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Léonidas Vesperini
2 ème partie

Il y a 15 jours je vous présentai la première partie de mon entretien avec Léonidas Vesperini. 
Dans cette seconde partie, nous évoquons Frédéric Henry, Conan et les critiques autour du jeu, la préparation d'une campagne kickstarter, Croc, ainsi que le rapport entre l'art et le jeu. 

 

 

 

 

7 B) Les malentendus dont je parlais peuvent également se présenter sur les délais donnés.

J'avais lu également, il me semble encore que c’était Frédéric Henry (faut dire qu'il est bavard ^^ ), que les délais n'étaient donnés que de manière à fixer une date et que c'était quelque part naïf de croire que cette date pouvait être respectée.

Mais vous semble t-il quelque part normal qu'un joueur lambda qui découvrirait ce système se doive d'être au courant de ces processus de vente ?
 

Je ne pense pas que Frédéric Henry ait dit ça, en tout cas pas de cette façon. Ce mode de commercialisation est encore jeune et il a pu y avoir des erreurs commises, mais je sais que dans l’immense majorité des cas, il n’y a pas eu de malice ni de cynisme de la part des éditeurs, pas chez ceux que je connais. Ce sont des projets souvent hors normes et certains, moi le premier, ont tout simplement mal estimé la quantité de travail à fournir pour tenir les délais de livraison. Ça ne fait pas d’eux des gens malhonnêtes et ça n’est en plus pas systématique.
 

Lorsqu’un projet est présenté sur une plateforme de financement participatif, le créateur fournit une date d’estimation de livraison de son jeu. Ce n’est pas un engagement ferme et définitif, c’est une estimation et il doit le faire de bonne foi. S’il ne tient pas ses délais de manière récurrente, les conséquences peuvent être désastreuses. Le pire qui puisse lui arriver est de dégrader son image, car c’est ce qu’il a de plus précieux. Kickstarter joue sur la confiance de gens prêts à investir beaucoup d’argent sur un produit qui n’existe pas encore et qu’ils recevront avec un délai qui peut être long. Si cette confiance est abimée, les gens ne reviendront pas aussi nombreux sur les projets suivants et l’éditeur devra faire ses preuves avant de la regagner.

Avec l’expérience acquise, les grands acteurs tiennent de mieux en mieux leurs délais, les retards sont plus rares et plus bénins.

Pour répondre simplement à votre question, si les éditeurs donnaient des dates de livraison en sachant pertinemment qu’ils ne tiendraient pas les délais, ce serait inacceptable. Mais ce n’est pas le cas et il n’est pas juste de dire que les projets qui passent sur Kickstarter ont systématiquement du retard et que c’est un fait accepté.

 

7 C) Conan a subi de nombreuses critiques et Frédéric Henry de nombreuses attaques. Il m'avait expliqué le vivre très mal.

De tels projets, si importants, se doivent-ils d'avoir une image/icône/personnalité derrière eux, ici celle de Frédéric, afin de porter le projet ou est-ce une erreur de sa part d'avoir voulu répondre aux nombreuses attaques qu'il subissait ?

Quelle est votre position personnelle, vous qui semblez, j'ai l’impression, plus effacé, en tout cas sur l'image médiatique ?

 

Il y a plusieurs manières de communiquer, et l’une d’entre elles consiste à avoir un porte-parole, un visage public qui forcément s’expose. Ça peut être très difficile à vivre, on sait que les réseaux sociaux sont parfois terribles et injustes et tout s’emballe si vite ! Mais ce mode de communication a aussi l’avantage d’humaniser le projet, de rendre l’éditeur plus accessible et donc de fidéliser sa communauté. Faut-il répondre aux attaques subies ? Je pense que oui. Communiquer est toujours une bonne chose et on ne peut pas le faire à moitié. Conan a été un succès extraordinaire, il a marqué le début de la mode Kickstarter en France et a sans doute essuyé les plâtres. Mais les choses se sont bien arrangées depuis, pour Conan et les projets qui ont suivi.

Pour ma part, je suis très présent vis-à-vis de nos backers lors des périodes de Kickstarter, notamment lors des Lives sur la plateforme, sur les vidéos de notre chaîne YouTube, de notre page Facebook et des sites spécialisés comme Tric Trac ou Beasts of War, ou encore sur les salons comme Cannes, Paris est Ludique ou la Gen Con. Mais je reste, c’est vrai, très focalisé sur nos produits. Je suis donc moins présent en dehors de la sphère Mythic Games et de nos campagnes de communication. Comme je le disais plus haut, les backers apprécient de pouvoir mettre un visage sur le nom d’une société, d’avoir une personne avec qui échanger. Nous sommes deux à remplir ce rôle chez Mythic Games, puisque mon collègue, l’Irlandais Az Drummond, me relaie lors de nos campagnes Kickstarter.

 

8 A) Pourriez-vous nous expliquer comment s'organise en amont pas à pas une campagne Kiskstarter ?
Cela demande combien de semaines/mois afin d'être opérationnel le jour J ?

C’est un travail de longue haleine, car il faut faire connaître son produit, entretenir l’attente et faire monter la pression jusqu’au jour du lancement, qui est décisif. Les campagnes Kickstarter actuelles sont plus courtes qu’avant, et on peut de moins en moins espérer conquérir de nouveaux backers pendant la période de financement. C’est donc avant que ça se joue. La première chose consiste à avoir finalisé les principaux aspects du jeu, car on ne communique jamais aussi bien que lorsque le jeu est parfaitement défini, dans son univers comme dans ses règles. Cela nécessite beaucoup de temps, des playtests, des concepts, des sculptures... C’est lorsqu’on a déjà un nombre conséquent d’éléments finalisés, plateau, cartes, illustrations, sculptures, qu’on peut passer à la phase de communication : annonce du projet, posts sur les réseaux sociaux, démos sur les salons, les clubs, les bars à jeux via nos ambassadeurs.

 

En fonction de la taille du projet, cela peut se faire entre 3 et 12 mois avant le lancement de la campagne. Plus on se rapproche de la date, plus on donne d’infos, plus on est précis. Quelques jours avant le lancement, c’est souvent là que sont tournées et diffusées les vidéos de parties, en anglais et en français pour ce qui nous concerne, sur les grands sites de jeux comme Tric Trac ou Beasts of War. Il y a aussi la préparation de la page Kickstarter qui nous prend une quinzaine de jours, il faut l’habiller et la présenter de manière à ce qu’elle soit fonctionnelle, précise et concise mais aussi distrayante et esthétique.

 

Pour nous, la phase ultime de cette étape de préparation est la diffusion du trailer vidéo, car nous y consacrons beaucoup de moyens et cherchons à rendre ces vidéos de plus en plus spectaculaires. Le but de toute ces étapes de préparation et de communication est d’attirer l’attention, d’informer, de donner envie et de fédérer une communauté pour que le jour J, un maximum de backers soient là pour assurer un bon démarrage, car il conditionne beaucoup de choses. On peut pratiquement prédire l’ampleur du succès d’un Kickstarter dès la première heure après le lancement.

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                                                                 Léonidas part en campagne kickstarter,



 

8 B) Un réalisateur de films expliquait qu'il s'ennuyait lors des tournages, car tout était préparé minutieusement en amont et que le tournage proprement dit n'était en quelque sorte qu'une procédure.
Est-ce également votre cas ? La campagne se doit-elle d’être absolument cadrée, ennuyeuse, afin d'éviter tout problème ?

Cette comparaison avec les films est amusante, car il y a en effet un certain nombre de points communs entre les deux activités : préparation minutieuse comme vous le dites, grosse équipe à coordonner (nous sommes 27 et à cela s’ajoutent les externes, une bonne vingtaine).

On pourrait presque parler de « scripts » car nous prévoyons dès le départ l’ordre des Stretch Goals (les récompenses offertes aux backers and chaque fois qu’on franchit un cap financier), les mises à jour thématiques, certaines révélations de campagne... Et puis, notre vidéo est en quelque sorte un « mini film ». Mais la principale différence est qu’une campagne est « Live », avec son lot d’imprévus, ses interactions permanentes avec les backers.

 

De ce fait, elle ne peut pas être ennuyeuse ni totalement cadrée. Les spectateurs d’un film ne peuvent pas demander au réalisateur de préciser ses intentions, de changer un acteur, de retourner une scène ou d’en ajouter une. Alors que les backers n’hésitent pas à se faire entendre sur tous les domaines de la campagne. Il y a inévitablement des surprises, bonnes comme mauvaises, des réactions imprévues, des questions ou des demandes inattendues, des plans d’urgence à trouver... C’est très vivant et très prenant !

 

8 C) Certaines campagnes, comme nous le disions précédemment, ont subi de nombreuses critiques (compréhensibles ou non).
Quelle est la qualité première d'un community manager ? Diplomatie ? Yoga 5ème dan ? Langue de bois à la Didier Deschamps ?


Il faut de grandes qualités d’écoute, de patience, de maîtrise de soi et de pédagogie. Les backers aiment qu’on communique avec eux, qu’on leur donne des informations, qu’on leur explique les choix qui ont été faits. Ils apprécient d’être entendus. Ils acceptent les erreurs du moment qu’on est francs avec eux et qu’on cherche une solution. Ils détestent le manque de communication ou la langue de bois. Ils aiment la sincérité.

Avec le temps, de plus en plus de backers sont à même de déceler les problèmes potentiels de certains projets. Mais parfois, ils ont tort et l’expriment de manière véhémente. La principale difficulté pour un porteur de projet est alors de ne pas s’emporter lorsque des remarques injustes sont formulées. La meilleure solution est souvent de répondre calmement, de bien expliquer les choses, et très souvent, ce sont les backers eux-mêmes qui calmeront les plus véhéments.



8 D) Pourriez-vous nous raconter une anecdote marquante, marrante ou émotionnellement parlante, que vous avez vécue face à ces critiques ?

 

Celle qui me vient en tête est « la Bête » pour la campagne Joan of Arc. Nous avions prévu un superbe cadeau à nos backers pour marquer le cap des 666 666 dollars (forcément !) récoltés, une gigantesque figurine de la célèbre Bête de l’Apocalypse. Cette idée nous était venue après le succès d’un stretch goal du même genre, le titan Atlas que nous avions offert à 500 000 dollars lors du Kickstarter de Mythic Battles: Pantheon, pour relancer la campagne qui marquait un peu le pas.

Offrir Atlas n’était pas du tout prévu à l’origine, mais nous avions décidé après les premiers jours de la campagne de faire ce cadeau un peu fou pour motiver nos backers, faire parler de la campagne, et ça avait fonctionné.

 

Pour Joan of Arc, nous avions cette fois prévu dès le départ et secrètement de faire un très beau cadeau, encore plus démesuré car la figurine est encore plus grande qu’Atlas. Nous l’avions fait sculpter par un artiste très renommé, Arnaud Boudoiron, qui avait produit certaines des figurines les plus appréciées de nos backers. Arnaud avait longuement travaillé dessus, c’était la deuxième figurine la plus chère du jeu après le fantastique Dragon, également sculpté par Arnaud. La figurine était monstrueuse et impressionnante, avec ses sept têtes, son corps et ses pattes d’ours, ses ailes... Très fidèle à la description qu’on y trouve dans l’Apocalypse de Saint Jean. J’aimais sincèrement son aspect original et déconcertant, et j’attendais avec impatience qu’elle soit débloquée pour voir les réactions que j’imaginais enthousiastes. Or, ce ne fut pas du tout ce à quoi je m’attendais.

 

Lorsque la Bête fut débloquée, les réactions des gens furent au mieux mitigées et en général négatives. Les gens trouvaient la figurine laide, grotesque, ou étaient globalement indifférents. Au lieu de se réjouir du cadeau incroyable qu’on leur faisait (une figurine de cette taille aurait pu facilement être vendue 40 euros dans le commerce), la plupart des backers se plaignaient.

Toute l’équipe fut déconcertée par cette réaction, et quand une tendance est lancée sur Kickstarter et les réseaux sociaux, il est très difficile de l’enrayer. Ça devenait un « gate », comme on désigne avec humour les mini crises lors des campagnes Kickstarter. Il fallait réagir vite, et plutôt que d’essayer de renverser l’opinion, nous avons décidé de refaire complètement le design de la Bête, et de la faire resculpter en urgence par notre sculpteur maison, Olivier Thill. La nouvelle Bête fut extrêmement bien accueillie, et nous avons même ainsi pu montrer aux backers nos capacités d’écoute et de réaction.

 

Joan of Arc en bénéficia pour le reste de la campagne, avec de plus en plus d’implication des backers et un final en apothéose. Ce fut en définitive une belle leçon, coûteuse mais instructive, même si je ne peux m’empêcher de conserver un petit arrière-goût amer en pensant à cette première figurine de la Bête dont nous n’avons rien fait.

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                                                                 La créature qu'il a fallu refaire. 

9 ) Je dois vous l'avouer Léonidas, vous m'épatez !
Calme à toutes mes questions, je sens votre grand sourire dans vos réponses, d'ailleurs je ne trouve pas une photo sur internet où vous ne souriez pas !
9 A) Avouez-le, vous êtes un alien en mission d'infiltration chez nous terriens !

 

Ha ha ! C’est drôle, on m’a justement souvent surnommé « l’extra-terrestre de la famille » ! Mes parents, mon frère ou ma sœur sont de tempérament méditerranéens, donc plutôt sanguins, bruyants et prompts à s’enflammer. Alors que j’ai toujours été perçu comme calme et pondéré... Une vraie anomalie !

Mais c’est vrai que j’ai apprécié l’exercice que vous m’avez proposé, ce format, cette liberté... C’est de loin l’interview la plus longue et la plus personnelle à laquelle j’aie participé. Une expérience quasi thérapeutique.

 

9 B) Plus sérieusement, d'où tenez-vous ce flegme britannique agrémenté de ce beau sourire méditerranéen ? Y a-t-il quelque chose qui puisse vous faire sortir de vos gonds que ce soit dans le monde du jeu ou dans la vie en générale ? 

J’ai toujours été calme et réfléchi, c’est donc déjà dans ma nature. J’ai également constaté avec le temps qu’une attitude posée et constructive provoquait de biens meilleurs résultats que la colère ou la violence. Je suis donc devenu encore plus calme. Quant au sourire, c’est tout simplement parce que je suis heureux dans ma vie ! J’essaye d’être conscient de chaque bon moment, d’en profiter au maximum, et je réalise aussi que j’ai beaucoup de chance.

Comme tout le monde, ça m’arrive d’exploser mais c’est rare et je m’en veux souvent après car je n’aime pas perdre le contrôle. Je peux réagir très fortement voire violemment quand mes enfants ou mes proches sont en danger ou pire, quand ils sont menacés. Ça n’arrive heureusement pas souvent. Mais c’est dans ce genre de situations que je peux perdre mon self control.

 

Il m’arrive aussi de monter le ton lors de discussions argumentées et passionnées, de faire de grands gestes avec mes mains sans m’en rendre compte ! Comme quoi, le côté méditerranéen existe bien chez moi aussi, malgré mon calme apparent.

 

10) Vous parlez de vos origines méditerranéennes. La Corse.

Pour avoir travaillé sur l'île durant quelques mois, je dois avouer que c'est une région, un pays j'allais même dire, particulièrement magnifique, mais avec une personnalité très forte.

À l'heure où l'Europe tente d'effacer les particularités et de créer une harmonisation chez ses pays membres, la Corse continue de s'ancrer dans ses spécificités parfois difficiles à comprendre de l'extérieur, qui sont l'héritage de plusieurs millénaires d'insularité et qui font sa personnalité propre mais qui peuvent aussi faire naître des idées plus noires parfois.

10 A) En tant qu'expatrié, que retenez-vous de l'île où vous avez vécu adolescent, de ses bons et mauvais côtés ?

J’ai et je garderai toujours un lien particulier avec cette île. J’ai un nom corse, de très nombreux ancêtres, j’y ai vécu mon adolescence et je m’y rends chaque année. C’est une région incroyablement belle, l’un des meilleurs endroits pour se relaxer, oublier le stress, profiter de la nature et du tempérament chaleureux et accueillant des Corses (si, si !).

 

J’aime la beauté et la variété de ses paysages, préservés du bétonnage contrairement à d’autres îles touristiques. Je ne connais pas d’autres lieux où les paysages peuvent changer aussi rapidement lorsqu’on voyage : vous passez de la plage à la montagne en 20 minutes, vous avez pratiquement tous les paysages concentrés dans une toute petite région : mer, plages, lacs, forêts, maquis, rivières, rochers... Je garde de bons souvenirs des amis que je m’y suis faits, drôles, passionnés, sincères et fidèles. J’en ai même retrouvé à Paris, des décennies plus tard. L’aspect qui me plaît moins en Corse est cette impression que la loi n’est pas toujours appliquée, pas de la même façon pour tout le monde dans certains secteurs en tout cas. On est parfois à la limite de l’état de droit.

 

De plus, l’activité économique n’y est pas florissante. La Corse vit beaucoup du tourisme, avec une saisonnalité forte, une grande activité et de nombreux touristes en été. Mais uniquement l’été. Le reste du temps, c’est beaucoup moins frénétique. Je préfère largement les hivers à Paris qu’en Corse.

De ce fait, il est donc difficile de travailler dans certains domaines d’activité, artistiques et ludiques notamment, car il n’y a pas forcément de travail et on reste loin de tout du fait de l’insularité. J’espère que ça va changer. Ce serait bien qu’il y ait des éditeurs corses qui percent dans le milieu du jeu !

 

10 B) Pensez-vous que les Corses arriveront à garder cette force et cette singularité dans les prochaines décennies lorsque l'on voit les «ravages culturels» de la mondialisation ?

Je l’espère ! Cette uniformisation générale des villes et des pays du monde fait qu’on recherche de plus en plus les particularités, les différences. Or, la Corse en possède beaucoup, et je trouve qu’elle sait bien les mettre en valeur. Il y a pas mal de chanteurs corses à succès, la cuisine corse est non seulement saine mais appréciée, la langue corse est préservée... Je suis donc optimiste, les Corses ne veulent pas ressembler à tout le monde, ils sont fiers et je ne doute pas un instant qu’ils garderont leurs racines et leur singularité.

 

 

11) En parlant de personnalité très forte, auriez-vous l'envie de nous dire un mot sur Croc, grande gueule en apparence mais qui peut sembler presque réservé lorsqu'on lui discute en tête à tête avec lui et qui a marqué le paysage du jeu de rôle en France ?

Ah, Croc !

 

Il y a tant de choses à dire sur lui. C’est quelqu’un d’unique et même fascinant quand on le connaît bien. Or, je le connais depuis très longtemps, puisque la première fois que je l’ai rencontré, c’était à une table de RuneQuest, au Fort Faron de Toulon qui réunissait à l’époque des rôlistes de tous horizons. Il devait avoir 17 ou 18 ans (et moi, deux de moins), c’était il y a donc 35 ans ! Nous adorions tous les deux RuneQuest, et j’avais été marqué par sa façon de jouer intense et spectaculaire. Malgré l’extravagance du personnage (il était habillé en cuir et portait un fouet !), il jouait de manière très impliquée et respectueuse du MJ. Le jeu de rôle, déjà à cette époque, c’était sérieux pour lui.

 

Plus tard, en 1988 je crois, nous nous sommes revus lors d’un salon de science-fiction à Paris auquel participait Roger Zelazny, l’auteur des Princes d’Ambre. Et je me souviens que nous avions joué à un jeu qui s’appelait Duelmasters (pas le jeu de cartes sorti chez Wizards of the Coast bien après), et qui était une sorte de jeu de combat de gladiateurs par correspondance. Les gens étaient venus faire leur promo en emmenant leur ordinateur, ce qui nous avait permis d’enchaîner les tours : on programmait ses actions, l’ordinateur calculait et nous décrivait le combat et ses résultats. Ça fait sourire aujourd’hui, mais les ordinateurs de l’époque étaient beaucoup moins sophistiqués et il n’y avait pas internet.

 

Je me souviens aussi que Croc m’avait parlé de son nouveau projet de jeu de rôle, qui l’emballait (à juste titre !)… un certain jeu où s’affrontaient secrètement sur notre Terre des anges et des démons. Déjà à l’époque, Croc était un personnage. Il avait commencé par m’agresser verbalement parce que nous avions selon lui mal parlé de Bitume dans notre fanzine Quest (!), mais ça s’était arrangé, car il était resté ouvert à la discussion. Nous avons finalement sympathisé… en jouant ! J’ai découvert ce jour-là qui il était vraiment.

 

Son personnage provocateur était une sorte de protection à sa grande sensibilité. J’ai continué à le voir et à jouer avec lui pendant des années aux jeux avec figurines, c’est vraiment lui qui m’a fait entrer dans ce milieu de la figurine, moi qui venais plutôt du jeu de rôle. Si je devais le résumer en quelques mots, je dirais que c’est quelqu’un de sensible, passionné et fidèle.

 

Quelqu’un de vrai.

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                                                                                Super fantasy Brawl avec Croc

 

 

 

 

 

12) En parlant de personnes vraies, pourriez-vous nous parler de deux rencontres importantes à vos yeux dans le monde ludique, l'une pour son côté professionnel et l'autre pour son côté humain ? L'un n'enlevant rien à l'autre et vice versa.

Ce n’est pas une question facile car j’ai rencontré vraiment beaucoup de gens qui ont compté dans mon parcours ludique. Mais je vais essayer de le faire le plus honnêtement possible, en citant deux personnes qui ont eu une influence décisive dans mes choix et mes orientations.

La première personne que je vais citer sur le plan professionnel est Greg Stafford, le créateur de Glorantha et fondateur de la société Chaosium. C’est en découvrant, en Angleterre, RuneQuest et son univers extraordinaire Glorantha qu’est née ma passion pour le jeu de rôle, qui plus tard allait m’entraîner vers les autres jeux spécialisés (jeux de cartes et jeux de plateau avec figurines). RuneQuest fut une véritable révélation pour moi, comme l’aurait été peut-être Dungeons & Dragons si j’avais commencé par ce jeu-là. Mais contrairement à D&D en tout cas à l’époque, RuneQuest avait l’avantage de proposer d’emblée un univers extrêmement riche et détaillé, dépaysant et inspirant. Son auteur, Greg Stafford, a commencé à écrire sur Glorantha dès 1966 et a continué pendant plusieurs dizaines d’années.

 

Cet univers reste une référence aujourd’hui, et dès les premières lectures, je me suis demandé qui pouvait bien être ce mystérieux auteur américain. J’ai eu la chance de le rencontrer une première fois à Paris en 1987 ou 1988, à l’occasion d’un salon de jeu organisé à l’Aquaboulevard. Je ne fus pas longtemps intimidé tant l’homme était ouvert, souriant et loquace.

Ma deuxième rencontre intervint en 1990, lors d’une interview pour le premier magazine sur lequel j’ai travaillé, Quest, justement dédié en grande partie à RuneQuest. Mais l’année où j’ai le plus profité de sa présence fut 1995, à la Gen Con, où nous avons dîné, bu, ri et beaucoup discuté. J’ai pu cette année le remercier et lui dire à quel point il avait compté dans ma passion et mes choix professionnels. J’ai revu par la suite Greg Stafford à d’autres Gen Con, les deux dernières étant celle de 2015 et celle de 2018, deux mois avant sa disparition, puisqu’il est malheureusement mort en octobre de l’année dernière. J’ai heureusement pu acheter et me faire dédicacer par lui la dernière édition de RuneQuest.

L’autre personne qui me vient à l’esprit dans l’évolution de ma carrière est celui qui m’a poussé à me reconvertir dans l’édition de jeux, moi qui étais presque enfermé dans le carcan du journalisme et de l’édition de mes revues de jeux : il s’agit de Frédéric Henry.

Si je le cite d’un point de vue humain, alors que sa réussite professionnelle est tout aussi indéniable, c’est parce que le rapport humain compte plus pour lui que les liens professionnels, ça définit vraiment qui il est. J’ai rencontré Fred à la Gen Con de 2009 je crois, alors que son jeu The Adventurers était édité aux USA. C’est lui qui m’avait abordé, car il se souvenait de moi en tant que traducteur du jeu de rôle Shadowrun, alors qu’il n’avait que 15 ans. Très vite, nous avons sympathisé et nous nous sommes rendu compte que nous avions beaucoup de goûts communs. C’est à l’occasion d’un dîner ensemble à la Gen Con que nous avons évoqué l’idée de créer ensemble le jeu de nos rêves, un jeu de plateau digne de ce nom consacré à Conan, que lui et moi adorions. Fred avait un système de jeu, et j’avais un vaste réseau, dans la figurine ou encore pour accéder aux ayant-droits.

 

Le reste de l’histoire, vous la connaissez. Je continuais mes activités de journalisme alors que le projet Conan se montait, j’ai donc eu moins de présence visible que pour les autres projets de jeux de plateau avec figurines auxquels j’ai participé par la suite, qu’il s’agisse de Mythic Battles: Pantheon, co-édité avec la société Monolith fondée par Fred, ou ceux que j’ai édités par la suite avec ma société Mythic Games.

 

Fred est indéniablement un catalyseur, un passionné ultra doué et quelqu’un d’attachant. Il est celui qui m’a montré la nouvelle voie à suivre. Les rapports entre nous n’ont pas toujours été faciles, il y a parfois eu des blessures, des incompréhensions, mais je n’oublierai jamais ces années passionnantes et incroyables de création auprès de lui sur Conan.

Bien que je le trouve extrêmement attachant également, j'ai parfois eu l'impression à tort ou à raison que des personnes gravitaient autour de Fréderic Henry par intérêt, est-ce cela qui peut parfois amener les incompréhensions dont vous parlez ou est-ce simplement la personnalité même de Fred Henry ?

Beaucoup de personnes gravitent autour de Fred Henry car sa compagnie est agréable. C’est quelqu’un d’intelligent, passionné, médiatisé et qui a eu du succès dans beaucoup de projets. C’est une star et cela attire les gens ! Et comme il est ouvert et très accessible, on peut facilement l’atteindre et lui parler.

Y a-t-il un intérêt derrière tout ça ? Je ne sais pas. Certains espèrent peut-être percer grâce à lui, mais ça ne veut pas forcément dire qu’ils sont hypocrites.

Fred est un ultra sensible et je suis persuadé qu’au fil des années, il a appris à gérer sa notoriété et à cerner les gens. Les incompréhensions dont je parlais sont d’ordre personnel, de nos rapports l’un à l’autre. Nous avons été très proches à une époque et je ne l’oublie pas.

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13) J'interrogeais dernièrement Richard Garfield et Gabriel Nassif, respectivement auteur et joueur professionnel de Magic. Vous avez été rédacteur en chef de Lotus Noir. Qu'auriez-vous envie de nous dire sur l'influence de ce jeu, sur vous mais également sur le monde ludique ?

Je connais bien Richard Garfield et plus encore Peter Adkison, fondateur de Wizards of the Coast, qui est un vrai ami que je fréquente toujours. Quant à Gabriel Nassif, je l’ai souvent interviewé dans Lotus Noir ou dans Mana Rouge, et il a même écrit pour nous ! Magic a eu une influence majeure sur le jeu de société en général, et sur moi évidemment aussi. L’ironie du sort, c’est que l’année de son arrivée fracassante, j’étais plutôt réfractaire à ce phénomène qui faisait très mal au type de jeu que je vénérais : le jeu de rôle.

 

Car Magic fut un incroyable raz-de-marée, à tel point que les boutiques ne commandaient plus que ça, délaissant progressivement les jeux de rôle. C’est d’ailleurs juste après Magic que le jeu de rôle a connu sa pire décennie (heureusement, c’est revenu depuis). Mais ce jeu a aussi eu l’avantage d’attirer un nouveau public plus large que celui des jeux de rôle, et de créer un nouveau genre, celui des jeux de cartes à collectionner (JCC) qui ont changé à jamais le rapport des gens aux jeux. Magic est aujourd’hui immortel, non seulement sous sa forme “papier”, mais de plus en plus aussi sous sa forme virtuelle. On peut ainsi jouer en ligne à Magic et acheter des boosters virtuels au même prix que les cartes physiques, c’est dingue ! Mon fils a découvert Magic sur iPad avant de s’intéresser à la version physique, ce qui montre l’évolution du phénomène.

Après Magic, beaucoup d’éditeurs ont essayé de créer leur propre JCC, mais à part Pokémon et Yu-Gi-Oh!, aucun n’a réussi à devenir un classique sur le long terme.

Je pense que le genre n’est pas devenu aussi répandu et lucratif qu’on n’aurait pu l’imaginer principalement à cause du coût énorme que nécessite la production régulière et à grande échelle de nouvelles cartes et extensions, de la logistique exigeante du jeu organisé, et à cause du coût aussi pour les acheteurs qui doivent dépenser énormément pour rester compétitifs. Ils ont donc fait leur choix parmi les trois “big ones” que j’ai cités. Mais l’influence des JCC, elle, s’est révélée décisive dans le monde ludique. Des types de jeux inspirés des JCC mais moins coûteux se sont imposés, les jeux de cartes évolutifs (JCE) ou de Deck Building par exemple.

De plus, on trouve des cartes et des effets “à la Magic” (instantanés, combos, ressources, couleurs) dans une multitude de jeux de plateau aujourd’hui. J’aime souvent dire qu’on vit dans un âge d’or du jeu, avec de plus en plus de jeux incroyables qui combinent le meilleur de ce que chaque genre a apporté : les combos et la variété d’effets des jeux de cartes à collectionner, la profondeur et la narration des jeux de rôle, et les mécaniques huilées et équilibrée des jeux de plateau à l’allemande. J’ajouterais même le matériel et la beauté des jeux de figurines.

L’influence que Magic a eu sur moi est évidente. Comme j’en parlais dans une question précédente, je suis devenu rédacteur en chef d’un magazine professionnel grâce à Magic, puisqu’il s’agissait de Lotus Noir qui y consacrait la majorité de ses pages. Et Magic m’a surtout donné le goût de ce type de jeu. J’affectionne particulièrement désormais les systèmes de jeu à base de cartes, ou qui mélangent cartes et dés. Ça se voit d’ailleurs dans les jeux que nous éditons. :)

 

 

14) Pourriez-vous nous parler d'une œuvre (littérature, musique, peinture, ludique...) ou d'un auteur que vous souhaiteriez faire découvrir ou redécouvrir aux lecteurs ?

Il y en aurait beaucoup à citer, mais je crois que si je dois n’en choisir qu’une seule, ce sera une œuvre moins connue que les références classiques habituelles des geeks, que j’ai presque toutes dévorées moi aussi mais à une époque où ce n’était pas encore à la mode (les comics Marvel, les nouvelles de Lovecraft, Elric le Nécromancien, le Seigneur des Anneaux, les livres de Jack Vance ou Van Vogt, etc.). Celle que je vais citer est une œuvre littéraire qui a eu beaucoup d’influence sur moi, il s’agit de Thoan - la saga des Hommes-Dieux, par Phillip José Farmer. Il se trouve en plus qu’une intégrale vient justement d’être publiée aux éditions Mnémos, compilant en un seul volume et pour la première fois en France les sept romans de la saga, c’est donc l’occasion de la découvrir si on ne la connaît pas.

 

J’ai lu le premier tome, les faiseurs d’univers, à l’âge de 18 ans, à une époque où je jouais énormément aux jeux de rôle et dévorais quotidiennement des livres de SF ou de Fantasy, dont ceux cités ci-dessus. Et cela a été un coup de foudre. Le dépaysement, le sens de l’action et de l’aventure, de l’héroïsme, l’originalité... tout cela m’a marqué instantanément à la lecture de ce roman, puis de tous les autres de la série.

Cette saga raconte l’histoire d’un peuple d’apparence humaine appelé “Thoans” ou “Seigneurs”, dotés d’une technologie extraordinaire capable de les rendre immortels (par l’âge) et leur permettant de créer des univers de poche, selon leur fantaisie, leurs idées excentriques, ou par pur délire scientifique. On passe d’un univers à l’autre en empruntant des “portes”, sortes de passages spatio-dimensionnels qui vous transportent instantanément d’un endroit à l’autre (et tout ça date des années 60-70, bien avant Stargate !).

 

Avec l’immortalité et le temps, les Seigneurs ont perdu la connaissance exacte de leur technologie, se contentant uniquement de l’utiliser. Leurs tares, défauts et travers se sont exprimés avec de plus en plus de violence, ils sont devenus hautains, décadents, paranoïaques et destructeurs, se livrant entre eux une guerre sans merci qui les mènent progressivement vers leur extinction.

 

Les peuples de ces univers créés (dont la Terre !) ne sont généralement pas conscients de l’existence des Thoans, ni-même de l’artificialité du monde dans lequel ils vivent, et c’est à travers les yeux de deux Terriens, Robert Wolff et Kickaha, qu’on va découvrir les secrets de cette guerre impitoyable et millénaire des Thoans, et de leur origine. Cette série, à mi-chemin entre la SF et la Fantasy, m’a fasciné, au point qu’à l’époque, mon frère, mon cousin, mes amis proches et moi, avons voulu créer un jeu de rôle basé sur cette saga. Et nous y sommes arrivés, environ 10 ans plus tard, puisque le jeu sera publié en 1995 par Jeux Descartes.

 

Pour y parvenir, il a fallu en premier lieu négocier les droits de la série, ce que j’ai pu faire en rendant visite au cabinet d’un certain Ralph Vicinanza, à New York. Je faisais mes études à Boston, aux États-Unis, et je garderai toujours en tête cette visite, en haut d’un gratte-ciel de Manhattan, chez le plus grand agent littéraire du monde, agent entre autres de Stephen King ou plus récemment de George R.R. Martin pour Game of Thrones. Il a d’ailleurs été cité dans le générique de la série télé à sa mort, en 2010, puisqu’il était devenu producteur de cinéma en plus de ses activités d’agent littéraire. J’étais extrêmement intimidé en entrant dans son bureau, mais cet homme sympathique et professionnel m’a écouté, a regardé les textes, les illustrations, et le projet d’une manière générale, et m’a donné son feu vert, simplement sur un “bon feeling”. Ce fut un moment magique !

 

Le deuxième moment magique et marquant fut la visite chez Philip José Farmer lui-même, mon auteur fétiche, qui nous a accueillis mon frère et moi chez lui, en 1994 dans son immense maison à Peoria. Les discussions furent passionnantes car l’homme était drôle et charismatique. La Saga des Hommes-Dieux est son œuvre la plus connue avec le Monde du Fleuve, une autre série que je recommande vivement aussi.

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15) Avant de terminer cet entretien, j'aimerais parler d'un sujet important.

Il y a quelques temps, Julian Assange, fondateur de Wikileaks, a été arrêté à l'ambassade de l'équateur par la police britannique avec l'autorisation du diplomate équatorien.

La veille, Lenin Moreno, le président équatorien, déclarait recevoir 10 milliards du FMI.

Wikileaks a révélé différentes informations au fil des années, de la diplomatie américaine aux mails d'Hillary Clinton en passant par l'espionnage des présidents français par la NSA ou des mails de l'équipe d'Emmanuel Macron afin de compenser l’allègement des cotisations patronales par la taxe carbone.

Le jeu de société nous parle de mondes fantastiques, de trolls, de nains, de fées.

Devrait-il à votre sens, comme d'autres arts le font, nous parler de notre vie actuelle, et de ce que nous vivons actuellement, en dénonçant des dérives totalitaires actuelles par exemple ?

 

Certains artistes ou personnages publics veulent mettre leur notoriété au service de grandes causes. C’est tout à fait louable et souvent utile. Mais il faut le faire efficacement, c’est-à-dire dans le bon contexte.

 

Les jeux de société sont avant tout un loisir pour les gens, et c’est cela qu’ils recherchent en premier lieu. Ils le pratiquent pour s’évader, se changer les idées, couper avec le quotidien parfois sombre ou oppressant. Ils veulent rêver, passer un bon moment avec leurs amis, vivre des émotions fortes. Je suis absolument persuadé que le jeu de société contribue à rendre les gens heureux, qu’il véhicule des valeurs d’ouverture, de sociabilité, d’intégration et de partage. Il favorise la créativité et rapproche les gens.

 

Le jeu peut aborder ces sujets graves de manière intelligente, comme l’ont fait tant d’auteurs de science-fiction, en créant par exemple des univers fictifs, horribles ou dystopiques, qui dénoncent les pires travers de l’humanité : totalitarisme, racisme, manipulation des masses, pollution ou contamination de la planète, etc. C’est à mon avis davantage par la caricature que par le prêche qu’on peut faire passer un message efficace. La dimension “loisir” ne doit jamais être oubliée sous peine de passer à côté de son sujet.

 

Je pense que traiter le monde exactement tel qu’il est n’est pas ce que recherchent les joueurs. Il faut du « fun », de l’évasion, ce qui n’empêche pas les créateurs de jeu de clairement exprimer dans leurs œuvres les bonnes valeurs, les références. Il y a beaucoup de moyens de le faire, dans le thème du jeu, dans la représentation et la diversité des héros qu’on propose, dans la couverture ou les illustrations choisies.

En tant qu’éditeur, nous devons forcément nous poser des questions, éviter d’offenser les gens, véhiculer des valeurs positives et, quand c’est adéquat, dénoncer ce qui doit l’être.

 

Pourquoi d'ailleurs y a-t-il selon vous dans notre imagerie collective cette idée du jeu comme simple divertissement alors qu'il pourrait, selon certains, être plus que cela ? 

Le jeu a longtemps été considéré dans l’opinion comme une activité légère pour ne pas dire enfantine, et ce particulièrement en France. Bien sûr, des jeux « sérieux » comme les échecs ou le tarot sont un peu plus respectés, mais on n’a jamais érigé le jeu au rang d’activité culturelle majeure.

 

Pourquoi cette image ? Peut-être parce que nous sommes dans une société très classique, où seuls les sciences, la philosophie et les arts sont vraiment reconnus et respectés.

 

Or, le jeu n’est rien de tout cela. Mais le paradoxe est que le jeu est une résultante des sciences, des arts et même de la philosophie. Un bon jeu a souvent besoin d’une bonne mécanique, et les mathématiques, les statistiques ou la géométrie vont alors servir. Un bon jeu a besoin de beaux visuels, parfois d’un univers immersif et bien décrit, et dans ce cas, le dessin, la peinture ou l’écriture sont indispensables. Le jeu peut aborder toutes sortes de thèmes qui fascinent l’homme depuis toujours, comme nous l’enseigne la philosophie.

 

Le jeu peut-il gagner ses lettres de noblesse ? C’est possible. On voit bien, déjà, que la place que lui accordent les médias ne cesse de grandir, de plus en plus d’émissions télé en parlent. Je l’ai encore plus réalisé récemment, en octobre dernier : le lendemain de la mort de Greg Stafford (le fondateur de Chaosium, co-auteur de RuneQuest et créateur du monde de Glorantha), le journal Le Monde lui consacrait un bel article pour lui rendre hommage. Cela ne serait jamais arrivé dix ans avant.

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16) En parlant nécrologie, le jour où vous devrez quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiteriez-vous que l’on retienne de vous en tant que professionnel mais également en tant qu'être humain? 

C’est la première fois qu’on me pose cette question ou que je me la pose moi-même. L’âge est là ! Lol ! En tant que professionnel, je crois que j’aimerais qu’on se souvienne de moi comme quelqu’un de passionné, investi et sincère. D’un point de vue humain, comme quelqu’un de bienveillant.

 

17) Leonidas, c'est malheureusement la fin de cet entretien, en prenant en compte votre vie professionnelle mais également personnelle, êtes-vous heureux ?
 

Toutes les bonnes choses ont une fin et je dois vous avouer que j’ai pris beaucoup de plaisir à cet exercice. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion d’y prendre part.

La réponse à votre question est oui, sans le moindre doute ! Je suis heureux et comblé, aussi bien sur le plan professionnel que sur le plan personnel. J’ai une famille merveilleuse, des amis nombreux, je vis de ma passion, je profite de chaque moment et des surprises de la vie. J’ai des projets, des attentes, et j’arrive mieux qu’avant à relativiser les contrariétés.

 

Que pourrais-je vouloir de plus ?

Je vous remercie pour votre disponibilité Léonidas. 

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Saison 1

Yves Hirschfeld
Benoit Forget
Bruno Faidutti 1ère partie
Bruno Faidutti 2ème partie
Naiade
François Haffner 1ère partie
François Haffner 2ème partie
Pierô Lalune
Timothée Leroy
Mathilde Spriet
Sébastien Pauchon
Tom Vuarchex
Vincent Dutrait 1ère partie
Vincent Dutrait 2ème partie
Christophe Boelinger 1 ère partie 
Christophe Boelinger 2ème partie
Régis Bonnessée
Roberto Fraga 1ère partie
Roberto Fraga 2 ème partie
Cyril Demaedg
Bruno Cathala 1 ère partie
Cyril Blondel
Bruno Cathala 2ème partie
Yahndrev 1ère partie
Yahndrev 2ème partie
Emilie Thomas
Sebastien Dujardin
Florian Corroyer
Alexandre Droit
Docteur Mops 1ère partie
Docteur Mops 2ème partie
Arnaud Urbon
Croc
Martin Vidberg
Florent Toscano
Guillaume Chifoumi
Nicolas Soubies
Juan Rodriguez 1ère partie
Juan Rodriguez 2ème partie
Bony
Yannick Robert
Docteur Philippe Proux
Franck Dion 1ère partie
Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie
Yoann Laurent
Carine Hinder et Jerôme Pélissier
Dominique Ehrhard
Christian Martinez
Maxime Savariaud
Véronique Claude
Shadi Torbey
  

Saison 2 
 

Fabien Bleuze
Serge Laget
Djib 1ère partie
Djib 2me partie
Florian Sirieix
Farid Ben Salem 1 ère partie
Farid Ben Salem 2ème partie
Julien Lamouche
Jean-Louis Roubira 1ère partie
Jean-Louis Roubira 2ème partie
Philippe des Pallières 1ère partie
Philippe des Pallières 2ème partie
Julian Malgat Tome 1
Philippe Tapimoket 1ère partie
Philippe Tapimoket 2ème partie
Théo Rivière
Reixou
Nicolas Bourgoin
Natacha Deshayes
Gary Kim 
Emmanuel Beltrando
Tony Rochon

Thierry Saeys
Lia Sabine
Igor Polouchine 1ère partie
Igor Polouchine 2ème partie
Bernard Tavitian
Marcus 1ère partie
Marcus 2ème partie
Gaetan Beaujannot
Jean-Michel Urien
Michel Lalet 1ère partie
Michel Lalet 2 ème partie
Michel Lalet 3ème partie
Christophe Raimbault
Gaelle Larvor / Nam-Gwang Kim
Stefan Feld


Saison 3

Catherine Watine
Jean-François Feith
Nadine Seul 1ère partie
Nadine Seul 2 ème partie
Guillaume Lemery 1 ère partie
Guillaume Lemery 2 è me partie
Jérémie Fleury Tome 1
Aurore Matthey
Richard Garfield
Rémi Amy
Eric Jumel

Hadi Barkat
Roméo Hennion
Clément Leclercq
Blaise Muller
Claude Leroy 1ère partie
Claude Leroy 2 ème partie
Marie Cardouat 1ère partie
Marie Cardouat 2ème partie
Gabriel Nassif 1 ère partie
Gabriel Nassif 2 ème partie
Grégoire Sivan

Saison 4

Julien Sentis
Bertrand Arpino 1 ère partie
Bertrand Arpino 2 ème partie
Olivier Ruel 1 ère partie
Olivier Ruel 2 ème partie

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