Organisateur
d'événements ludiques
Jeux Viens à Vous Veronique Claude
Véronique Claude a changé ma façon d'animer.
J'ai rencontré Véronique lors du festival Ludi'Langres.
Elle y organisait deux conférences dont l'une d'elle sur un concept venu de Grande-Bretagne : La boîte à jouer
J'ai découvert une professionnelle de l'animation expérimentée mais ne restant pas sur ses acquis, toujours à la recherche de nouveautés, d'apports à sa formation.
L'entretien m'a permis en tant qu'animateur de me remettre en question sur différents sujets ou en tout cas de confirmer des points que je présentai intuitivement, son approche déstabilisante peut apporter à chaque professionnel une réelle façon de voir le jeu différemment, mais pas simplement en tant que professionnel mais également en tant qu'adulte, parent, ou simplement joueur.
Véronique parle d'une voix calme, apaisante, qui donne envie de l'écouter encore et toujours.
Avec elle, nous parlons d'animation et de jeu, du projet Boîte à jouer, la réactions qu'il suscite auprès des enfants, parents mais également auprès des animateurs, de Ludi'Langres, du jeu d'entreprise, de ses enfants et du parcours qu'ils suivent, ainsi que de Franck Lepage et de l'éducation nationale....
1) Véronique bonjour, aurais-tu la gentillesse de te présenter ?
Véronique, je fais partie du monde l'animation depuis une trentaine d'années. Et le monde du jeu a toujours croisé le monde de l'animation chez moi Premier poste : J'étais responsable jeunesse dans une MJC dans les années 80. Avec les gens du quartier, j'ai monté une première ludothèque. Et puis colo etc... J'ai travaillé avec des gens qui prônaient une pédagogie autour de la liberté des enfants Et ensuite pendant 26 ans j'ai dirigé un centre de vacances avec hébergement qui a mis en place cette liberté A l'intérieur de ce centre il y a toujours eu des espaces de ludothèque pour les enfants, ils y allaient quand ils voulaient, il n'y avait pas d'horaire précis, ils pouvaient prendre des jeux pour les emmener ailleurs mais également y jouer sur place Comment fonctionnait ce centre ? Les enfants font ce qu'ils veulent, quand ils veulent et avec qu'ils veulent. Ce sont les adultes qui s'organisent pour être dans tous les espaces de la maison et les enfants vont et viennent dans les différents espaces, ils y restent le temps qu'ils y veulent, et se déplacent à leur gré. Les enfants sont libres également de manger quand ils veulent. Il y avait également des classes de découverte, où là par contre l'enseignant est responsable de sa classe et vient bénéficier d'un contenu.
2) Ca représente quoi le jeu pour toi ?
Je ne sais pas...
Pour moi, c'est quelque chose qui fait partie de la vie en fait, tout simplement. Au départ je m'en suis occupé beaucoup pour les enfants, ça fait partie d'un moment où ils vivent leur vie et font ce qu'ils veulent avec les objets qu'on leur propose. Les objets ludiques doivent être choisis pour permettre cette liberté, les règles qui sont posés doivent simplement être des règles de respect de soi, et donc du coup d'un respect du matériel également. Ca rythme avec la liberté d'expérimenter des choses, dans un cadre dans lequel l'adulte n'a pas à juger de ce que l'enfant est entrain de faire, ni de juger et d'évaluer. C'est peut être d'ailleurs l'un des seuls domaines où l'enfant est libre de faire ce dont il a envie.
Véronique entrain d'expliquer les jeux du monde à Ludi'Langres
3) Tu as fait ta carrière dans l'animation et le jeu, c'est par rapport à cette envie de donner une liberté aux enfants ?
Oui je crois que ça a beaucoup à voir. Une liberté de s'exprimer, de faire ce qu'il a envie à un moment donné, et de me dire que ce qu'il fait ça a une importance pour lui.
C'est une question plus intime et tu y réponds si tu as envie, cela à rapport avec un manque de liberté étant moins jeune ?
Pas du tout ! Au contraire, j'ai beaucoup joué, on ne m'a pas embêté,. On avait évidement beaucoup moins de jeux que maintenant, on avait une poupée. L'autre aspect du jeu que j'aime et ça vient aussi de mes parents, j'aime beaucoup construire les objets . Mes parents m'oint laissé construire des maisons de poupées en carton, les habits de ma poupée étaient tricotées et cousues par ma mère, je n'ai plus la poupée mais j'ai encore ces habits ! J'ai toujours fabriqué pour offrir, quand il y a une naissance j'ai toujours fabriqué le cadeau, ou des jouets pour les enfants. Les enfants quand on leur laisse une ludothèque et un vrai atelier de bricolage, on s'aperçoit qu'ils fabriquent des trucs pour jouer qui vont compléter la poupée ou d'autres jouets. Ensuite dans ma vie professionnelle j'ai eu besoin de confirmer ou de comprendre des choses, j'ai fait un Master Science du jeu à Paris 13. Ca m'a permis de compléter ma compréhension et l'intuition que j'en avais .
4) Pour nous permettre de comprendre peux-tu nous expliquer ce que tu fais maintenant ?
Je ne travaille plus dans ce centre d'accueil. Je suis formatrice principalement dans différents endroits auprès des professionnels de l'animation. Je travaille beaucoup sur de la pédagogie, ce qu'est la liberté de l'enfant acteur et dans quelles conditions je peux laisser un enfant devenir acteur de ce qu'il est entrain de faire, et de comment on installe le jeu dans un centre de loisirs, qu'en fait -on et pourquoi l'installe t-on Souvent les animateurs prennent le jeu pour en faire quelque chose d'éducatif, et moi je déconstruis cela.
Ce qui est « drôle » quand je fais de la formation, au bout d'un moment les animateurs me disent « En fait ce qu'on fait c'est pas du jeu ! »
Ben non !
Vous utilisez le mot jeu, vous dites aux enfants que vous allez jouer, et en fait vous ne jouez pas parce que c'est vous qui êtes les meneurs. Les enfants font une activité ludique, mais ils ne sont pas dans le jeu.
Ils n'expérimentent pas, ils ne font pas de choses qui leur tiennent à cœur. Ils suivent une règle que les animateurs ont posés. Il y a certains centres de loisirs, c'est très intéressant de voir ce qui se passe après et dans la posture des adultes dans ce qu'ils vont proposer ensuite aux enfants.
Le jeu est un moyen d'entrée pour parler de pédagogie, notamment dans les centres de loisirs où il faut reparler pédagogie.
Le projet Boîte à jouer
5) Est-ce que justement les animateurs sont ouverts ? Car tu remets en cause plein de choses...
On remet en cause tout ce qu'ils ont appris. J'ai été formatrice BAFA, alors je sais tout ce qu'on remet en cause ! (Rires) Il faut reconstruire une nouvelle posture. Et là ils sont perdus, car ils ont l'impression de ne servir à rien quand ils laissent les enfants jouer (seuls). C'est un gros travail de leur montrer que s'ils ne sont pas là, le jeu ne peut pas se faire non plus. Leur montrer que leur présence soutient et favorise le jeu des enfants mais pas leurs interventions et leur façon de diriger. Mais ça, tous n'y arrivent pas... On leur a appris à cadrer un groupe, à le diriger, et pas à mettre en place des choses où l'enfant va faire des choses de lui-même.
Qu'est ce que ça peut donner concrètement de différent si tu devais animes à nouveau avec des enfants ? Peux-tu me donner un exemple ?
Je ne crois pas que je ferais différemment de ce que j'ai fait pendant 26 ans à Courcelles. Laisser cette liberté, installer des espaces pour que les enfants passent de l'un à l'autre et jouent. Oui je ne changerai pas ma façon de faire
Que font les animateurs qu'il ne faut surtout pas faire selon toi?
Le problème de l'animation aujourd'hui c'est que tout est réglé par des plannings prévues d'avance par les adultes, et où il n'y a pas d'espace de choix pour les enfants . C'est ça le problème aujourd'hui.
Donc toi tu arrives, tu laisses le choix aux enfants de choisir leur activité ?
Tout le temps ! Je ne sais pas faire autrement ! Mais ça demande réfléchir à l'installation que l'on fait. Et là ça rejoint le travail d'une ludothécaire, qui si elle veut que les enfants jouent, elle installe d'une certaine façon, qu'elle met en scène d'une certaine façon pour inviter les enfants à jouer. Dans l'animation, c'est exactement pareil, si on veut laisser la liberté aux enfants il faut installer l'espace que l'on a afin que les enfants soient invités à faire autant de la pâte à selle, une partie de dame, ou que de lire, peu importe mais suivant comment l'espace est disposé et comment l'animateur va se positionner, l'enfant sera libre d'aller de l'un à l'autre ou pas. Je trouve que les ludothécaires font un boulot super où l'enfant est libre d'aller expérimenter ce qu'il veut. Le centre de loisirs pourrait être cela.
Ca me renvoie à mon métier quand je vais animer lors des NAP, j'arrive avec ma valise, je leur propose pas des jeux mais je les laisse choisir, par contre j'ai des enfants qui parfois me disent « Non je n'ai plus envie de jouer, j'ai envie de lire un livre ou de jouer au Kappla ». Je me suis donc poser la question, est ce que je les laisse faire l'activité qu'ils veulent, mais si un responsable arrive il va me dire « Tu ne fais pas ton travail ». C'était donc un vrai dilemme, au début je ne les laissais pas faire, mais je suis de plus en plus à les laisser faire ce qu'ils souhaitent.
C'est le problème des NAP, il y a un programme de vacances à vacances, avec un projet, avec une évolution et des objectifs, et les animateurs sont coincés la-dedans, il est très difficile de sortir de cela. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas un progrès prévu par l'animateur dans une activité, mais on pourrait imaginer que les enfants puissent aussi naviguer à d'autres moments. A mon sens, il y a également une grosse difficulté avec un manque de qualification des animateurs sur certaines activités, qui font des choses très banales voire très moches et que du coup leur statut d'animateur leur permet d'obliger les enfants à finir des activités qui ne sont pas intéressants. Ca c'est une vraie question de fond. On pourrait imaginer que l'animateur ait plus de compétences techniques car dans ce cas les enfants iraient au bout du monde avec lui. J'ai vu quelques centres où il y a une réflexion du projet pédagogique, par exemple avec 3 ateliers mis en place et les enfants naviguent entre les ateliers.
Différents jeux inventés par les enfants
6) Qu'est ce que tu voudrais nous dire sur Ludi'Langres ? On m'a dit que tu étais très investi...
Je ne suis pas encore assez investi selon moi ! Je n'ai pas assez travaillé en amont. Je suis contente en tout cas que Ludi'Langres se fasse, je trouve que c'est un formidable partenariat dans la ville, les gens se rassemblent afin de construire ce projet. Ca mélange également les visions du jeu, une instit n'a pas forcément la même du jeu qu'un joueur, ou qu'une association. La deuxième chose intéressante c'est la mixité sociale qu'on retrouve dans ce festival, car ça relie le centre ville et les quartiers de la périphérie, les familles viennent jouer peu importe leurs quartiers.
Tu peux me donner l'exemple que tu me donnais en OFF ?
Oui, j'espère que l'on verra ça cette année également. Voir des tables de jeux se former avec des femmes de quartier et des femmes du centre ville, être à la même table et jouer au même jeu, quand on connaît les personnes et que l'on sait qu'elles n'ont rien à voir entre elles, qu'elles n'ont pas du tout la même vie, et les voir rigoler ensemble autour d'un même jeu c'est ça la vraie mixité sociale. Il faudrait plus d'actions dans ce genre pour que les gens quand ils se croisent dans la rue, ils puisent se dire bonjour.
Je vais relier ça avec les élections qui ont eu lieu il y a peu et les résultats qu'il y a eu. Pour éventuellement éviter ce qu'il y a eu, est ce que ce n'est pas par ce genre d'actions, de faire se rencontrer des gens qui ne se rencontrent pas, qu'il faudrait plus souvent ?
J'en suis persuadé. On a construit une société, où il y a des quartiers, l'école du quartier, le centre de loisirs du quartier, quelque que soit le quartier, les gens restent dans l'entre soi qui est préjudiciable en fait puisque les gens ne se rencontrent plus. Il y a 30 ans en arrière, les centres de loisirs des villes étaient pour tous les enfants à l'extérieur de la ville, et on avait une mixité sociale qui se faisait à ce niveau là. Les villes, pour des questions de normes, de coût, etc ont supprimé leur centre de loisirs extérieurs pour les remettre dans les quartiers. C'est sur que c'est plus facile pour les familles, mais ça laisse les gens dans un entre soi. Il faut refabriquer des lieux de rencontres, le jeu est peut être un élément facile car tout le monde joue dans son enfance. En tout cas dans les petites villes, dans les plus grosses villes, les gens viendront peut être parce qu'ils sont joueurs et on aura moins de mixité. Mais à Ludi'Langres, comment le projet est construit, les enfants reviennent avec leurs parents qui ne sont pas issus des mêmes quartiers.
Un Canon crée par les enfants
7) Demain tu organises une conférence, pourrais-tu nous expliquer en quoi ça va consister ?
Je vais présenter avec Emma, La Boîte à jouer qui est un dispositif anglais de jeu dans les cours de récréation. Emma avec son association Jouer pour vivre l'a importé d'Angleterre et j'ai eu la chance l'année dernière de faire partie du groupe de chercheurs qui évaluait ce dispositif à travers toute l'Europe, et donc je faisais partie de l'équipe française. J'ai passé un an dans les écoles à voir ce qui se passait avant dans les cours d'école sans ce dispositif, et à voir ce qui se passait lors de la mise en place de ce dispositif puis après. L'idée de ce dispositif est double : Permettre aux enfants de jouer dans les cours d'école, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui ou difficilement dans le sens où les cours d'école sont globalement occupées à 80% de la surface par les garçons qui jouent au foot, et le reste des enfants ont un tout petit espace où ils n'ont rien à faire, il y a quelques cordes à sauter pour les filles, mais globalement les autres s'ennuient.
C'est quelque chose de nouveau ? Car à y a 30 ans je n'avais pas l'impression de m'ennuyer dans la cour d'école.
Je ne pense pas que ce soit nouveau mais il y a eu plein de restrictions dans les cours d'écoles au fil des année à cause de la peur de l'accident, j'ai vu des écoles où les écharpes étaient interdites car elles servent à s'attraper, à s'attacher etc La boite à jouer est un procédé intéressant car il remet le risque à l'intérieur de la cour, ce qui n'est pas facile pour les animateurs mais pour les enfants il n'y a pas de problème! Et il permet aux enfants de rejouer ! Un double dispositif car ce procédé utilise également des matériaux de récupération qui ne sont pas des jouets. Et donc permet aux enfants de jouer sans contrainte, vu que les objets ne sont pas des jouets. On ne leur dit pas ce qu'ils doivent faire avec donc cela les met dans un moment de créativité assez important .
Tu as des exemples d'objets utilisés ?
Des tuyaux, des cordes, des filets, des fauteuils roulants, des poussettes, des claviers d'ordinateur, des vieux téléphones, des roues de toutes les tailles, des rouleaux de cartons, donc on peut en faire des épées, des cabanes... On a vu se construire des chars où les gamins ont réussi à faire des projectiles... Il n'y a pas d'outils dans les cours, donc ils font en assemblant avec ce qu'ils trouvent.
Qu'est ce qui est dit aux enfants ? Vous leur dites que c'est pour jouer ?
On leur dit qu'ils peuvent utiliser les objets pour en faire ce qu'ils veulent. Et là on a des cabanes qui se construisent, des balançoires qui se construisent après les arbres, des trucs qui roulent ou qui ne roulent pas d'ailleurs ! On a vu au bout de quelques mois des enfants jouer à la balle aux prisonniers avec un tonneau où les enfants entraient et sortaient, ils n'ont pas réussi à nous expliquer la règle mais ils s'amusaient avec. Des écoles nous disaient qu'avant le dispositif le banc des punis était systématiquement plein, et après l'arrivée de la boîte à jouer le banc des punis n'était plus utile ou presque.
Donc c'est vraiment de rendre l'enfant acteur...
Et de les laisser libre ! Il y a des enfants au début de la boîte à jouer qui vont beaucoup jouer avec, puis ensuite ils vont retourner à d'autres occupations, et d'autres enfants ne quittent pas la boîte à jouer.
Est ce que tu l'as testé avec des adultes ?
Moi non, mais Emma pourrait t'en parler, ils viennent d'en ouvrir une dans un parc d'une petite ville du sud, pour permettre la rencontre sur un espace neutre des enfants de la petite ville avec les enfants des familles migrants qui viennent d'arriver. Donc peut être que les adultes vont s'y mettre ! Je ne sais pas !
Ca pourrait être intéressant dans un festival d'en mettre une !
Oui peut être !
8) En dehors de la conférence, qu'est ce qui te semble important à Ludi'Langres?
Ce qu'ils réussissent bien, c'est d'avoir de l'accueil des touts petits jusqu'aux joueurs de figurines, de cartes magic ou le trollball que je ne connais pas. Un panel très large qui permet à chacun de trouver son bonheur. Peut être faudrait-il travailler dans le futur sur un espace senior avec des jeux de lettres par exemple.
9) Ca t'arrive d'intervenir auprès des enseignants ou simplement auprès des animateurs ?
Canope m'a demandé de réaliser des formations spécifiquement pour les enseignants pour l'année prochaine donc ça se prépare très prochainement. Pour l'instant, les rencontres se réalisaient parce que les enseignants étaient présents à des conférences que je faisais, mais ils étaient mélangés à d'autres publics.
Les enfants fabriquent des balancoires
10) Que penses-tu du jeu chez l'adulte et notamment en entreprise ?
J'ai déjà lu et vu des choses sur ce sujet.. Je pense que ça peut être un élément fédérateur J'ai l'impression que la plupart faisant jeux d'entreprise c'est des trucs phénoménaux réinventés, mais organisés par des non joueurs, ils vont monter quelque chose pour permettre le management etc alors que parfois on pourrait simplement utiliser des jeux existants . Et puis il faut le vocabulaire clé de l'entreprise, si on a pas ce vocabulaire, on ne passe pas dans l'entreprise.
Il y deux visions, celle avec des jeux très réfléchis comme j'en parlais avec Christian Martinez de la CCI de Lyon, mais également avec Matthieu d'Epenoux qui lui croit plus aux jeux d'adresse plus basiques pour que toute l'équipe, du patron à la sécretaire soit sur le même pied d'égalité.
Je suis assez d'accord.
La première chose c'est de mettre les gens en jeu, et donc qu'il faut choisir des jeux accessibles à tous, ce qui n'est pas forcément évident suivant le type d'entreprise. Je suis assez d'accord que le jeu surdimensionné en bois peut permettre cela. Ca va permettre aux gens de se connaître mais peut être que ce n'est pas suffisant. On va créer une bonne ambiance, mais il faut peut être que ce soit d'autres qui reprennent cet aspect là pour travailler l'esprit d'entreprise qui n'est pas forcément de notre métier de joueur. Le jeu va décaler les gens du sujet sur lequel ils sont entrain de travailler, il permet d'enlever des frein.
Tu travailles également aux Chats Perchés je crois
Je suis associée à l'entreprise coopérative. L'idée c'est que j'ai quitté 30 ans de travail d'équipe pour me mettre en formatrice plutôt indépendante et au bout de 3 ans, j'ai pas envie d'être toute seule ! (Rires)
C'est dur !
Oui ! Les Chats Perchés me permettent cela. Et puis je complète les compétences de Thomas dans le jeu de société grâce à mon expérience dans le jeu et le jouet de la petite enfance afin de toucher tous les publics C'était nécessaire dans une ville comme Langres.
11) Le magasin des Chats Perchés est tenu par ton fils Thomas, tu parlais du Coffre à jouer, tenu par un de tes autres fils Hugo. Ils sont tous les deux dans le jeu...
Je n'y pensais pas ! C'est leur projets! Thomas à la base est électrotechnicien, il a quitté son métier pour faire cela. Hugo, lui à fait une formation d'animateur professionnel, il était plutôt dans l'idée de diriger une association et un jour il m'a dit qu'il crée le Coffre à jouer ! C'est drôle mais il y a 10 ans en arrière, je n'aurais dit qu'ils allaient travailler dans le monde du jeu.
Tu as d'autres enfants dans le monde du jeu ?
Non, le troisième est fildefériste, il fait de l'artistique, il a inventé une structure, un fil qui tourne et sur lequel il marche. Une grande balançoire. Je ne sais pas si c'est du jeu, mais sa machine à avoir avec le jeu !
http://lamigration.fr/landscapes-1
J'ai l'impression que pour toi la liberté est quelque chose d'important, ils font des métiers qui leur plaisent, tu es fière qu'ils soient libres ?
Ils sont à leur compte donc c'est pas facile tous les jours. C'est pas facile pour les parents ! (Rires)
J'y venais, tu es fière ? Tu as peur ?
Y a les deux ! Je crois qu'il y a une grande fierté de voir nos enfants faire ce qu'ils ont envie et de faire des choses pertinentes Et puis il y a la peur, ils n'ont pas forcément un salaire tous les mois et ça quand on est parents c'est pas toujours très confortable de les voir galérer, mais avant tout dans la société d'aujourd'hui je leur ai toujours dit faites ce dont vous avez envie, si vous êtes passionnés vous réussirez. Amenez des enfants sur des métiers oui, mais il faut avant tout être passionné pour réussir son métier. Peu importe le métier.
12) Franck Lepage, parle notamment d'éducation populaire dans ses conférences gesticulées Est ce que c'est quelque chose qui te parles ? Car tes propos que tu as eu tout à l'heure m'ont fait penser à lui.
L'éducation populaire c'est vraiment ce qui m'a porté toute ma vie. L'éducation populaire prône le fait que les gens puissent être des citoyens, conscientisés et acteurs de la leur vie donc oui ca rejoint tout ce que j'ai fait toute ma vie.
Il explique que l'éducation favorise les inégalités sociales dans le fait que même si des enfants de différents milieux vont avoir la même éducation, les enfants de milieux favorisés auront des + à la maison par les parents qui auront plus de culture, des cours du soir...
Dans notre société d'aujourd'hui oui. C'était pas le cas quand j'étais jeune. Je suis issue d'une ville ouvrière, mes copains étaient soit fils d'ingénieur, soit fils d'ouvrier et du coup on passait d'une maison à l'autre sans aucun préjugé. Ca n'existe plus aujourd'hui, vu que les villes ouvrières n'existent plus, c'est des sous traitances et il n'y a plus de monde ouvrier. Les villes ouvrières avaient une réelle mixité sociale. Mais effectivement culturellement les enfants favorisés ont déjà des atouts au départ que les autres n'ont peut être pas, et ça c'est compliqué. Vu qu'on est sectorisé, comment on sort de cela ? J'en reviens à la géographie de la ville, comment on a construit les villes d'aujourd'hui, cela mais je suis persuadé qu'il ne fallait pas faire cela. Maintenant c'est comment on combat cela, comment on invite les gens à sortir de leur quartier, comment on en invite d'autres à rentrer dedans. Oui les enfants du quartier ne viennent pas au centre ville mais ils ont tout dans le quartier, ils ont même le supermarché donc ils n'ont pas de raison de sortir au centre ville ! Mais oui, les inégalités, je te rejoins, elles sont fortes dès le départ, et même si le gamin est bon à l'école, il y a une culture qu'il n'a pas, des découvertes qu'il n'a pas faites, il va beaucoup plus galérer que quelqu'un qui a déjà tout cela autour de lui. C'est triste hein !
Oui... Justement demain, si tu es nommée ministre de l'éducation, quelle serait ta première mesure ?
Non ! Le mammouth est trop gros ! Pour avoir des copains qui sont enseignants qui ont des pédagogies hyper bien, le sytème ne favorise pas la mise en place de certaines pédagogies dans les écoles, et le système est trop lourd. Pour voir comment mes copains galèrent, même s'ils ont des idées, des envies il y a de tels freins que c'est très compliqué pour eux.
Je vais me faire l'avocat du diable... un ministre avait dit vouloir dégraisser le mammouth, à chaque fois qu'il y a un ministre de l'éducation qui arrive et qu'il souhaite faire une réforme il y a immédiatement des grosses manifestations. Est ce que tu trouves que c'est justifié dans la plupart des cas ou est ce qu'il y a un défaut des profs à se bloquer aux changements ? Il y a les 2 ?
Je pense qu'il y a les deux. Je pense que lorsqu'il y a changement, en amont il n'y a pas eu assez prise en compte de ce que les enseignants vivent et de ce qu'ils auraient besoin. Ce n'est pas en réfléchissant à Paris, là-haut, qu'on peut savoir ce qui se passe sur le terrain. Je pense qu'il faudrait laisser plus de liberté dans les écoles pour inventer éventuellement de nouvelles choses. Des écoles qui se donnent les moyens arrivent à évoluer les choses mais ...c'est pas un milieu que je connais assez, c'est facile de dire de l'extérieur ce qu'il faudrait faire. J'aimerai pas être ministre de l'éducation ! (Rires)
Ca c'est sûr ! Et puis par rapport au NAP, on a mis une loi qui me semble bonne mais derrière il n'y a pas eu les moyens donc en fait il y a la guerre dans les écoles, parce qu'il y a les enseignants d'un côté, les animateurs de l'autre. Les enseignants globalement méprisent les animateurs, ne les trouvent pas suffisamment performants. De l'autre côté, on a pas suffisamment former les animateurs, et qu'à un moment donné on a pas parlé de coéducation et on a pas mis tout le monde autour de la table pour travailler ensemble. J'ai vu des équipes d'animateurs qui étaient très performantes et qui faisaient des choses très bien car ça existe aussi, et qui sont complètement méprisés par les enseignants alors qu'il n'y avait pas lieu. Il faudrait que ces gens puissent être considérés de la même manière, on est des co-éducateurs, sur des moments différents et avec des apports différents et que tout cela soit réfléchi collectivement et pas séparément. Là, le fait d'avoir séparé c'est raté dans plein d'endroits...
C'est triste encore ! (Rires)
C'est encore triste oui !
Pour toi, ça va dans le bon sens ou le mauvais sens ?
Les NAP vont dans le bon sens pour les enfants, je pense.
13) Est ce que tu pourrais nous parler d'un auteur ou d'une œuvre importe à tes yeux que ce soit en littérature, cinéma, musique, jeu que tu souhaiterais faire découvrir ou redécouvrir ?
En littérature par rapport au jeu j'aime beaucoup les travaux de Gilles Brougère qui est actuellement à Paris 13 et qui a posé une définition du concept du jeu. C'est un grand chercheur et son livre que j'aime beaucoup reste limpide et compréhensible Son livre permet de mieux comprendre comment une situation de jeu se met en place, cela permet ensuite pour les professionnels de réfléchir à comment j'instaure le jeu auprès des enfants
14) Tu es joueuse ?
Pas trop non ! C'est paradoxale je sais...
L'une de mes questions est : On passe une soirée ensemble, tu me proposes 3 jeux dans le but d'apprendre à se connaître.
Dixit, Concept parce que ce sont des jeux dans lesquels on va être en interaction Et après...Wazabi, parce que j'aime bien jouer à ce jeu et que je vais pouvoir te faire des petits coups sympas! (Rires)
15) Est ce que tu connais les professionnels du monde du jeu ?
Pas beaucoup J'aime beaucoup ce qu'à fait Zoch auprès des jeux pour enfants par exemple. Par contre même si je les connais pas bien quand je présente des jeux, ou que je vais en formation, je réexplique toujours soit aux stagiaires, soit même aux parents que derrière un jeu, il y a un auteur, un illustrateur et un éditeur. C'est important car si on veut donner de l'importance au monde du jeu, c'est comme en littérature y a des auteurs qui travaillent d'une certaine façon, ils produisent d'une certaine façon, et je trouve que c'est important de savoir cela. Par exemple la première fois que j'ai découvert Zoch, j'ai cherché des jeux que lui avait fait, après j'en ai trouvé des moins bons, des meilleurs mais ça me paraît bien de faire cette démarche. Autant dans le livre, les gamins savent qu'il y a un auteur et un illustrateur, autant dans le jeu c'est quelque chose qui n'est pas encore rattaché C'est entrain de se mettre en place mais ça prend du temps, ça fait que 10/15ans qu'on sait qu''il y a des auteurs derrière, et encore pour les joueurs Pour le grand public c'est encore inconnu !
J'en parlais avec un illustrateur qui me disait qu'ils n'ont pas toujours leur nom sur les jeux, ou en tout pas devant ou en tout petit, et ils se battent pour cela.
Oui il faut car c'est important !
16) Le jour où tu quitteras le monde ludique même si c'est au niveau local, qu'est ce que tu voudrais qu'on retienne de toi professionnellement et humainement?
Qu'il y a toujours des solutions . Quand j'arrive en formation et que les gens me disent : « On peut pas faire ça ! » Je leur montre que c'est possible Qu'il y a toujours des solutions mais qu'il faut se donner les moyens de les trouver. Et qu'il n'y a pas que l'argent. On peut faire sans budget. Que je les aider à trouver des solutions et à sortir du « On a pas de sous on peut rien faire ! » Au contraire, on a des idées et on va les mettre en œuvre !
Et humainement ?
J'en sais rien ! (Rires)
17) Dernière question, Véronique es-tu heureuse ?
Ouais ! Ca sans problème ! Je suis comblée !
Je te remercie beaucoup Véronique
Pour cause de festival de Parthenay, il n'y aura pas d'entretien la semaine prochaine
Pour ceux qui souhaiteraient soutenir mes entretiens, voici ma page tipeee, même un petit geste fait plaisir et vous pourrez contribuer à d'autres interviews réalisés sur des festivals (Cannes, Paris est ludique, Essen...) :
Merci à mes Tipeeeurs de me soutenir : Arnaud Urbon, Bruno Faidutti, Emilie Thomas, Nicolas Soubies ,Virgile De Rais et dorénavant... Pierre Rosenthal!
Pour ceux qui souhaiteraient découvrir les précédents entretiens, mes animations ou suivre ma page facebook :
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Bruno Faidutti 1ère partie
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Franck Dion 1ère partie
Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie
Yoann Laurent
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