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Jeux Viens à Vous Guillaume Lémery

Je ne connaissais pas Guillaume Lémery avant de l'interviewer mais son parcours avec ses différentes activités dans le monde ludique me semblait intéressant.
 

Créateur de Proxi-jeux, podcast désormais célèbre, webmaster d'Okkazeo, site en ligne de vente de jeux d'occasion et même co auteur de Zombie 15 édité chez Iello il y a quelques années, son influence ne me semble pas négligeable. 

 

Guillaume est un iconoclaste dans le monde ludique. Dans cette première partie, il évoque avec son franc parler la création d'Okkazeo, Proxi-jeux, Zombie 15, Roberto Fraga et Bruno Cathala ainsi que l'évolution du marché ludique au fil des années...

 

1) Guillaume, bonjour, aurais-tu la gentillesse de te présenter ? 

Bonjour à tous. J'ai 40 ans, deux enfants de 12 et 14 ans et je travaille dans le développement logiciel pour un grand groupe français.
Je suis passionné de jeux de société depuis mon enfance et plus particulièrement depuis mon adolescence après avoir découvert Full Metal Planète.


Depuis 2003 j'ai créé plusieurs sites, dont certains ont disparu faute de succès. Je suis notamment le webmaster des sites JeuxADeux (que je n'anime plus faute de temps), Knapix (comparateur de prix des jeux de société qui tourne tout seul) et Okkazeo, un site qu'on ne présente plus ;)


En parallèle, comme je suis plutôt touche à tout, j'ai participé à d'autres projets du monde ludique, avec notamment la co-création du podcast Proxi-Jeux avec mon compère Olivier. On a animé ensemble les 5 premières saisons avant de passer le flambeau à la nouvelle équipe. On avait aussi créé une application mobile qui se voulait un peu le réseau social du monde du jeu, mais le projet a fait long feu :(


Enfin, j'ai également imaginé quelques jeux à mes heures perdues. La plupart sont condamnés à rester dans mes cartons. Mais j'ai tout de même Zombie 15 (créé avec mon ami Nicolas) qui a été édité chez Iello il y a trois ans et qui a rencontré un succès d'estime.

2) Que représente le jeu pour toi ?

 

Tout petit (8-10 ans) j'aimais traîner dans le rayon jeux de société des hypermarchés. Mes parents ne sont pourtant pas joueurs du tout. Je n'explique donc pas cet attrait. Sans doute le côté "partager tous ensemble un bon moment autour de la table" qui m'attirait.

D'ailleurs, à cette époque là, le simple fait de jouer (à La Bonne Paye, au Monopoly et autres jeux de ce genre) suffisait à me plaire. Je ne jugeais pas encore des qualités intrinsèques d'un jeu.

 

Ce n'est qu'à l'adolescence, et surtout adulte, que j'ai développé un intérêt plus prononcé pour les jeux et que c'est devenu une véritable passion. Mais là, c'est aussi pour le plaisir des mécanismes, de la réflexion que ça engendre (pour les jeux de gestion).

Etant plus intellectuel que manuel ou sportif, c'est forcément une activité qui me convient (je suis dans ma zone de confort). Et avec le temps, j'en suis venu à apprécier les jeux pas seulement pour leur qualité technique (les mécanismes), mais aussi et surtout pour l'ambiance qu'ils parviennent à créer autour de la table (un jeu trop mécanique et froid sera rapidement revendu, ou alors joué sur iPad contre une IA). Car le jeu est aussi un prétexte pour passer du (bon) temps avec ses amis (ou ses enfants). A condition de savoir choisir le jeu qu'on va leur proposer, en fonction de leurs goûts, de l'ambiance qu'il y a précisément ce jour-là, etc.

Ce n'est pas toujours facile, mais si ça prend, c'est gagné.

 

Et ça, c'est sans doute le plus important pour moi dans le jeu aujourd'hui. Finalement c'est le même plaisir que partager un bon repas (au sens plaisir du goût, des saveurs, des plats spécialement préparés) avec ses amis, sa famille (et le mieux, c'est quand on combine bon repas, et session de jeu dans la bonne humeur ensuite).

 

Je laisse les psychologues finir l'analyse ^^

3 A) Okkazeo ne se présente plus, mais quelle a été ta motivation pour réaliser ce site ?
Un Challenge ? Une motivation financière ? L'envie d'impacter le monde ludique ?

 

J'ai décidé de créer le site en février 2007. A l'époque, il n'y avait pas beaucoup de solutions pour vendre ses jeux. Il fallait surtout passer par les forums TricTrac. Mais il était difficile de savoir parmi les listes que les membres postaient quels jeux étaient encore disponibles. Et ça se compliquait encore plus quand on cherchait un jeu particulier et qu'il fallait farfouiller parmi des posts qui dataient de six mois ou plus.

 

En parallèle, j'utilisais beaucoup le site 2xMoinsCher.com pour mes achats/reventes de jeux vidéos. Il y avait aussi PriceMinister sur le même principe, mais je n'ai jamais aimé leur interface (présentation brouillonne, surchargée). Je me suis dit que je devais donc pouvoir lancer un service de petites annonces de jeux de société à l'image de 2xMC.

 

A cela, il faut ajouter deux paramètres : je voulais tester de nouvelles technologies émergentes, et c'est toujours mieux de les essayer avec un cas concret. Enfin, je commençais tout juste à monétiser mon site JeuxADeux grâce à quelques bannières de boutiques en ligne. Et je me suis dit que ça pouvait être un bon moyen pour financer Okkazeo (plutôt que de prendre des commissions sur les transactions, qui aurait de toute façon nuit au décollage du site).

 

Donc en résumé, c'était l'envie de combler un manque (sans nécessairement chercher à "impacter le monde ludique"), et un challenge technologique. La monétisation étant la condition finale pour que ce service voit le jour.

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La team proxi-jeux en compagnie de Friedman Friese et Michael de Philibert

 

3 B) Quelles difficultés as-tu dû affronter au fil du temps ? As-tu eu l'envie parfois d'arrêter le site ?

 

Finalement, en dix ans je n'ai pas rencontré de réelle difficulté (si ce n'est mon hébergeur qui me joue parfois des tours et provoque des interruptions de service). La seule contrainte que je rencontre, c'est la maintenance du site. Elle est régulièrement technique, car il faut faire évoluer la charte graphique (la version actuelle est la 3ème charte), mais également tout le code du moteur sous le capot. Ca ne se voit pas, mais il y a 4 ans j'ai entièrement recodé le site car la technologie que j'avais choisie en 2007 était obsolète et plus maintenue. A chaque nouvelle version, cela me demande un gros travail (plusieurs dizaines d'heures), mais qui est nécessaire, sans quoi le site ne fonctionnerait plus aujourd'hui.

 

Au quotidien, le site nécessite aussi de la maintenance : répondre aux mails des utilisateurs, modérer les fiches, les annonces...

Et puis, il faut régulièrement ajouter de nouvelles fonctionnalités. Et c'est là ma principale difficulté : trouver du temps pour le faire. J'ai une feuille de route bien remplie, mais j'ai du mal à la concrétiser :( Jusqu'à présent, je ne me suis jamais dit que j'allais arrêter ce site. Et quand on regarde sur toutes mes initiatives dans le monde ludique, c'est celle qui dure depuis le plus longtemps.

 

A cela plusieurs raisons, notamment si j'arrête le site aujourd'hui, je sais que je ferais beaucoup de déçus. Et ça, je ne peux pas m'y résoudre :)

 

4 A) Aurais-tu une anecdote drôle à nous raconter à propos des annonces que tu as pu voir passer par exemple comme cela arrive parfois sur le bon coin ?

 

Je n'ai malheureusement pas d'anecdote de ce type. Je vois parfois passer quelques annonces loufoques, comme des jeux faits maison, etc. Mais rien de vraiment spécial. Je dois plutôt régulièrement modérer des annonces parce qu'elles ne respectent pas mes Conditions Générales (ex : fausses annonces de "justiciers" qui n'acceptent pas les règles du marché libre, enchères déguisées...)

 

 

4 B) Quel serait ton idéal pour Okkazeo  ?

 

Je suis quelqu'un de pragmatique.

 

Les choses évoluent en permanence, et il faut en permanence s'adapter. Du coup, il me parait difficile d'atteindre (ou même de définir) un idéal. Toutefois, il est permis de rêver, et dans un monde idéal, je pourrais avoir plus de temps pour finir plusieurs points laissés de côté : une meilleure aide pour les utilisateurs (en commençant par la FAQ et des mails aidant à la prise en main de l'outil après l'inscription).

 

Et puis surtout, dans un monde idéal, tout le monde serait honnête. Le système d'évaluation ne serait pas nécessaire, et je ne passerai pas plusieurs heures par mois à dénouer les litiges ou à traquer les tentatives d'escroquerie que le site rencontre aujourd'hui.

 

Ainsi, mon objectif reste de garder un site facile d'utilisation, et suffisamment sûr pour que la communauté des joueurs y trouve un service de qualité leur permettant de facilement renouveler leur ludothèque (car c'est l'objectif premier).

5) Passons à la Radio des... euh Proxi-Jeux ! ;-)

Proxi-Jeux dont tu es le cocréateur et qui existe depuis maintenant 2011.

Quelle a été votre envie du début et comment au final l'idée s'est t-elle développée ?

 

L'aventure Proxi-Jeux a d'abord commencé par l'envie de faire quelque chose ensemble avec Olivier. Il écoutait pas mal de podcasts et en fanboy d'Apple de la première heure il avait déjà un iPhone en 2009. Du coup, il avait l'idée d'une application mobile dédiée aux joueurs. L'idée était de pouvoir facilement trouver où jouer autour de soi. On a recensé les boutiques, les assos, et les événements ludiques. On a même développé un mini réseau social dans l'appli. Et pendant que je développais cette application, on s'est dit qu'on allait lancer un podcast, comme ça, ça nous ferait un tremplin quand l'appli sortirait.

 

Pour ma part, je n'écoute pas de podcast (je préfère lire ou jouer sur console portable pendant mes trajets de bus-métro). J'ai donc découvert tout un nouveau monde. Et Olivier aussi. Car enregistrer une émission de qualité demande énormément de travail. On s'est donc équipé d'une première table de mixage et de deux micros.

L'idée aussi d'Olivier c'était de ne pas se positionner sur le même créneau que La Radio des Jeux (c'était encore la 1ère équipe à l'époque). Et il s'est dit, on va faire "le fond du panier", on va parler d'acteurs du monde ludique dont on entend jamais parler. Ainsi, on alternait chaque semaine un épisode d'actu (45 minutes à peine à l'époque !) et une interview.

On a commencé par Jean-Pierre Boillon créateur de Rêves de Jeux (association lyonnaise qui a plus de 30 ans d'existence !), de Pac-Man urbain, des chasseurs urbains (qui nous ont organisé un superbe concours Sherlock Holmes), de jeux narratifs avec la Boîte à Euhhh, d'écrans avec ePawn... Et puis petit à petit, le format a changé.

 

Une fois que nous avions pris nos marques, nous avons commencé à avoir des invités avec nous (on a dû acheter une nouvelle table de mixage) comme Antoine Bauza qui fut l'un des premiers à participer à l'émission. La force d'Olivier c'est surtout je crois d'avoir su donner l'envie à des auditeurs de prendre un micro à leur tour et de nous envoyer des chroniques (Ddschutz et Izobretenik furent les premiers, rapidement suivis par d'autres). Et au fil des ans, on a débranché l'application mobile que tout le monde avait oubliée, et on s'est consacré au podcast. On faisait un enregistrement par mois et on le découpait en quatre parties : News, l'invité, les chroniques, nos jeux du moment.

On faisait aussi des enregistrements chaque soir pendant Essen, nos derniers enregistrements étaient toujours accompagnés d'un live pour plus d'interaction avec les auditeurs, on avait lancé une campagne de financement sur Patreon, on faisait des concours... Bref, la machine s'est peu à peu emballée. Ca a duré cinq ans. On s'était dit qu'on s'arrêterait quand on n'aurait plus de plaisir. C'est finalement arrivé.

 

Parler de l'actualité du jeu régulièrement nous a littéralement vidé.

Pour un épisode de 4-6h on avait 24h de travail autour (préparation, montage, mise en ligne, écriture de l'article, modération...). A tel point que nous nous sommes progressivement éloignés du monde du jeu. Nous jouons beaucoup moins qu'avant. Sans doute aussi parce que nos enfants ont grandi. Mais pas seulement. Sans doute aussi parce que le marché du jeu a beaucoup évolué ces dernières années, et qu'on s'y retrouvait moins. Et sans doute aussi parce qu'on a vieilli :o) !

On a donc fini la 5ème saison en beauté par une interview de Fred Henry à propos de Conan.

Ensuite, on ne savait pas ce qu'allait devenir le podcast.

 

C'est là que Cyrus et Ddschutz ont pris la relève, et après quelques mois d'apprentissage, ils sont au top. Merci à eux !

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En compagnie d'Olivier Perin, co-créateur du podcast.

6) En quoi le monde du jeu a changé et que regrettes-tu?

Ces dernières années le monde du jeu a énormément grossi. Le marché est en pleine croissance et le jeu s'est démocratisé, particulièrement chez les 20 - 30 ans. Mais alors qu'on pourrait s'attendre à une croissance de l'offre, on assiste à une concentration de plus en plus forte, tant au niveau des boutiques (Philibert domine le marché en étouffant presque les autres boutiques qui ne peuvent plus toujours s'approvisionner sur certains jeux, par exemple Lords of Waterdeep), que des éditeurs (je pense à Asmodée avec ses rachats tout azimut de nombreux éditeurs et studios).

Je sais que les boutiques en ligne souffrent. Et du côté des éditeurs, ils multiplient les sorties (ex: près de dix nouveautés chez Matagot à Cannes !).

Résultat : les jeux restent moins longtemps en avant sur les étals qu'un livre ou un film. Donc difficile pour un jeu de percer ou de voir ses ventes décoller. Quand on sait le temps que consacrent auteurs, illustrateurs, chefs de projet, communicants, directeurs de collection sur chaque jeu, je trouve que c'est quand même un beau gâchis. Cela nous mène finalement à un marché dominé par des licences déjà bien installées (Pandémie, Les Aventuriers du Rail, Agricola, Dominion...) sur lesquelles les éditeurs prennent moins de risque car la communication est déjà en partie faite. Mais je ne pense pas que ce rythme endiablé encourage les éditeurs à prendre des risques et proposer des jeux atypiques. Heureusement, pour cela, il y a le financement participatif.

 

Je pense notamment à The 7th Continent qui n'aurait jamais pu voir le jour autrement, ou des projets plus confidentiels que j'ai pu soutenir. Mais là aussi, KickStarter est envahi de projets titanesques bâtis sur des licences et de superbes figurines (suivez mon regard). Malgré tout, dans l'affaire on perd la qualité du suivi du jeu : il faut acheter les extensions en même temps que le jeu de base, sinon il sera impossible de les trouver après en boutique. Et tout ça, alors qu'on a bien souvent pas pu jouer au jeu de base, et qu'il faudra attendre près d'un an pour savoir si on a fait un bon choix.

 

Donc pour résumer, on a un marché qui s'emballe : de plus en plus de jeux, à des tarifs qui montent aussi (car ils sont de plus en plus beaux et nécessitent des frais de conception de plus en plus élevés) et mathématiquement moins de temps pour jouer à chaque jeu, et je ne parle même pas de les approfondir. Et dans la masse, il y a certainement des perles qui passent à la trappe, car sorties au mauvais moment. Pour autant, je n'ai pas de regret particulier. C'est juste un constat (j'ai vu que Bruno Faidutti faisait sensiblement le même récemment sur son site). Mais j'en viens à me demander si cela va continuer, ou finir par cesser brusquement (par de nombreuses faillites et un assainissement dans les sorties). Quoiqu'il en soit, nous allons de plus en plus nous rapprocher du format de la BD ou du jeux vidéo avec quelques licences qui trusteront l'essentiel des ventes. Mais je sais aussi qu'on trouvera toujours des petits éditeurs et des initiatives personnelles pour nous proposer des jeux originaux et innovants (parfois via KickStarter).

 

Et je me suis rendu compte que cet emballement générait en moi de la frustration. Frustration de ne plus pouvoir jouer à tout (il y a 15 ans c'était déjà difficile, mais on pouvait encore facilement jouer à la moitié de la production dans l'année).

Frustration des jeux qui s'empilent non joués. Frustration pour ceux que j'aime bien mais pour lesquels je n'ai plus le temps d'y revenir parce que justement on a plein de nouveautés qui sont arrivées, etc...

 

J'ai donc changé ma façon de consommer.

 

Rien de novateur, on parle du fameux "M&M", Moins mais Mieux. J'achète peu de nouveautés, pour prendre le temps de jouer à tous ceux que j'ai déjà et que j'apprécie. Et je filtre beaucoup plus ceux que j'achète. Bien sûr pour cela, je m'appuie sur les avis de certains blogueurs. Et là encore, comme il est difficile de s'orienter face à la masse, je n'en suis que 2 ou 3 car je me retrouve dans leurs avis la majeur partie du temps (je pense notamment à Martin Vidberg et son blog Un Monde de Jeux). Mais la créativité des auteurs et les mécanismes aussi évoluent. Selon moi, les jeux de gestion se sont complexifiés au fil du temps. Au début des années 2000, on a eu la grande période de Knizia qui proposait des jeux aux règles assez simples, mais avec suffisamment de profondeur et une pointe de hasard qui donnaient envie d'y revenir souvent.

 

Avec le temps, les jeux de gestion ont multiplié les sources de Points de Victoire bien souvent au détriment du thème (ex : les jeux de Stefan Feld, Bruxelles 1893...). Heureusement, il en sort encore quelques uns qui savent habilement mêler mécanismes, thématique, interaction forte et importance de la stratégie (je pense à Terra Mystica notamment, ou Eclipse dans un autre registre). Je pense qu'ils sont réservés à une minorité de joueurs. Les plus "core", certes, mais une minorité.

En parallèle, on a vu une évolution incroyable des jeux coopératifs et immersifs. Et là, je salue le progrès incroyable. On est passé en quelques années des balbutiants Chevaliers de la Table Ronde, Ghost Stories, Pandémie aux excellents Mysterium (où l'ambiance prime sur les mécanismes), Horreur à Arkham JCE (excellente ambiance, avec peut-être encore un peu trop de mécanismes), Magic Maze, etc... Sans parler des rééditions de Sherlock Holmes Détective Conseil qui ont relancé les jeux d'enquête. Et l'essor des Escape Rooms qui nous a donné Escape et Exit.

 

Bref aujourd'hui, il y a un choix très varié en matière de jeux immersifs (et le plus souvent coopératifs). Cette immersion est une dimension importante à mes yeux aujourd'hui quand je joue en famille, car cela participe à donner envie aux autres de jouer.

Puisqu'après tout dans le jeu comme dans beaucoup d'autres loisirs, on recherche l'évasion, il est encore plus facile de s'évader quand le thème est bien rendu et prenant.

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7) Mais n'est-ce pas le cas des autres arts comme la littérature où il est impossible de lire l'ensemble des livres qui sortent ? Ou bien le cinéma ou la musique par exemple?
N'y a-t-il pas un souci actuellement, qui permet au monde ludique de vivre, d'avoir des joueurs voulant tout avoir et donc achetant des jeux qui ne seront pas joués ou une fois ?

En effet. Tu marques un point. Ayant connu le marché du jeu à une époque où il était encore (presque) possible de jouer à tout ce qui sortait, je suis resté sans doute un peu dans cette boulimie (et internet et l'actualité permanente et abondante aide à maintenir cet état d'esprit). Et c'est vrai qu'en matière de produits culturels, je ressens déjà cette frustration de ne pas pouvoir tout lire, regarder, écouter ou même jouer aux jeux vidéo (ceux qui sortent, les rétro que j'ai loupés, etc). Et il faut diviser son temps libre entre tout ça en plus !

 

Cependant, puisque tu fais la comparaison avec la musique ou le cinéma, bien souvent ce sont des produits qu'on ne consomme qu'une fois (à quelques exceptions près). Alors qu'un jeu mérite d'être joué, rejoué, re-rejoué (comme un album qu'on a plaisir à écouter plusieurs fois quand on le découvre)...

 

Pour autant, je ne sais pas s'il faut s'en soucier. Que cette fuite en avant se poursuive (et s'emballe) ou que les joueurs lèvent le pied sur les achats, cela finira fatalement par laisser des éditeurs (et des boutiques qui ne pourront plus tout stocker) sur la touche.

Maintenant, si je transpose ça égoïstement, tous ces jeux revendus après seulement une ou deux parties sont une réelle opportunité de croissance pour Okkazeo. Car bien souvent les ventes d'occasion atterrissent là :)

 

 

8) Il y a quelques jours Monsieur Phal annonçait qu'il revendait Tric Trac. Qu'en penses-tu et que penses-tu des actuels gros changements (apparitions de nouveaux distributeurs plus commerciaux, rachats …) ? Et il y a des rumeurs sur la revente d’Asmodée par Eurazeo... Peut-être qu’il y a un lien ?

J’en déduis surtout que tes questions ne sont pas écrites à l’avance car tu ne pouvais pas inventer celle-là.

Pour le reste, qui vivra verra...

Effectivement je n'écris jamais mes questions à l'avance afin de mieux m'adapter à mon invité.

 

 

9) Alors parlons de tes créations en tant qu'auteur !

Pourquoi as-tu eu besoin de passer le cap de la création et comment s'est passée ta relation avec l'éditeur tout au long de l'édition ? On espère tous, même inconsciemment que notre œuvre (jeu ou autre) plaira à tous et et se vendra bien. As-tu eu de mauvais retours et comment les as-tu vécus ? Est ce que l'expérience de l'édition t'as épanoui ou as-tu été déçu sur certains points ?

 

Comme tout joueur, on a parfois des idées de jeux qui nous trottent dans la tête. On va parfois jusqu'au proto qu'on sort avec ses meilleurs amis, juste pour se marrer une fois. Mais souvent on ne va pas plus loin. Pour Zombie 15, l'histoire s'est passée différemment. J'aime beaucoup le jeu Left 4 Dead qui amène une véritable dimension coopérative par rapport à la plupart des FPS. Et je souhaitais retrouver cette ambiance sur un plateau. J'ai eu une illumination (je pense que le mot n'est pas usurpé car c'est venu d'un coup un soir) en me disant : "en ajoutant une bande son avec des cris, et des cartes pour représenter la menace, j'ai mon moteur aléatoire".

 

J'ai alors parlé de l'idée à mon ami Nicolas le vendredi soir, qui a tout de suite été partant et il a amené l'autre idée principale du jeu avec la notion d'armes qui se cassent, et de stop. En simplifiant nos premières idées, en quelques mois on avait un jeu qui tournait bien, et je me suis dit qu'il méritait d'être proposé aux éditeurs. Ca ne coûtait pas grand chose de leur faire un mail (j'avais déjà tous les contacts).

 

Iello a tout de suite été intéressé. Au départ, on a signé surtout pour la fierté d'avoir son nom inscrit sur une boîte de jeu, en pensant que le jeu ferait un tirage de 2000 boîtes. Et puis, au fil du développement, on s'est pris au jeu. On s'est dit qu'il aurait sans doute un impact plus fort, car on a pas mal revu notre copie entre le proto de 2011 et le jeu final sorti en 2014 (grâce à des retours très pertinents de Iello et d'Origames, même si ce n'était pas toujours facile d'accepter leurs propositions, avec le recul, ils avaient souvent raison ^^).

La sortie du jeu a globalement été bien accueillie, et ça nous a fait plaisir car on était conscient qu'on avait un concept peu courant.
Le jeu a bien marché (plus de 20 000 boîtes dans le monde), et se vend encore pas mal en France. Je regrette bien sûr qu'il n'ait pas eu une carrière plus internationale, et que son prix élevé (mais justifié par un matériel incroyable) soit un frein à son achat. J'ai bien proposé à Iello de reprendre le concept tout en simplifiant la mise en place et le matériel pour baisser le prix, mais sans succès.


Et c'est là mon principal regret : je pense que le jeu a encore du potentiel, notamment auprès des ados (j'ai toujours des retours incroyables de leur part), et ça m'embête que l'aventure s'arrête là.
On a eu quelques critiques également, mais globalement, cela concerne la mise en place que certains peuvent trouver longue. Mais qui ne nous a jamais choqué car cela permet de faire redescendre la pression entre deux parties (voir juste après à propos des choix).
Je ne me souviens pas avoir reçu de retours négatifs. Et même si on en a eu, il faut être conscient qu'on ne peut pas plaire à tout le monde. D'ailleurs, je ne vis pas pour plaire aux autres, mais pour moi avant tout. Je sais donc ignorer les mauvais commentaires s'ils ne sont pas argumentés ou constructifs par exemple.

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En compagnie de Nicolas Schlewitz, le co auteur de Zombie 15 en plein test de la campagne Solo.

Comme je suis touche à tout, j'ai beaucoup apprécié de découvrir les coulisses de la création d'un jeu. J'y ai appris plein de choses, dont la principale : en tant qu'auteur (et éditeur), on doit faire des choix en permanence sur les règles, le matériel, les scénarios, etc. Certaines décisions sont parfois difficiles à prendre, mais le produit final est la somme de tous ces choix. Et l'air de rien, jusque là, je m'étais cantonné à un rôle plus de critique via mon blog ou Proxi-Jeux.

Depuis, je ne juge pas les jeux de la même manière. Je ne me dis plus "mais comment l'auteur a pu passer à côté de ce déséquilibre là", mais plutôt "pourquoi l'auteur a donc fait ce choix plutôt que tel autre ?". Ca n'a l'air de rien, mais ça transforme la façon de voir les jeux.


Pour autant, j'ai aussi découvert qu'éditer un jeu demande beaucoup de temps. En partie car l'éditeur n'est pas toujours sur le projet. Mais aussi parce qu'il faut savoir poser un moment son ouvrage pour le reprendre plus tard, avec un regard neuf.
Il y a aussi toute une dimension contractuelle qui n'est pas la meilleure partie (je ne suis pas commercial dans l'âme) et qui peut nuire à la relation avec l'éditeur. Difficile de savoir si on doit mettre la pression ou céder avec l'éditeur sur certains points.


Enfin, au niveau relationnel, faire un jeu avec son meilleur ami quand on y met toutes ses tripes, peut amener à des situations tendues qu'on ne souhaitait pas. D'où là aussi l'importance de savoir poser le projet pour le reprendre plus tard. Rétrospectivement, c'était sans doute la partie la plus dure à gérer (je ne blâme pas Nicolas, mais plutôt moi et mon caractère pas toujours facile et parfois soupe au lait :)

10) Si tu devais me citer deux personnes du monde ludique, l'une pour ses qualités professionnelles et l'autre pour ses qualités humaines, l'un n'enlevant rien à l'autre ?

Voilà une question (in)délicate. Même si je connais du monde dans le JdS, c'est le genre de question qui me gêne. Car c'est sûr que je vais faire des malheureux :)

Au niveau des qualités professionnelles, je pense immédiatement à Bruno Cathala. C'est un homme brillant, et très intelligent qui a réussi sa reconversion dans un monde qu'il ne connaissait pas. Même si je trouve que ses jeux sont parfois trop mécaniques et qu'il y manque l'étincelle qui crée la magie et l'immersion dont je parlais plus haut. Il sait s'adapter au marché, toujours innover et répondre aux nombreuses attentes (des joueurs et des éditeurs). Son Kingdomino sorti l'année dernière n'a rien de révolutionnaire en l'état, pourtant personne ne l'avait fait avant et Bruno a su capter l'essence du domino pour l'adapter aux jeux modernes. Du grand art !

Sur le plan humain, c'est encore plus dur de ne blesser personne car le monde du jeu est un monde très sympa (même s'il perd petit à petit son côté bisounours). Du coup, je vais choisir Roberto Fraga. Un homme d'une grande modestie (eu égard à ses prestigieuses créations), avec le cœur sur la main, capable d'organiser de rocambolesques Rencontres du Corsaire ludique avec pour seul but d'amuser tous les participants. Toujours prêt à plaisanter, et surtout toujours disponible !

Le but n'est pas de froisser mais bien de faire plaisir à deux personnes.


Voici la véritable question pour froisser les gens ! ^^



11) Comment définirais-tu en un mot, oui un seul, chacune des personnes suivantes :


Tu me gâtes... C'est vraiment le genre d'exercice que je n'aime pas.
Surtout qu'il y en a que je ne connais pas personnellement, donc c'est du pur ressenti.



Philippe des Pallières : Bof


Croc : Satanique


Vincent Dutrait : Radieux


Cédric Barbé : Discret


Monsieur Phal : Antipathique


Gaetan Beaujannot : Facilitateur


Cyrus de Proxi-Jeux : Copaiiiin !


Tapimoket : Passionné


Nadine Seul : Battante


Guillaume Lemery : Touche-à-tout



En espérant que la prochaine sera plus facile ^^

 

La semaine prochaine, dans la seconde partie, Guillaume Lemery répondra à des sujets sociétaux très sérieux notamment sur l'occupation et la pensée libérale.

Pour ceux qui souhaiteraient soutenir mes entretiens, voici ma page tipeee,  même un petit geste fait plaisir et vous pourrez contribuer à d'autres interviews réalisés sur des festivals (Cannes, Paris est ludique, Essen...) : 

Ma page Tipeee 
 

Merci à mes Tipeeeurs de me soutenir  : Arnaud Urbon, Bruno Faidutti, Emilie Thomas, Nicolas Soubies ,Virgile De Rais, Pierre Rosenthal, et Ludikam! 

 

Pour ceux qui souhaiteraient découvrir les précédents entretiens, mes animations ou suivre ma page facebook  : 

http://www.facebook.com/jeuxviensavous/
 

Saison 1

Yves Hirschfeld
Benoit Forget
Bruno Faidutti 1ère partie
Bruno Faidutti 2ème partie
Naiade
François Haffner 1ère partie
François Haffner 2ème partie
Pierô Lalune
Timothée Leroy
Mathilde Spriet
Sébastien Pauchon
Tom Vuarchex
Vincent Dutrait 1ère partie
Vincent Dutrait 2ème partie
Christophe Boelinger 1 ère partie 
Christophe Boelinger 2ème partie
Régis Bonnessée
Roberto Fraga 1ère partie
Roberto Fraga 2 ème partie
Cyril Demaedg
Bruno Cathala 1 ère partie
Cyril Blondel
Bruno Cathala 2ème partie
Yahndrev 1ère partie
Yahndrev 2ème partie
Emilie Thomas
Sebastien Dujardin
Florian Corroyer
Alexandre Droit
Docteur Mops 1ère partie
Docteur Mops 2ème partie
Arnaud Urbon
Croc
Martin Vidberg
Florent Toscano
Guillaume Chifoumi
Nicolas Soubies
Juan Rodriguez 1ère partie
Juan Rodriguez 2ème partie
Bony
Yannick Robert
Docteur Philippe Proux
Franck Dion 1ère partie
Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie
Yoann Laurent
Carine Hinder et Jerôme Pélissier
Dominique Ehrhard
Christian Martinez
Maxime Savariaud
Véronique Claude
Shadi Torbey
  

Saison 2 
 

Fabien Bleuze
Serge Laget
Djib 1ère partie
Djib 2me partie
Florian Sirieix
Farid Ben Salem 1 ère partie
Farid Ben Salem 2ème partie
Julien Lamouche
Jean-Louis Roubira 1ère partie
Jean-Louis Roubira 2ème partie
Philippe des Pallières 1ère partie
Philippe des Pallières 2ème partie
Julian Malgat Tome 1
Philippe Tapimoket 1ère partie
Philippe Tapimoket 2ème partie
Théo Rivière
Reixou
Nicolas Bourgoin
Natacha Deshayes
Gary Kim 
Emmanuel Beltrando
Tony Rochon

Thierry Saeys
Lia Sabine
Igor Polouchine 1ère partie
Igor Polouchine 2ème partie
Bernard Tavitian
Marcus 1ère partie
Marcus 2ème partie
Gaetan Beaujannot
Jean-Michel Urien
Michel Lalet 1ère partie
Michel Lalet 2 ème partie
Michel Lalet 3ème partie
Christophe Raimbault
Gaelle Larvor / Nam-Gwang Kim
Stefan Feld


Saison 3

Catherine Watine
Jean-François Feith
Nadine Seul 1ère partie

Nadine Seul 2 ème partie

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