Organisateur
d'événements ludiques
Jeux Viens à Vous Bertrand Arpino
1 ère partie
Quand je pense à Bertrand, je vois un mec, gentil, courageux avec une grosse barbe.
Il l'a certes depuis rasé mais Bertrand continue de voguer de festival en festival afin de présenter chacune de ses nouveautés édité grâce à Bankiiiz éditions.
Le succès de Bubblee pop, son second jeu, promettait une belle aventure à sa maison d'édition mais depuis tout n'a pas été si simple.
Les ventes moyennes de Banquet Royal, la fatigue accumulée par le travail d'éditeur la semaine et des festivals le week-end ont parfois démotivé Bertrand qui a su pourtant persister de manière courageuse et s'adapter à la conjoncture.
Voici donc la première partie de l'entretien d'un homme qui nous parle sincèrement de son travail, de ses choix d'éditions, de ses doutes, de sa fatigue mais également de ses choix éthiques.
1) Bertrand, bonjour aurais-tu la gentillesse de te présenter?
Je m'appelle Bertrand Arpino j'ai 37 ans, je suis marié, j'ai 2 enfants de 11 et 7 ans.
J'habite à la campagne proche de Lyon et je suis actuellement gérant de la société Bankiiiz Editions. Avant d'être dans milieu du jeux de société, j'ai été gérant d'une société de prestations et de vente dans l'informatique pendant 11 ans.
Et avant ça j'ai été vendeur multimédia / informatique en grande distribution pendant 2-3 ans, avec une période de double activité pour le lancement de ma société d'informatique.
Et avant ça j'étais remplaçant professeur d'EPS en collège. Mais je pense que ce métier de professeur doit être une vocation avant tout et ce n'était pas la mienne.
On ne va pas remonter plus loin niveau travail, mais peut être faut il remonter plus loin côté ludique ?
Mais si je commence à poser des questions, ça va devenir compliqué comme interview :)
C'est moi qui pose les questions ici Mr Arpino ! ;-)
"C'est moche à dire, mais c'est la réalité, je propose un produit."
2) Justement que signifie le jeu pour toi, le fait de jouer mais également de faire jouer ?
Hé mais elle est super difficile cette question ?! :)
Que signifie le jeu pour moi : Bizarrement, mes premières associations seraient le jeu c'est apprendre et c'est s'évader. C'est assez contradictoire avec l'étiquette actuelle de divertissement et de lien social, mais pour moi le jeu est avant tout un moyen d'apprentissage.
Je pense que le jeu nous aide à apprendre à appréhender le monde qui nous entoure, mais dans un même temps, nous permet de nous en échapper.
Note de moi même : Je supprime environ 5 lignes de discussions philosophiques sur le jeu et j'applique une autocensure, salvatrice pour les lecteurs.
Que signifie le fait de jouer pour moi : Je vais différencier deux points ici, les jeux vidéos et les jeux de sociétés.
J'adore jouer aux jeux vidéos, j'y consacre une grande partie de mon temps libre, j'en suis un gros consommateur. J'adore vivre et expérimenter des gameplays différents, j'aime m'immerger dans des environnements immenses et cohérents, me perdre dans des quêtes, des micros tâches, des sauts précis, des histoires passionnantes, des combos de cartes, j'adore m'évader par ce biais. Ils remplissent pour moi complètement cette fonction d'évasion ou d'échappatoire et garde le côté actif que je ne retrouve pas dans les séries ou film.
Pour les jeux de sociétés, vu que j'ai depuis 5 ans une vision professionnelle de l'objet, j'ai du mal à m'échapper autant, mais j'apprends énormément :).
Je garde un côté très analytique, même si j'arrive à faire preuve de recul quand au plaisir de jeu et du ressenti. J'intègre également une notion de partage dans cette fonction d'apprentissage du jeu, un partage social, un moyen de se connaître chacun, de se découvrir par le jeu.
Donc pour moi jouer, c'est s'évader, apprendre et se découvrir.
Que signifie le fait de faire jouer pour moi : M'exposer à la critique ? :)
Je m'auto censure directement sur la question du jeu de société forme d'art et je tente une approche plus pragmatique. Et comme j'aime bien, je vais différencier deux choses, faire jouer et vendre des jeux.
En tant qu'éditeur, je propose un produit, qui est un jeu. C'est moche à dire, mais c'est la réalité, je propose un produit. Je vends des jeux. Cela reste une entreprise, à base d'offre de demande et d'argent.
En tant que personne, faire jouer, c'est proposer quelque chose. Et proposer quelque chose c'est s'exposer à la critique, qu’elle soit positive ou négative. C'est prendre du temps à des gens et le modeler en expérience, positive ou négative. C'est donc prendre une responsabilité qui me tient à cœur et pour laquelle je suis très exigeant.
Cette notion de responsabilité et d'exigence rejoint le point de l'offre, car comme l'offre explose, il faut être exigeant pour survivre.
Faire jouer, c'est donc pour moi avant tout mon métier, mais également une grande responsabilité (certaines diront un grand pouvoir ;)).
Bertrand à Essen
"Je pensais que faire un jeu par an, bien édité, longtemps réfléchi et bien travaillé pourrait me faire vivre"
3) Nous avions évoqué à Lyon il y a un an et demi le côté financier justement et une certaine fatigue de ta part à travailler la semaine et à réaliser des festivals le week-end.
Où en es-tu justement aujourd'hui maintenant que tu as trois jeux développés ? As-tu une plus grande trésorerie ? Une stabilité financière plus importante? Toujours autant de fatigue ?
J'aimerais sincèrement pouvoir te dire que désormais tout roule et que je respire, mais ce n'est pas le cas.
Banquet Royal, ne s'est pas bien vendu et il me faut faire preuve d'abnégation et trouver des solutions.
Pour un petit éditeur comme moi, un échec peut être fatal. Sur les 4000 boîtes produites, seulement 1000 ont été vendues à l'heure actuelle. On pourrait dire qu'une production de 4000 est sûrement trop importante et c'est vrai, mais c'est le seul moyen que j'avais trouvé pour garder une production européenne. On pourrait alors se demander pourquoi garder une production Européenne et c'est exactement ce que j'ai fait, car mes prochaines productions seront un mixte entre Chine et Europe.
Étudier les raisons d'un échec n'est jamais facile, surtout dans le processus de communication et de lancement d'un jeu, où il y a toujours un facteur chance.
Je ne pense pas qu'il n'y ait qu'une seule raison, c'est un ensemble de choses qui ont mené à cet échec, mais si je devais ressortir quelque chose, cela serait quelle place pour ce jeu dans le marché saturé actuel ? Qu'est ce qui le fait sortir du lot, qu'est ce qui fait que la boutique va commander et conseiller ce jeu-là plutôt qu'un autre ?
Malheureusement pas assez de choses.
Mais cet échec, m'a surtout fait revoir ma façon de penser l'édition.
Au lancement de Bankiiiz je pensais que faire un jeu par an, bien édité, longtemps réfléchi et bien travaillé pourrait me faire vivre et permettrait de construire une image sur le long terme.
Mais cette stratégie ne marche que pour un éditeur déjà implanté, qui peut s'appuyer sur
des titres forts qui le font vivre et qui peut absorber un échec ou deux.
C'est également une démarche qui s'inscrit dans un tempo qui me semble en complète contradiction avec le visage de notre économie ludique.
De mon côté Bubblee Pop qui est mon plus gros succès ne me permet ni de vivre ni d'assurer la stabilité financière de la société.
Bubblee Pop c'est environ 2000 boîtes par an, avec des pourcentages pour l'auteur et pour mon ancien associé qui sont élevés et donc peu de marge au final pour moi.
Pour exister dans la paysage ludique actuel, il faut faire de la communication, faire des festivals (tu vois comme je me prépare habillement ma transition), être présent et être sur le devant de la scène.
Il faut donc produire des jeux régulièrement, il faut qu'on parle de Bankiiiz, qu'on nous voit, qu'on s'intéresse à nous et qu'on soit présent.
Pour cela j'ai fait énormément de festivals.
Pour rencontrer les gens, me présenter, présenter mes jeux, voir la réalité du terrain des festivals, rencontrer les cercles de joueurs des différentes villes.
C'est un travail de fourmi, intéressant et enrichissant mais fatiguant.
Comme tu l'as évoqué dans ta question, je travaille la semaine à mon travail d'éditeur, mais j’enchaînais les weekend d'animation, pour faire des semaines à 7 jours.
Après un rapide calcul, l'année dernière je me suis rendu compte que j'étais plus souvent en festival le weekend, qu'à la maison.
Cette situation n'était plus tenable pour moi et même pour ma famille qui, pourtant me soutient.
J'ai donc décidé de lever le pied et d'aller moins en personne sur le festival.
Mais pour garder une bonne visibilité, il faut embaucher des gens pour faire l'animation et cela coûte de l'argent. Et quand les jeux produits ne rapportent pas assez d'argent, c'est le début du cercle vicieux.
2018 a été difficile pour moi, il a fallu me remettre en question (un peu trop sûrement), trouver des alternatives et continuer à développer mes projets avec cette pression du résultat et de la trésorerie.
Mais encore une fois, c'est le quotidien de plein de TPE, PME, ce n'est pas parce qu'on est éditeur qu'on échappe à la règle des petites sociétés.
A l'heure où j'écris ces lignes, je suis quand même moins fatigué, car je sors d'une grosse période de crunch (terme que j'utilise comme pour les développement de jeux vidéo), que j'ai pu prendre des vacances pour noël et que les projets de 2019 reçoivent un excellent accueil. Il y a donc du mieux et c'est important de le souligner.
Bertrand en compagnie de Clément "Catch up" à Ludinam
4 A) En parlant avec plusieurs petits éditeurs, j'ai ressenti ce cercle vicieux chez plusieurs : avoir trop investi pour arrêter mais en même temps en sachant qu'il sera très difficile de faire mieux.
T'es-tu fixé une limite financière ou de temps pour continuer ainsi ?
Ce n'est pas spécifique à notre métier d'éditeur, c'est une constante dans beaucoup de TPE, PME.
Que l'investissement soit en temps, en énergie ou tout simplement en argent, il est souvent difficile d'arrêter et d'avouer son échec.
Dans notre milieu, on court après cette fameuse locomotive, ce jeu qui pourrait nous permettre d'être plus serein et de continuer notre activité pendant quelques années en s'inquiétant moins des résultats.
Je ne sais pas si ça m'arrivera et je pense qu'on peut continuer à vivre sans, en maîtrisant bien ses tirages et ses coûts de production ainsi que tout le processus de communication.
Pour ma part j'ai déjà beaucoup investi dans la société et j'espère que 2019 sera une année fructueuse pour Bankiiiz, sinon il faudra en effet repenser complètement le modèle économique.
4 B) Dans le cas où tu finirais par ralentir voire malheureusement devoir stopper Bankiiz éditions, as-tu déjà réfléchi à la suite ? Souhaites-tu trouver une place chez un professionnel par exemple ?
C'est en partie pour cela que j'ai accepté le poste de responsable France pour Lifestyle. Pour jouer un coup en avance et avoir une soupape de sécurité.
En 2018, Blackrock m'a mis en relation avec Lifestyle qui cherchait à augmenter sa présence et sa visibilité en France. J'avais déjà raté quelques opportunités dans le milieu pour me focaliser sur le développement de Bankiiiz et je m'en étais mordu les doigts quelques temps après.
J'ai donc décidé de m'engager avec Lifestyle pour un contrat de représentation France.
Concrètement, je dois m'occuper de la marque Lifestyle en France, promouvoir les jeux, trouver des outils de communication et de promotion, mais également gérer les localisations des différents jeux avec différents distributeurs. Tout est à construire, c'est très intéressant, mais, j'essaie au maximum que ce travail n'empiète pas sur mon activité pour Bankiiiz.
D'un autre côté cela fait plus de 15 ans que je suis à mon compte et plus je vieillis et plus je me dis qu'un travail en salarié ne serait pas plus mal :).
C'est un débat très politique et je ne suis pas sûr que ça soit l'endroit, mais si je devais stopper Bankiiiz, je pense que je prendrais le temps de la réflexion pour garder une activité non salariée.
Retours sur Banquet Royal
"Je connais bon nombre de salariés qui rêvent de créer une entreprise, pensant qu'il
seront libres et moins stressés par la hiérarchie"
5) Tu m'arrêteras si tu ne souhaites pas en parler mais parle nous de cette dichotomie dans le fait de penser qu'un travail salarié ne serait pas plus mal et à la fois souhaiter garder une activité non salariée.
Est-ce une volonté quasi philosophique ou morale pour toi d'être indépendant ?
Que n'aimes-tu pas dans le salariat ? Les chaînes ?
J'ai l'impression que c'est un point important pour toi dans le fait de continuer Bankiiiz
plutôt que ne pas être salarié d'un grand éditeur et t'assurer quelque part un confort.
C'est toi qui oriente l'interview, moi j'essaie juste de répondre :)
Tout d'abord il n'y a rien de fixe, si demain j'ai une proposition intéressante de salariat, je l'envisagerai comme toute autre opportunité.
D'ailleurs le contrat Lifestyle, même s'il reste un contrat société à société est basé sur des règlements mensuels, on peut donc dire que je me rapproche de ce modèle :).
Je n'ai aucune volonté philosophique ou morale d'être indépendant, je gère les opportunités que je me crée ou que je trouve, il se trouve que je cumule 15 ans d'entrepreneuriat mais plus par habitude et continuité que par croyance.
L'entrepreneuriat a ses avantages comme ses inconvénients, comme toutes choses dans la vie, souvent les gens ont tendance à fantasmer ce qu'ils n'ont pas ou ne connaissent pas.
Je connais bon nombre de salariés qui rêvent de créer une entreprise, pensant qu'il seront libres et moins stressés par la hiérarchie, mais le stress est toujours présent et souvent bien plus fort quand tout repose sur soi et sans aucune assurance derrière.
Ce qui est difficile avec mon statut de petit éditeur (au sens où ma société n'est pas pérenne et a moins de 5 ans), c'est ce sentiment d'insécurité quand aux résultats des jeux et à la faculté à sortir le minimum vitale pour subvenir aux besoins de ma famille.
Si on enchaîne les mauvaises décisions, derrière il faut en assumer les conséquences.
Fermer une société est devenu plus facile qu'avant en terme administratif, mais ce n'est pas pour ça qu'on peut s'en sortir facilement ou même avoir droit au chômage (ça avait été discuté un moment et puis plus de nouvelles).
Dans le milieu, j'ai croisé énormément de gens qui, pendant 1 an de chômage, tentaient l'aventure ludique, retravaillaient, reprenaient du chômage et essayaient tant bien que mal de tirer leur épingle du jeu.
Attention, je ne dis pas que c'est facile, loin de là, je fais juste la distinction entre salarié / indépendant.
Lorsque j'ai vendu ma première société, j'avais cotisé pendant 11 ans, été largement ponctionné par les charges et à la sortie, je n'ai eu droit à rien, pas de chômage, pas d'aide, rien.
Même pas d'aide pour création de société car j'avais déjà une société quand j'ai créé Bankiiiz.
Outre cette partie création, prenons un exemple : si demain il m'arrive un accident, les minimums que je cotise pour ma société ne me permettront pas de vivre et ma société ne pourra tourner et ce malgré ma mutuelle.
Après Bankiiiz reste une société mono personnelle, donc sans moi, bah c'est compliqué :), c'est à mettre en perspective avec des entreprises avec plusieurs salariés (mais du coup avec d'autres types de contraintes et de stress).
Toutes ces contraintes me font penser que le salariat serait plus sécuritaire, mais me ferait repenser mon modèle de vie (travail à la maison, organisation libre de mon planning, présence pour amener mes enfants à l'école). Ce n'est pas quelque chose que je rejette au contraire, encore une fois, je fais du mieux que je peux avec les outils et les projets qui
sont en ma possession.
Et je ne suis pas non plus expert en création, gestion d'entreprise ou expert comptable, tout ce que je raconte n'est que mon point de vue personnel :)
6) J'aimerais maintenant que tu m'expliques comment tu sélectionnes les jeux que tu édites ou en tout cas pour lesquels tu te poses la question.
Difficilement.
Au sens où je suis très exigeant. De toute façon, en tant qu'éditeur, on n’a pas trop d'autre choix que cette exigence.
Le marché est déjà tellement saturé que si le jeu n'a pas les outils nécessaires pour se démarquer, c'est l'échec assuré.
Après ces outils peuvent être une direction artistique originale, du matériel formidable, pas forcément une mécanique qui révolutionne tout.
On a vu certains jeux extrêmement solide mécaniquement qui arrivaient à tirer leur épingle du jeu, mais encore une fois, il faut bien les accompagner.
Donc pour revenir à la question, la sélection est difficile au sens où il faut vraiment trouver un point d'accroche au jeu, une évidence ou une intuitivité qui font qu'on sent que le jeu va se démarquer.
Je suis donc très dur avec les jeux en général et cela tout au long du processus éditorial, je remets beaucoup de choses en question et tant que chaque point n'a pas été revu et défendu je ne suis pas satisfait.
Travail sur la luminosité de carte pour Yokai
6 A) J'imagine que tu es noyé de proposition comme tous les éditeurs, comment fais-tu pour trier rapidement ? Tu testes tout toi-même ou tu fonctionnes par le bouche à oreille d'amis t'indiquant des « pépites » ?
A mon échelle c'est en moyenne 3-5 jeux par semaines qui sont envoyés en proposition par mail.
Le tri se fait relativement rapidement car le niveau des prototypes envoyés est souvent bas, au sens où, en tant que petit éditeur, je n'ai que peu de proposition mail d'auteurs reconnus.
Les auteurs qui sont déjà édités ou dans le milieu, me proposent un rendez vous sur les festivals ou me contactent par connaissance, rarement directement sur le mail contact de Bankiiiz.
Le premier filtre c'est donc celui de l'auteur, si il a déjà des jeux édités, je vais donner plus d'attention à son projet et je vais m'attendre à ce qu'il connaisse tout le processus et soit sérieux dans son suivi.
Le deuxième filtre est celui de la règle, est ce que c'est une vidéo, un pdf et comment l'ensemble est mis en page ou agencé.
Les propositions bien construites et claires sont rares et je remonte souvent l'information aux auteurs quand c'est le cas.
Donc avant de tester, il faut déjà voir si ça vaut le coup de prendre du temps pour tester et souvent c'est malheureusement non.
Si je prends un jeu en test, c'est déjà qu'il a passé de nombreux critères de mes niveaux d’exigence.
Ensuite, en effet la recommandation par le bouche à oreille enlève pas mal de filtre, surtout quand elle vient d'autres éditeurs.
La recherche et le tri de ces propositions est quelque chose de très chronophage, pour
peu de résultat. J'essaie tant que possible de toujours lire et de répondre aux demandes,
mais ce n'est pas du tout une priorité dans ma liste de tâches.
"Dans le marché actuel saturé chaque erreur se paye durement."
6 B) Tu m'indiquais que Banquet royal se vendait moyennement, crois-tu avoir commis des erreurs ou ce n'était simplement pas le bon jeu au bon moment ?
Pour être tout à fait transparent, j'ai vendu 1000 Banquet Royal sur les 4000 produits. C'est moins bien que moyennement, c'est un échec et ça a entraîné pas mal de problème de trésorerie.
Je ne pense pas qu'on puisse rejeter la faute sur un point précis, comme pour la réussite d'un projet, son échec est à imputer à l'ensemble du projet.
Pour ce qui est des illustrations j'avais choisi Vincent Joubert pour son style original, je voulais que Banquet Royal sorte du lot et se démarque. La question des illustrations est toujours compliquée, car "les goûts et les couleurs" de chacun sont différents. J'ai eu des retours positifs et négatifs, difficile de tirer un enseignement de tout ça et je ne pense pas que Banquet Royal soit en décalage par la qualité de l’illustration, mais plus par son ambiance.
Pour la partie mécanique, le jeu est une réédition d'un jeu existant "Pirates"sorti chez Djeco. Ce point a aussi eu son importance pour les boutiques qui avaient soit un a priori négatif sur le jeu soit un a priori positif, encore une fois difficile de dire que le problème vienne de là.
Je pense tout simplement que Banquet Royal n'avait pas les armes nécessaires pour se démarquer du flot des sorties actuelles. Il a pourtant eu un bel accueil critique, même après quelques mois.
Mon problème en tant qu'éditeur sur Banquet c'est surtout la surproduction. Pour garder une production européenne et un prix raisonnable j'ai du produire beaucoup, 4000 boites .
C'était un gros risque et du coup une erreur avec le recul, j'aurais du favoriser une production en Chine , moins chère même sur un volume inférieur.
Pour revenir à ta question, je pense avoir commis des erreurs et je continue d'en faire, je continue d'apprendre mon métier d'éditeur. Certaines leçons sont plus dures que d'autres, mais c'est mon type d'apprentissage. J'aurais dû comme dit plus haut revoir mes coûts de productions et mes risques. J'aurais dû anticiper les problèmes liés à la réédition et aux choix artistiques. Étant seul décisionnaire, je ne peux en vouloir qu'à moi-même, même si dans le marché actuel saturé chaque erreur se paye durement.
"Pour moi c'est un héros"
7 A) Echanges-tu avec des personnes tel que Florent Toscano où l'équipe de Bioviva pour produire Made in France/Europe ?
Je considère Florent comme un ami et on a souvent et longuement échangé sur le sujet. Je ne connais pas par contre le fondateur de Bioviva. Je l'ai déjà dit à Florent à plusieurs reprises, pour moi c'est un héros.
Au sens noble du sacrifice pour des valeurs morales. Il ne peut pas faire autrement que de faire comme il le fait, même si c'est compliqué, voir très compliqué.
Le problème, c'est que c'est pratiquement impossible économiquement en tout cas pour les jeux que j'ai envie de faire.
Florent y parvient avec de nombreux sacrifices et des choix éditoriaux dans les tailles de boîtes et composants.
Je ne connais pas les méthodes de production de Bioviva.
Ça c'était pour le made in France.
Le made in Europe, quand à lui devient de plus plus accessible et compétitif. Il faut pour cela avoir des grosses quantités comme dit plus haut, mais c'est possible économiquement.
7 B) Je vais être un peu dur dans ma question, mais ne le prends pas mal car j'y réfléchis
également en tant qu'animateur et consommateur.
Est-ce qu'au final ne vendons-nous pas notre morale en choisissant la production chinoise pour réussir financièrement ou afin d'avoir du choix de jeux en tant qu'animateur ou joueurs, tout en ayant à côté un discours écologique qui ne tient du coup plus la route ?
Je ne le prends pas mal du tout, c'est un dilemme qu'on a souvent évoqué avec beaucoup d'éditeurs et encore une fois la solution européenne devient une option viable, du moment que les quantités suivent.
Je parle encore une fois en tant que petit éditeur, les logiques ne sont pas les mêmes quand on produit beaucoup et plus souvent.
Il y a avant tout la question économique et primaire de : "mon entreprise doit gagner de l'argent pour que je puisse manger à la fin du mois" que je remplace intentionnellement par le "réussir financièrement" de ta question.
C'est un fait, une donnée non compressible, sauf si le fait de "manger à la fin du mois" devient secondaire et que les valeurs morales deviennent prioritaire.
Et je parle bien de "manger à la fin du mois", je ne suis pas ici dans des logiques d'actionnariat ou de répartition des bénéfices ou d'installer une piscine à la maison.
C'est donc un premier point, si on va avoir des marges suffisantes pour permettre à la société de continuer d'exister il faut que le coût de production soit assez bas et pour cela, la donnée est factuelle. C'est un coût en dollar ou en euro, mais c'est un chiffre.
Et si sur ce chiffre il y a une différence qui permet à la société de vivre, on fait ce choix-là.
Ce que j'essaie tant bien que mal d'expliquer, c'est qu'il n'y a pas le choix en fait, quand on est un petit éditeur et qu'on veut vivre sereinement de son métier. Si on te disait en tant que salarié : On va revoir le fonctionnement pour être plus éthique et écologique, par contre il y a de grandes chances que vous ne soyez pas payés à la fin du
mois.
Est ce que tu dirais oui ?
Pour être franc, certainement que je dirais non mais j'ai parfois refusé des clients
ou des emplois pour raison éthique mais cela reste une question personnelle.
8) Tu me disais au début de cet entretien t'autocensurer sur la question du jeu de société comme forme d'art.
C'est un grand débat actuellement, notamment pour des idéologiques mais également pour des raisons de reconnaissance et commerciales.
Tu disais avoir une approche très pragmatique de produit.
Comment envisages-tu personnellement la notion d'art et d’œuvre d'art et quelle
est selon toi sa place dans un jeu ?
La suite de l'interview la semaine prochaine.
Nous parlerons de Blackrock son distributeur, de Comics et du jeu dans tous ses états : Serious game, notion artistique etc...
Pour ceux qui souhaiteraient soutenir mes entretiens, voici ma page tipeee, même un petit geste fait plaisir et vous pourrez contribuer à d'autres interviews réalisés sur des festivals (Cannes, Paris est ludique, Essen...) :
Merci à mes Tipeeeurs de me soutenir : Arnaud Urbon, Bruno Faidutti, Emilie Thomas, Nicolas Soubies ,Virgile De Rais, Pierre Rosenthal, et Ludikam!
Pour ceux qui souhaiteraient découvrir les précédents entretiens, mes animations ou suivre ma page facebook :
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Bruno Faidutti 2ème partie
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Christophe Boelinger 2ème partie
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Roberto Fraga 1ère partie
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Franck Dion 2ème partie
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