a Box" parce que ce ne sont pas les plus connus et qu'ils méritent un coup de projecteur. L'accueil est très sympa et les énigmes variées et abordables, c'est donc bien pour une découverte. En plus, il n'y a pas trop de cadenas (ce qui est considéré comme un critère positif, car dans les plus anciennes escape rooms, cela avait tendance à pulluler). Pour tout te dire, on s'est même fait une matinée là bas l'année dernière avec toute l'équipe de Space Cowboys et c'était assez marrant de voir mes collègues se démener contre les zombies ou en treillis militaires ;)
Pour les plus habitués, la "Lock Academy" fait de très bonnes salles avec de bons décors et un excellent contrôle de la dramaturgie.
Amytis version proto
14) Imagine une soirée ensemble, mais nous ne nous connaissons pas ou très peu, je te propose de jouer à 3 jeux dans le but d’apprendre à se connaitre, lesquels me proposes tu et pourquoi ?
Ou bien préfères-tu faire des canulars téléphoniques à Fred Henry, un verre de Saint Veran à la main ?
J'avoue que le vin et les canulars ça me tente bien. Est ce que quelqu'un à déjà choisi l'autre option ;) ?
Sinon, je te dirai qu'en général, les jeux c'est assez révélateur des gens, et peu importe le jeu. Je me souviens d'une partie d'Intrige (qui n'est pas LE jeu pour se faire des amis), où l'un de mes potes auquel on aurait donné le bon dieu sans confession nous a tous enflés de la première à la dernière minute. Mais en jouant à un gros jeu de gestion, possiblement avec un facteur d'agression, tu mesures aussi beaucoup les personnalités des gens à travers leurs façons de jouer, les types de stratégies employées et leur volonté de nuire ou de jouer plus dans leur coin. J'aime bien également Compatibility, pour sa simplicité et les débats qu'il suscite lors de la "correction".
15) Le jour où tu devras quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiterais-tu que l’on retienne de toi ?
Globalement, c'est inutile qu'on retienne quelque chose de moi. Ce qui me ferait plaisir en revanche, c'est qu'on se rappelle d'Ystari. C'était une belle aventure et on y a mis tout notre cœur. Je ne renie rien de ce qu'on a fait et j'aime même nos vilains petits canards (traduction : ceux qui ne se sont pas si bien vendus). Donc si une seule personne dans 20 ans regarde ça et se dit que ça avait de la gueule, je serais heureux...
16) Malheureusement, c’est déjà la fin de cet entretien, Cyril, en prenant en compte, ta vie professionnelle et personnelle, es-tu heureux ?
Malheureusement est le mot, car j'y ai pris beaucoup de plaisir !
Merci à toi et aux lecteurs. Quand à mon bonheur, comme le reste c'est compliqué. On va dire que comme pour beaucoup de gens, cela dépend des jours. La plénitude, c'est quelque chose d'assez difficile maintenir, je trouve.
Maintenant, j'estime que j'ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Il y a des tas de gens qui luttent chaque mois pour manger ou qui s'ennuient dans un travail purement utilitaire. Alors on peut dire que de ce point vue, je n'ai pas vraiment le droit de me plaindre.
Ma vie perso est bonne et j'ai des amis fidèles et sincères. Donc je crois que le bilan de tout cela est plus que positif ;)
La semaine prochaine, ne vous pas faites acheter par sa corruption abyssale...
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