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Jeux Viens à Vous Emilie Thomas

Pour la nouvelle année, j'ai pris comme bonne résolution d'interviewer plus de femmes, mais également des personnes moins connues du monde ludique. 

Voici Emilie Thomas, auteure et éditrice avec Les éditions Flower Bloom. 
Oui mais voilà, Emilie est également infirmière!
Infirmière scolaire, plus précisément, et c'est d'ailleurs dans ce but qu'elle a créé Taup'Chrono  un jeu éducatif très plaisant pour apprendre tout un tas de choses sur les légumes aux enfants. 
Depuis Emilie mène une double vie entre l'école et les festivals afin de présenter son jeu. 
D'autres sont d'ailleurs en préparation. 

Emilie, m'a épaté par sa volonté et son courage, mais également de son investissement lors de l'interview.
Etant infirmier de profession, je me suis permis d'investir plus longuement que d'habitude cette part de sa vie

Avec Emilie, nous parlons de son métier d'infirmière que ce soit à l'hôpital ou en milieu éducatif, de son entrée dans le monde ludique, de ses rencontres, de ses motivations et du futur.
 

C'est à vous Emilie! 

 

 

1) Emilie bonjour, auriez-vous la gentillesse de vous présenter ?

Bonjour Emmanuel, c'est tout à votre honneur de mettre en valeur des auteurs moins connus du monde du jeu.

Je suis infirmière de formation depuis maintenant 11 ans, métier que j'exerce encore actuellement. 
Au début de mon cursus, j'ai d'abord travaillé quelques années dans un service de pédiatrie. Et, au cours de cette expérience professionnelle, je me suis plus particulièrement intéressée au versant éducatif de ma profession. J'ai alors pu instaurer des séances d'éducation à la santé destinées à des enfants hospitalisés. Et c'est au cours de ces ateliers que j'ai découvert les vertus du jeu. Cet outil m'est à ce moment apparu comme un excellent vecteur pour intéresser et éveiller les enfants aux thématiques de santé publique que je souhaitais aborder avec eux. Le jeu m'a permis de construire et de faire évoluer encore davantage ma conception du modèle éducatif.

 

Au sein de cette même structure médicale, j'ai également travaillé auprès d'enfants en surcharge pondérale et j'ai pu constater leur méconnaissance concernant l'alimentation en général et la connaissance des légumes en particulier. Et voilà comment à germer l'idée et le concept de Taup' Chrono, qui deviendra quelques années plus tard mon premier jeu de société. 
C'est animée de cette envie de transmettre à travers le jeu et de ce vécu que je me suis lancée dans cette belle aventure ludique en créant, en janvier dernier, ma petite maison d'édition, les éditions Flower Bloom. J'ai alors fait le choix de m'auto-éditer et de distribuer mon premier jeu, ainsi que les suivants à venir.

 

Je découvre et gravite donc tout récemment dans ce nouvel univers, celui du monde du jeu; Un univers qui me passionne vraiment, de part les rencontres ludiques et les échanges qui m'ont été donnés de faire. Aujourd'hui, je m'épanouie pleinement dans la création de jeux, avec toujours cette volonté d'instaurer une dimension ludo-éducative à mes projets.

Je n'étais pas initialement une "grande joueuse", et j'ai finalement découvert tardivement l'univers du jeu. J'ai initialement appréhendé le jeu par le prisme du monde éducatif, et m'ouvre à présent peu à peu à un univers plus vaste, avec toutes les différentes facettes qu'il revêt. Grâce à cet immersion dans le monde du ludique, je suis curieuse d'apprendre, d'échanger, de découvrir.
Mon projet de création de jeu m'a très vite permis d'élargir mon univers et de m'ouvrir à d'autres horizons. Plus largement, et d'un point de vue humain, ce projet de création et d'édition de jeux est pour moi un vrai projet de vie qui a donné du sens et de la matière à ma conception et à ma vision des choses.

 

"Je suis arrivée très naïvement dans cet univers. "

 

2) Comment avez-vous passé le cap ?
Vous avez tout d’abord rencontré des acteurs du monde ludique, des éditeurs, des auteurs afin de vous renseigner ?
Quelles ont été vos surprises en découvrant ce nouvel univers ? Qu’elles soient d’ailleurs positives ou négatives 

 

Je dirais que ce qui m’a décidée à passer le cap, c’est l’envie viscérale d’aller au bout de mon projet de jeu en le concrétisant par l’édition. Cela a été mon principal moteur. J’ai eu envie de faire vivre le jeu et de lui donner corps. Et pour cela, j’ai d’abord dû trouver un fabricant. Ce fut la première étape de mon parcours, et donc finalement ma première rencontre ludique. Mon jeu portant sur la thématique du potager, et donc en filigrane sur l’écologie et sur l’environnement, j’ai eu à cœur de fabriquer le jeu en France. Outre l’aspect éthique, ce choix m’a permis d’humaniser cette étape du projet (en visitant les ateliers de production, en rencontrant l’équipe, en échangeant longuement de mon projet avec ma conseillère), ce qui m’a permis d’avoir une écoute, une proximité et surtout une personnalisation du jeu.

 

J’avoue que j’ai eu une démarche peu conventionnelle et « un peu aventureuse » car je me suis lancée dans ce projet en étant totalement néophyte, dépourvue de toute influence de personnes évoluant dans le monde du jeu. D’une certaine manière, je suis arrivée très naïvement dans cet univers. 
Par la suite, mes rencontres avec les acteurs du monde ludique sont venues au détour de mes premiers festivals de jeu. 
Ce qui m’a d’emblée interpelée en arrivant dans ce nouvel univers alors encore inconnu pour moi, c’est l’accueil chaleureux qui m’a été réservé. On ressent une convivialité et un sentiment de partage. Pour ma part, j’ai pu bénéficier de précieux conseils distillés généreusement et d’aides spontanées. 

Premier festival à Limours

 

Ce que je trouve passionnant dans le monde du jeu, c’est qu’on y rencontre des personnes venant d’univers très différents et d’horizons socio-professionnels très hétérogènes, une sorte de melting pot de culture et de vécu qui donne beaucoup d’âme et de singularité à ce milieu. C’est la personnalité et les influences de chacun qui font, à mon sens, que le monde du jeu m’est apparu comme un monde ouvert sur l’autre et sur la différence. 

La multiplication des petites maisons d’édition et des jeunes auteurs qui se lancent dans l’aventure participent, je pense, à une ouverture encore plus importante. 

 

Lors de mes premiers pas dans ce monde, j’ai également été surprise de constater un tel engouement pour le jeu. Il permet de fédérer et de créer du lien social, un lien que l’on tisse entre acteurs du jeu mais aussi avec les joueurs qui prennent le temps de partager une partie, un moment de jeu et donc un moment de vie. 
La richesse c’est aussi que l’on s’ouvre sur des personnes qu’on ne rencontrerait probablement pas dans sa vie quotidienne. Pour ma part, et sur un plan humain, j’ai d’ailleurs fait de très belles rencontres (auteurs, éditeurs, distributeurs, bénévoles et joueurs) ; Et c’est l’occasion pour moi de remercier les gens qui m’ont accompagnée, conseillée, aidée et avec qui j’ai vécu des moments d’échanges profonds et sincères sur leur vision du monde du jeu mais aussi, et à fortiori, bien au-delà sur leur vison de la vie et des choses. 

 

Je crois que ce qui rend aussi cette atmosphère conviviale, c’est que les gens qui côtoient ce milieu sont tous animés d’une passion.  Et je pense que, tant qu’on n’en oublie pas cette passion qui nous anime et qu’on continue à cheminer dans ce milieu en conservant cette passion du jeu et plus largement de la création, cela contribue à perpétuer et à alimenter cette ambiance si particulière. 
Sans paraitre candide là encore, mais tout à fait sincèrement, j’ai donc été très agréablement surprise en découvrant ce nouvel univers et toutes les personnes qui le côtoient. Peut-être que lors d’un prochain entretien, je trouverai quelques petites choses à redire !

 

 

3) Souhaiteriez-vous nous parler justement de 2 rencontres importantes à vos yeux ? L’une pour son aspect professionnel, et l’autre pour le côté humain.
 

Ah, je crains de manquer un peu de concision sur cette question !
Difficile pour moi de décrire une rencontre en particulier. En effet, cela fait peu de temps que je gravite dans ce milieu mais j’y ai déjà fait beaucoup de belles rencontres où s’entremêlent l’aspect professionnel et le côté humain. 

 

D’un point de vue plus professionnel, j’évoquerai les entretiens qui m’ont été donnés de faire dans ma petite activité naissante. Ainsi je pense à des rencontres comme celle de l’équipe de Ludovox ou encore à celle des Lud’s et des Plum’s, et plus récemment à votre rencontre Emmanuel pour Jeux Viens à Vous ; Toutes ces rencontres qui donnent l’opportunité à des jeunes auteurs moins connus de mettre en lumière leur parcours et leur travail, en leur offrant une plus grande visibilité.  
Je mentionnerai également le référencement de Taup’ Chrono dans la sélection enfants de la box ludique du Coffre A Jouer d’Antoine et d’Hugo. Là encore, tout part d’une rencontre humaine, sur le festival de Langres plus exactement, mais j’ai été vraiment très fière professionnellement parlant de faire partie de leur sélection de jeux d’auteurs.

 

Enfin, je terminerai par un petit clin d’œil en mentionnant la boutique A Toi De Jouer de Vincent, qui a été la première à accueillir des boites de Taup’ Chrono sur ses étagères. Ce fut la première boutique que j’ai démarchée, et comme toutes les premières, cela laisse une émotion particulière, d’autant que j’assure moi-même la distribution du jeu. 

Sur un plan humain, je pense bien sûr aux rencontres que j’ai pu faire avec les acteurs du monde ludique et qui se sont transformées en amitié pour beaucoup d’entre elles. Mais j’aborderai sur cette question peut-être une ou deux anecdotes avec les joueurs… 

Sur les festivals, j’aime à jouer des parties de jeu avec les visiteurs et ainsi créer un lien avec eux. Parmi les nombreuses parties jouées ensemble, je garde par exemple en mémoire la petite Célia, une grande passionnée de jeux, pour qui Taup’ Chrono a été le premier jeu de société qu’elle s’est offert avec son argent de poche. 

Taup'Chrono

 

Je garde aussi en mémoire le fait d’avoir rencontré le sosie officiel de M. Topinambour (le jardinier du jeu) mais aussi l’émotion de le voir repartir, qui plus est cet amoureux du jardinage, la boite de jeu sous le bras pour l’offrir à ses petits-enfants. Je regrette juste de ne pas avoir immortalisé le moment sur pellicule et de ne pas avoir fait profiter Cécile l’illustratrice de cette étonnante ressemblance !
Plus globalement, je pense que la vie est faite de rencontres, certaines furtives, d’autres plus durables, mais quelles que soient le temps qu’elles durent, les rencontres ne sont jamais anodines dans une vie ou dans un parcours, c’est pourquoi j’y suis toujours très sensible et très attentive. 

 

Bon, j’avais prévenu que je risquais de manquer de concision !

 

"Partager une partie de jeu, c’est avant tout prendre le temps."

 

4) J’aimerai évoquer si vous le permettez votre métier d’infirmière. Quelles sont selon vous les grandes différences entre le monde médical/paramédical et le monde ludique ?
 

Avant d’évoquer les grandes différences, je dirais que ce sont deux métiers que l’on exerce avant tout par et avec passion. Mais, s’ils ont ce dénominateur commun, il est vrai que, de prime abord, tout oppose ces deux univers à priori antinomiques. Entre l’univers ludique et l’aspect curatif, on s’aventure dans deux mondes bien différents. Tandis qu’il est question de divertissement, d’amusement, de plaisir et de distraction pour l’un, il est avant tout question de maladie pour l’autre, avec tout ce que cela laisse entrevoir de souffrance et de douleur. L’évocation de la maladie renvoie forcément à des affects négatifs et anxiogènes, cela demeure une composante importante bien que l’univers médical ne se limite évidemment pas à cela. 

En médecine, il est plus souvent question de maladies, de symptômes, de molécules, d’organes. C’est un domaine où l’on est plus facilement dans la maîtrise. C’est aussi souvent un métier de technicité. Bien sûr le ressenti à sa place, mais on laisse moins de place à l’improvisation, à la création et au lâcher-prise. Le monde médical, peut-être même plus encore que le monde paramédical, est un monde très cartésien, où la fantaisie et l’imaginaire sont souvent peu représentés. Le monde ludique offre fatalement une plus grande ouverture d’esprit et de liberté d’action. 

 

Autre point qui sépare je pense ces deux mondes, c’est celui du relationnel. Le métier de soignant impose des soins curatifs, c’est certes un métier de technicité mais c’est aussi, et heureusement, un milieu très humain où le relationnel a une place prépondérante dans la démarche de soin. Mais, sans tomber dans un aspect réducteur, ce relationnel que l’on instaure avec le patient et son entourage est principalement centré sur la maladie et a forcément souvent attrait aux soins. Le relationnel dans le monde ludique s’instaure d’emblée sur un moment de convivialité et de disponibilité. Les joueurs sont là pour partager un moment de joie et de détente, loin des tracas du quotidien.

Une autre différence que l’on peut aussi pointer vient du fait que le milieu médical est un milieu très organisé et codifié qui, le plus souvent, laisse peu de place et peu d’espace pour la distraction et pour le jeu. Dans le milieu hospitalier, et le milieu médical en général, règne la notion de hiérarchie. C’est un univers très protocolaire, ce qui me semble être moins le cas de celui du ludique où les règles, et pas seulement les règles du jeu ! offrent plus de liberté et de souplesse. 

 

Enfin, partager une partie de jeu, c’est avant tout prendre le temps. Or, la problématique du temps est souvent une donnée centrale dans le quotidien médical. Comme dans beaucoup d’autres secteurs d’activité de la vie moderne, on court après le temps, on n’a pas ou ne prend pas le temps de se laisser aller à rêver, à créer, à imaginer. Le monde ludique offre je trouve plus facilement cette parenthèse un peu hors du temps, et ce même si je ne suis pas adepte moi-même des parties interminables !
Dès lors, on peut se demander quelle place occupe la notion de plaisir et la place du jeu dans cet univers médical d’hyper contrôle, d’anticipation, de règles et de rigueur. Alors bien sûr il y a entre autres les quelques différences que nous avons évoqué mais s’il y a ce qui éloigne, il y a aussi ce qui rassemble.

Margot, la mascotet du futur jeu d'Emilie

 

 

Car finalement le ludique a aussi toute sa légitimité dans l’univers du soin. Il est vrai que la considération du jeu à l’hôpital n’est encore que très récente, et qu’auparavant jouer était considéré comme du pur amusement et assimilé à du simple divertissement. Mais à présent le recours au jeu est plébiscité dans les projets thérapeutiques. Il est choisi pour son côté pédagogique, ses vertus éducatives et didactiques. L’éducation étant souvent la pierre angulaire de beaucoup de pathologies, il fait alors support d’éducation ou de médiation privilégié, dans une relation duelle mais aussi de groupe. Un soignant est amené à soigner de différentes manières, et il a été prouvé que le jeu est un médiateur qui donne de bons résultats. Ainsi de plus en plus de soignants intègrent la dimension ludique dans la relation de soin. Pour l’avoir expérimenté, je trouve que le jeu dans un milieu hospitalier est un excellent moyen d’expression pour le patient. Il dédramatise les situations, favorise la qualité des échanges, met à distance la peur et l’anxiété. Il permet aussi au patient de se rendre acteur de sa maladie. Alors même s’il ne faut pas lui ôter ses valeurs ludiques et son aspect social, le jeu peut aussi être « une affaire sérieuse » et avoir sa place à l’hôpital ! Je reste convaincue que le jeu est aussi thérapeutique. 

 

Dans l’inconscient populaire, et dans un cadre médical, le jeu et sa pédagogie  sont très souvent associés à l’univers de l’enfant tant on sait qu’il améliore le vécu et le quotidien des enfants hospitalisés, mais il est d’autres secteurs où il a également sa place et toute son utilité, comme c’est le cas en maisons de retraite ou dans des centres de rééducation par exemple. 
Outre les infirmiers, le jeu est aussi très utilisé parmi d’autres corporations paramédicales, comme celles des orthophonistes, des psychomotriciens ou encore des ergothérapeutes. Ainsi les jeux de rapidité, d’observation, de logique, de mémoire ou de langage trouvent une vraie raison d’être dans le corps médical.     

 

Finalement, même deux mondes qu’à priori tout oppose peuvent se rencontrer, apprendre à se connaitre et à s’apprivoiser, et faire in fine l’objet d’une belle rencontre ! Sur deux rives à priori éloignées, on peut y construire un pont. Personnellement, j’ai franchi cette passerelle puisque l’un m’a conduit à l’autre. Aujourd’hui, j’emprunte régulièrement ce pont pour rejoindre ces deux rives ! Ces allers et retours, je trouve, nourrissent les deux univers. J’y puise un peu d’inspiration et mes thèmes de prédilection puisque j’essaie de créer des jeux éducatifs en empruntant des thématiques de santé publique. Mon premier jeu édité porte en toile de fond sur l’alimentation mais mon tout premier jeu portait sur la pathologie diabétique, pour apprendre aux enfants à mieux connaitre et à mieux vivre avec leur maladie.

 

Dans un monde médical parfois difficile émotionnellement parlant, le monde du jeu demeure pour moi un exutoire très ressourçant. Je dirai qu’en travaillant dans la santé, on comprend combien l’univers ludique est important. La vie est fragile et précieuse, et le monde médical nous le rappelle à chaque instant et permet d’en prendre pleinement conscience. Mais la vie doit aussi être légère, vécue intensément, dans le plaisir et dans la passion, et le monde du ludique nous permet de mettre ces concepts en pratique. 

 

"On se retrouve dans un profond sentiment d’impuissance."

 

5) Le milieu hospitalier est un univers très dur, et il est difficile de l’extérieur de comprendre le quotidien des professionnels de santé.
Pourriez-vous nous raconter une rencontre avec un patient qui vous aurait profondément touché ?

En 11 ans de pratique professionnelle, j’ai côtoyé beaucoup de patients, et bon nombre sont restés gravés dans mon esprit mais, assez rapidement, je songe à l’un de mes patients que j’ai pris en charge au début de mon activité d’infirmière. 

Je pense ainsi à Paul, dont la tragique destinée m’a particulièrement touchée. Lorsque je le rencontre pour la première fois, Paul est alors un jeune patient âgé de 17 ans, entré dans un centre de rééducation suite à un accident de la voie publique. De cet accident, il gardera des séquelles importantes et, outre de nombreux troubles somatiques associés qui viennent se greffer à sa pathologie déjà lourde, il se retrouve désormais tétraplégique et mutique. Très vite, aucune possibilité d’autonomisation n’est envisageable et ses possibilités de perception, d’expression et de relation sont réduites. Sa situation perturbe considérablement son rapport à l’autre. Il éprouve alors des difficultés à exprimer ses besoins et ses affects. Ce qui m’a émotionnellement touchée c’est l’isolement auquel sa situation l’a contraint et le désarroi qu’il a dû éprouver à chaque instant, enfermé dans son propre corps. Un sentiment exacerbé par le peu de contacts que ce patient recevait, la plupart du temps seul dans sa chambre avec sa radio allumée. Toute une innocence et une vie volée à jamais. 

 

Au regard de ce handicap mais pour que le patient ait la possibilité de pouvoir exprimer son ressenti, l’équipe soignante a instauré un mode de relation en fonction de ses facultés. Ainsi le patient clignait des yeux une fois pour donner une réponse affirmative et deux fois pour répondre par la négation. 

Je dirais que cette rencontre avec ce patient m’a beaucoup appris sur la relation soignant-soigné. C’est notamment grâce à lui que j’ai pris conscience de l’importance considérable et « parlante » du paralangage, de la communication verbale et non verbale pour créer du lien.  

 

On sait que pour entrer en relation avec une personne, c’est bien souvent à travers la communication verbale, premier ciment d’une relation, que l’échange se construit. Mais lorsqu’on se retrouve face à un patient atteint d’un handicap physique et psychique lourd et définitif, le contraignant à ne plus pouvoir établir une communication verbale, on comprend que tout ne passe pas par le langage verbal. Ce qui est déstabilisant à vivre, c’est l’échec relationnel qui s’en suit car le patient possède un mode de communication « hors norme » qui échappe à notre système de pensée traditionnelle. On a peu de retours interprétables. Il est alors difficile de donner du sens à des choses qui de prime abord n’en n’ont pas. Malgré une volonté sincère d’apporter une relation d’aide efficace et constructive, il est difficile d’intégrer l’univers cloisonné dans lequel s’est enfermé le patient. Face à des demandes qu’on ne parvient pas à décrypter, on se sent vite désarmé et on ne sait pas très bien quelle attitude adopter pour aborder le patient. Cette rencontre avec Paul m’a mise face à ces difficultés. 
 

C’est vrai, et humain je crois, que la dégradation physique ou psychique peut déstabiliser, mais ces patients nous font vite comprendre qu’il ne faut pas les considérer comme des êtres dénués d’affects ou de ressentis. J’ai le souvenir de Paul qui esquissait un sourire et qui manifestait une réelle implication dans les soins quand il se sentait « entendu et écouté » de notre part. La complicité le liant à l’équipe soignante était une belle récompense. 

Margot, la petite pie voleuse et bavarde de son enfance

 

Autre aspect dérangeant que j’ai pu vivre dans cette relation de soin, cette fois en tant que soignant, vient du fait que certains patients sont voués à une non guérison et une non amélioration ce qui, je trouve, amplifie le sentiment de découragement. La volonté première qui anime tout soignant est bien sûr le désir de réparation, or il y a des patients irréparables. Face à ces êtres, on se heurte aux limites du soin et de sa fonction. Quand on est soignant, le handicap lourd fait perdre en quelque sorte son sentiment d’efficacité et met en péril son statut professionnel.
En tout cas c’est ce que j’ai pu expérimenter. On assiste à une douloureuse contradiction entre son idéal de soignant et la réalité quotidienne où l’espoir thérapeutique est amoindri. L’objectif pour des patients comme Paul demeure la qualité de vie et non plus la guérison.
Or on choisit souvent ce métier pour guérir et, face à des situations douloureuses comme celles-ci, on se retrouve dans un profond sentiment d’impuissance. Il faut savoir être dans le savoir accompagner plutôt que le savoir guérir. Mais ne pas rester dans son idéal pour répondre aux besoins du patient n’est pas chose aisée. Travailler auprès de cette population de patients peut revêtir un aspect démotivant, décourageant, usant et fatiguant dans la mesure où la situation des patients n’évolue pas, régresse même parfois, les progrès sont acquis difficilement voire inexistants. Des patients comme Paul ne sont pas appelés à guérir. Et ce constat est assez difficile sur le plan narcissique. Je pense que cette manière d’appréhender ce constat tôt dans mon parcours a forcément eu une incidence sur ma manière de percevoir ma profession par la suite. 

 

Et puisque vous évoquiez dans votre question le quotidien des soignants, je dirais que la confrontation à la personne lourdement handicapée, c’est aussi justement regarder une réalité qui fait peur. L’image véhiculée par le handicap est souvent source de malaise et provoque un sentiment de peur. Cela nous oblige à travailler sur sa capacité de tolérance face à la souffrance d’autrui, et face à la sienne aussi. On apprend à se prémunir de la souffrance de l’autre et d’une émergence trop importante de sa propre angoisse. Conserver une distanciation émotionnelle et affective n’est pas toujours facile. Des rencontres comme celle de Paul et une prise en charge de ce patient au quotidien soulèvent et remuent beaucoup de sentiments. Mais on apprend à se protéger émotionnellement et affectivement. Finalement, des rencontres professionnelles et humaines comme celle-ci fragilisent autant qu’elles renforcent.  

 

Avec le recul, j’ai conscience que le travail dans ce centre de rééducation m’a beaucoup apporté sur un plan professionnel mais aussi sur un plan plus personnel. Des rencontres comme celle de Paul nous forcent à faire un travail sur nous-même et sur ses attentes face à la profession d’infirmière. La confrontation au handicap n’est pas anodine, elle bouleverse l’ordre des choses établies, suscite des interrogations et remet en question le soignant et l’humain derrière « la blouse blanche » dans sa perception de la vie. 
Même si la réalité du quotidien médical est souvent difficile et dérangeante, elle nous enrichit sur un plan personnel, relationnel et humain. Elle permet d’acquérir une certaine philosophie de vie et d’aborder différemment notre quotidien. On apprend sur soi-même, sur ses forces et ses faiblesses. Cela m’a aussi permis de lever le voile sur ce qui peut se cacher derrière certains comportements ou situations qui peuvent traduire bien plus qu’ils n’y paraissent, et qu’il faut accorder de l’importance à ces petites choses qui peuvent paraitre anodines mais qui s’avèrent essentielles.  

 

Je garde et garderai en mémoire la dimension humaine de cette rencontre avec ce jeune Paul. Et je n’en oublie pas la vision de la vie et de ma profession qu’elle m’a forgée.



6) Afin de ne pas verser dans le larmoyant, auriez-vous la gentillesse de nous raconter une rencontre drôle avec un patient, une famille ou un professionnel de santé ? 

A vrai dire, ce n’est pas évident de trouver une anecdote qui soit à la fois drôle… et racontable, vous connaissez aussi bien que moi l’humour de l’univers médical ! 
J’opterai donc pour une petite anecdote, somme toute personnelle, mais qui me redonne le sourire en y repensant.

 

L’anecdote se déroule au cours de mon stage professionnel avec à l’issue l’épreuve du diplôme d’état d’infirmier, le contexte est donc au demeurant plutôt sérieux ! 
J’avais déjà intégré mon lieu de stage depuis quelques semaines lorsqu’un jour une patiente peu commune, mais qui à moi ne m’était pas totalement inconnue, a franchi les portes du service de chirurgie orthopédique dans lequel je travaillais. Il s’agissait en fait de ma grand-mère qui quelques heures auparavant avait été admise aux urgences.
Passée ma surprise, je l’accompagne donc en tant que petite fille et future infirmière. Pendant son hospitalisation, j’aurai même la chance de pouvoir l’accompagner au bloc opératoire et de suivre toute son intervention chirurgicale. Je remercie d’ailleurs au passage l’équipe qui a fait d’elle une « patiente VIP », et qui a fait de moi une « infirmière personnelle » !  

 

En parallèle de la convalescence post-opératoire de ma grand-mère, je me plongeais dans la préparation de mon diplôme de fin d’étude. Cette dernière ne faisait bien sûr pas partie des patients que je devais prendre en charge dans ce contexte d’examen. Sauf que, le destin en ayant voulu autrement, et du fait que mon dixième patient ait vu son admission retardée faute d’avoir arrêté son traitement la veille, j’apprends le soir même que je devrai finalement intégrer ma grand-mère à ma liste de patients, puisqu’elle figurait comme la dernière patiente du service qui ne m’était pas encore attribuée.

La surveillante me rassure alors en me disant que, n’ayant pas de soins spécifiques le jour de mon évaluation, cela ne poserait pas de problème et qu’on se limiterait à une présentation clinique de son dossier. Mais évidemment, il en fut autrement… car au moment du passage de mon évaluatrice, le chirurgien me croise dans le couloir et me demande de refaire ce jour le pansement de ma fameuse patiente !
Je m’exécute donc à ce soin non prévu initialement, et me retrouve à valider un soin technique de mon diplôme d’infirmière… avec ma grand-mère. Je me souviens avec émotion de sa réplique attentionnée « Je n’ai pas mal du tout. Tu es très douce pendant le soin », alors que je ne l’avais pas encore commencé !
Je me souviens également du tremblement de mes mains, du paroxysme de mon stress me conduisant à faire tomber le rouleau de pansement et à le dérouler de toute sa longueur sur toute la largeur de la pièce. Je me souviens également avoir arrêté in extrémiste son envahissante voisine de chambre avec laquelle elle avait sympathisé, et qui venait lui offrir des échantillons de parfum, et ce au beau milieu de ma réfection de pansement !

Je me souviens surtout, non sans émotion, avoir passé une partie de mon épreuve technique au diplôme d’état d’infirmier au chevet de ma grand-mère…

 

Alors oui, on voit beaucoup de choses difficiles mais il y a aussi des émotions fortes et des petits clins d’œil drôles et sympas (avec le recul !) dans les chambres et les couloirs de l’hôpital…

 

"Ce n’est plus vraiment un choix mais une évidence." 

 

7) Vous avez j’imagine investi une somme conséquente pour éditer ce jeu, que pouvez nous dire sur les sentiments que cela crée de se lancer ainsi dans l’inconnu et de potentiellement perdre son argent ?
Le monde du jeu, est un terrain difficile pour les petits éditeurs, vous avez réfléchi à cela dès le départ, c’est une décision que vous pris seule ou avec votre famille/conjoint?
Enfin que pouvez nous dire sur les premières semaines de Taup’Chrono ? Sont-elles à la hauteur de vos attentes ?

 

Sincèrement, c’est une sensation incomparable, un sentiment de satisfaction incommensurable que de voir son jeu être édité. Je me rappelle de l’émotion que cela m’a procurée de recevoir mes premières boîtes de jeux, de matérialiser et de rendre palpable tout le travail et l’attente que cela a demandés. 

 

Se lancer dans l’inconnu, c’est une montée d’adrénaline. Et, en même temps, c’est une richesse car quand on ne sait pas bien où l’on s’engage c’est aussi dans ces moments là que l’on se dit que tout est possible, que tout est réalisable. Personnellement, cela a fait naitre en moi de l’espoir, plus que de la peur. Je crois que la vie est faite de risques, et dans la vie prendre des risques fait partie du jeu.
Par ailleurs, il me semble que c’est parce que l’on prend des risques que la motivation est encore plus forte. En réalité, c’est un sentiment galvanisant. Aller au-delà de ses peurs et de ses appréhensions permet de se transcender. Je crois qu’en matière de projets, et à fortiori créatifs, il faut suivre son instinct et ses envies. Parfois, il faut se bousculer un peu si l’on veut donner du sens et de la consistance à sa vie, et tenter d’aller au bout de ses rêves et assouvir ses passions permet de la vivre plus intensément. Je crois qu’à tout rationaliser et à se poser trop de questions on ne se lance jamais… Je dirai qu’il faut écouter son cœur, pas seulement sa tête, ou alors arriver à conjuguer les deux ! Et puis, quand quelque-chose tient vraiment à cœur, et que le moment est venu, ce n’est plus vraiment un choix mais une évidence.  

Rencontres ludiques à Lyon

 

Je dirai que l’investissement le plus important n’est pas tant financier, même s’il est évidemment conséquent, mais il se chiffre surtout en termes de temps et d’énergie, et réside dans l’implication et le travail que cela représente. Finalement, je me suis lancée sans beaucoup de fébrilité. Il faut dire que dans la vie, je suis plutôt cigale que fourmi ! L’argent est important bien sûr pour monter des projets, et surtout pouvoir les concrétiser, notamment auprès du banquier ! Mais en tout cas pour moi, il n’est pas moteur. Ce qu’il y a de bien avec les rêves, c’est que c’est l’une des seules choses à être encore gratuite en ce bas monde, et donc à la portée de toutes les bourses, et de toutes les folies aussi ! Je ne vous cache pas que le plan comptable a été la partie la plus ingrate pour moi qui ne suis pas une comptable née. Financièrement, mon objectif est surtout de rentrer dans mes frais et de récupérer mon investissement de départ. Après, avec un  premier jeu édité à 1000 exemplaires, donc une petite production, supplanté au fait que c’est un jeu fabriqué en France, j’avais conscience dès le départ que ces paramètres ne me sauraient financièrement pas très favorables. Mais c’était aussi un choix de ne pas « tromper » le consommateur en offrant du contenu dans la boîte de jeu (plusieurs éléments de jeu et de nombreuses cartes questions-réponses étayées) et en respectant aussi mes principes concernant le made in France. 

 

Bien que consciente du risque, je me rends compte que je n’y ai pas tellement pensé finalement. Je trouve que ce paramètre peut être un peu limitatif dans ses prises de décision, tant en terme de création que de fabrication. Je n’étais pas prête à déroger à mes attentes de départ, même si j’ai dû bien sûr faire quelques sacrifices au final. La vraie richesse ce n’est pas celle où l’on compte, c’est celle qui procure l’épanouissement. Et puisqu’il faut bien compter, à mon sens c’est cette dernière richesse qui compte le plus !

 

Comme vous le soulignez si justement, c’est vrai que le monde du jeu est un terrain difficile pour les petits éditeurs, mais je crois que ce n’est pas un terrain miné pour autant. Je me suis retrouvée en terrain inconnu, mais je suis sur un terrain de jeu qui m’apporte beaucoup de satisfactions, et pour moi c’est là l’essentiel. 

Ce que j’aimerai, c’est acquérir une petite « légitimité », et pour cela j’ambitionne pour 2017 de sortir de nouveaux jeux et ainsi étoffer le catalogue des éditions Flower Bloom. Plus cigale que fourmi je disais, et espérons plus lièvre que tortue, même s’il est bien connu que rien ne sert de courir !

J’espère que le fait d’avoir un panel de jeux plus importants à proposer me permettra aussi de gagner en visibilité et en efficacité. Pour moi, c’est donc « Taup’ Chrono » pour les prochains jeux… 

 

Dans votre question, vous évoquiez aussi la famille. Et il est vrai que mon entourage a une place prépondérante dans cette belle et récente aventure ludique. Pour commencer, ma belle-sœur Cécile Jouenne qui, en signant les illustrations du jeu Taup’ Chrono a fait preuve d’investissement et a consacré beaucoup de temps dans ce projet. Mon frère aussi, Jérémie Thomas, est une ressource importante pour moi car nous avons beaucoup de similitudes et nous nous rejoignons souvent dans nos conclusions et nos impressions. Il m’apporte un éclairage neuf, pointilleux et porteur. Il m’aide beaucoup dans les mécaniques de jeu et aussi dans la cohérence de l’ensemble. Mes parents aussi m’ont beaucoup soutenue. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de les remercier pour leur soutien, tant il n’est pas simple et chronophage de soutenir un auteur en plein doutes ou en pleine recherche d’idées ! Chacun a son rôle à jouer dans l’histoire… D’ailleurs, dans mes prochains jeux, ma mascotte est en lien avec un souvenir d’enfance. L’aspect familial est tellement important que j’ai coutume de dire que ce sont des jeux fait en famille pour la famille ! 

 

Et puisque l’on parle de famille, je considère un peu l’éclosion d’un jeu comme un bébé. Et de la gestation à la naissance, il faut en savourer toutes les étapes. Un bébé que l’on est heureux d’accompagner dans ses premiers pas, pour lui laisser de plus en plus d’autonomie, et en lui souhaitant de faire sa vie sur la planète jeux !
Quant au démarrage de Taup’ Chrono, c’est encore la tortue, et non le lièvre, qui domine la course. Cela étant, je suis très contente de ce début de marathon, et entame bientôt la course de fond en vue de préparer Noël. 

 

Après, ce qui est un peu frustrant pour moi c’est le peu de temps que je parviens à consacrer aux démarchages et à la prospection. On parlait de course, et là hélas c’est le chronomètre qui me ralenti un peu ! Cumuler mon métier d’infirmière en parallèle, qui plus est une activité prenante, rend les choses parfois difficiles à concilier aussi rapidement et efficacement qu’on ne le voudrait. Mais les premiers kilomètres ont été une belle promenade et je ne m’essouffle pas pour ceux qu’il me reste à parcourir… 

 

Quoiqu’il en soit, je ne regrette absolument pas mon choix de m’être auto-éditée, et ce en dépit des risques encourus. Avec ces quelques mots, j’espère sincèrement avoir su retranscrire toute l’émotion que cela représente. J’espère avoir réussi à encourager tous les jeunes auteurs et éditeurs en herbe qui hésiteraient encore à se lancer… Certes le risque financier est présent, certes l’incertitude est palpable et latente, mais la joie procurée par la réalisation et la concrétisation du projet surpassent vraiment ces sentiments de peurs. Pour moi en tout cas, je vis ma jeune maison d’édition comme un véritable projet de vie. 

 

8) Vous semblez Emilie lorsque je vous lis, intouchable, fixe sur votre objectif, telle une sportive de haut niveau.
Qu’est-ce qui vous donne cette force ? Ce sont vos parents qui vous ont donné cette envie de toujours vous battre ? Les événements de la vie ?

 

Malheureusement, je n’ai rien d’une sportive de haut niveau, à vrai dire pas même d’une sportive du dimanche ! A croire que l’on peut se forger un mental de sportif sans l’être, ce qui est plutôt rassurant :) !
Je pense que plusieurs facteurs influent sur notre comportement. La personnalité d’abord et les traits de caractère qui en découlent font avancer les personnes différemment. De mon côté, j’aime bien me fixer des objectifs pour avancer. J’essaie le plus souvent de progresser par étape. Cela permet je trouve de diminuer le sentiment anxiogène face à l’ampleur du travail, et de gravir la montagne sans se laisser trop impressionner par les sommets… Là encore, contrairement aux apparences, je n’ai rien de l’escaladeuse de compét’! Mon Everest n’est pas aussi sportif et j’espère beaucoup plus accessible :) !

 

Il est vrai que l’éducation que j’ai reçue est aussi une composante essentielle. Les valeurs, comme celles de persévérance et de courage qui m’ont été inculquées, ces valeurs transmises dans l’enfance nous suivent je crois tout au long de notre vie d’adulte. Et il me semble que cela fait partie des choses importantes à transmettre dès le plus jeune âge.

J’ai coutume de dire qu’il y a toujours du positif dans le négatif. Je crois que les épreuves et les coups durs ont aussi une vraie raison d’être. C’est parfois dans les moments difficiles que naissent les envies profondes et les questionnements les plus personnels. Une fois que l’on sait ce que l’on veut vraiment et ce qui est bon pour nous, il faut essayer je pense de s’y tenir.

Les rêves se dessinent souvent dans la difficulté et les épreuves. Et lorsque l’on a réussi à les surmonter, reste les rêves à réaliser…

Cécile Jouenne, l'illustratrice du jeu Taup' Chrono, avec Jéremie Thomas 

 

Quand on n’obtient pas les choses facilement ou rapidement, on doit cultiver, par la force des choses, la patience et développer son mental.

La réalisation des projets prend une saveur particulière quand on a expérimenté l’attente et le goût de l’effort. Le plaisir n’en est que décuplé. On apprécie encore plus la chance et ce qui nous arrive de bien dans la vie. On apprécie d’autant plus les choses quand on s’est donné les moyens de les obtenir. Un jour, il est temps de se faire confiance et d’aller de l’avant.

 

D’un point de vue plus personnel, j’ai ressenti le besoin dans ma vie de me consacrer un peu plus à moi, et par voie de conséquence aux projets que j’avais en tête depuis un moment et que je souhaitais voir aboutir. Il y a des moments dans la vie, le passage de certaines dizaines aidant (sans dévoiler laquelle :) !), où l’on ressent un besoin de s’accomplir et de se réaliser. Et l’énergie nécessaire à cela est presque naturelle quand ce cheminement s’est réalisé dans notre tête. On la puise je crois dans cette volonté de réussir ses objectifs et de continuer son petit bout de chemin.

 

 

9) Souhaiteriez-vous nous parler d’une œuvre (Littérature, musique, jeu, cinéma…) ou d’un auteur connu ou méconnu que vous pourriez nous faire découvrir ou redécouvrir ?

Je suis plutôt éclectique en la matière mais sur le plan musical, j’aime beaucoup la chanteuse Pink. Déjà parce que c’est une artiste complète, à la fois auteure, compo­si­trice et inter­prète. Sa musique pop rock est à la fois sophistiquée et instinctive je trouve. Elle a un style décalé et une voix bien identifiable, porte des messages engagés mais véhicule aussi beaucoup de fun et de valeurs positives. J’aime aussi son côté exubérante et show-girl lors de ses concerts, où elle réalise des shows toujours millimétrés et ponctués d’acrobaties spectaculaires.

Ce que j’apprécie également chez cette artiste, ce sont ses combats et ses engagements. Car tout n’est pas tout « pink » dans le monde de Pink ! Ambassadrice de l’UNICEF, elle défend aussi la cause animale ; une cause qui me tient particulièrement à cœur et que je défends également. Elle milite en effet activement auprès de la PETA, une association à but non lucratif dont la vocation est de défendre les droits des animaux.
Cette association sensibilise contre toutes les formes de maltraitance animale, en militant notamment contre le traitement infligé aux animaux tués pour leur fourrure, les expérimentations médicales et cosmétiques menés sur les animaux, l’élevage industriel et les animaux utilisés pour le divertissement. Elle condamne également des pratiques barbares comme celles de la tauromachie entre autres. Je trouve admirable de mettre sa notoriété au service d’une cause et de mettre davantage de lumière sur le travail des associations qui œuvrent et luttent sans relâche pour des causes nobles et justes.

 

Sur le plan littéraire, j’ai un souvenir un peu ancien maintenant mais toujours fidèle, des livres de Mary Higgins Clark. Cette écrivaine est traduite dans le monde entier et plusieurs de ses romans (La nuit du renard, La clinique du Docteur H, Souviens-toi…) ont d’ailleurs été adaptés pour la télévision. Ce que j’aime particulièrement chez cette romancière, outre que ce soit la reine du suspense, c’est qu’elle parvient toujours à rendre ses personnages attachants. Et moi qui aime tout particulièrement les sagas familiales, elle cosigne désormais ses thrillers avec l’une de ses filles, Carol Higgins Clark. 

 

Toujours dans la série littérature, mais dans un tout autre genre, je conseillerais en guise « de livre de chevet » l’ouvrage du Dr Étienne Jalenques « La thérapie du bonheur ». Sans être dans le mysticisme, c’est un livre très intéressant pourvu que l’on ait une appétence pour le domaine de la psychologie et des relations humaines.Ce livre nous donne quelques clefs pour déverrouiller des portes émotionnelles parfois bien cadenassées, nous rappelle des choses que l’on sait déjà bien souvent, mais permet de les raviver en nous faisant des petites piqûres de rappel ! C’est une sorte de guide qui, page après page, nous invite à rejoindre le chemin du bonheur… Vaste programme !                                       

J’aime bien, pour ma part, avoir à portée de main ce genre d’ouvrages (c’est vrai aussi avec les livres de poésie mais je suis moins coutumière de ce genre de littérature) car il existe une croyance qui raconte que lorsque l’on se trouve en proie à une difficulté, une inquiétude ou face à un doute concernant son chemin de vie, il suffit d’ouvrir l’un de ces ouvrages, de s’arrêter sur une page et de lire le passage du livre en question choisi par le « hasard » (ou plutôt par le destin !). Si l’on en croit la légende, souvent cela permet de répondre à son interrogation du moment, ou apporte une aide sur la route à suivre. 

Voilà, on a commencé la question avec la voix de Pink et on la finit avec la voie qui mène au bonheur…  

 

 

Je crois que le bonheur passe aussi par la liberté 

 

10) Justement c'est quoi le bonheur pour vous Emilie? 
 

Je dirai que si la vie est un jeu grandeur nature, il faut être joueur et non spectateur de sa propre vie. Et dans cette histoire, le bonheur est un bon partenaire de jeu émotionnel, même s’il joue parfois avec ses propres règles !

Quant aux secrets du bonheur, existe-t-il une recette ? Moi je crois qu’il n’y a pas de potion magique, juste quelques ingrédients qui n’ont rien de magique et, en cherchant bien, qu’on trouve tous au fond de nos placards. 

 

Il me semble que l’on a tous sa propre idée et sa propre conception du bonheur. C’est plutôt une quête toute personnelle. Pour ma part, c’est corollaire à l’épanouissement, notamment dans le fait de s’offrir une vie stimulante, en concrétisant des projets importants pour soi. J’aime bien en ce sens la conception du bonheur pour Freud, «qui est de réaliser un rêve d’enfant à l’âge adulte ». 

 

Je crois que pour être heureux, il faut avant tout être soi-même et respecter qui on est. Ça passe par devenir ce qu’on voudrait être profondément, mieux se connaitre et définir quels sont ses besoins et ses envies profondes. Renouer, ou nouer tout court d’ailleurs, avec ses intuitions et ses ressentis puis écouter sa nature et ses aspirations. Quand on parvient à être à l’écoute de soi, on est peut-être plus à l’écoute du bonheur et, de ce fait, on sait sûrement plus facilement le reconnaitre et le saisir quand il se présente… Il se cache peut-être aussi dans une manière d’être qui permet de ne pas passer à côté de ses rêves et de saisir les opportunités que nous offre le présent.

Festival de Reims avec Mr Tapimoket

 

Pour être véritablement heureux, je crois qu’il faut donc être à l’écoute de soi, trouver son propre chemin et pas forcément suivre celui tout tracé pour soi ou celui que la société ou quiconque nous intime d’emprunter. Il faut écouter sa voix et suivre sa voie plutôt que celles des autres. Je crois que le bonheur passe aussi par la liberté ; la liberté d’être, la liberté d’action, la liberté de faire ses propres choix… Pour risquer de le rencontrer, il faut à mon avis s’affranchir des normes et des standards.
Après, quand on l’a rencontré, encore faut-il parvenir à le garder ! C’est que le bonheur ça s’entretient un minimum !  

 

Il parait que « le bonheur c’est de continuer à désirer ce que l’on possède ». Pour être véritablement heureux, je crois qu’il faut donc être à l’écoute de soi, trouver son propre chemin et pas forcément suivre celui tout tracé pour nous ou celui que la société nous intime d’emprunte

 

Je trouve par contre qu’il faut faire attention à l’obsession du bonheur. Je crois que si l’on est trop centré sur lui, c’est le meilleur moyen de ne pas le voir venir, ou pire, de le faire fuir ! Il ne faut pas trop en attendre et ne pas trop lui courir après non plus ! Le bonheur ne doit pas être un but en soi, mais rester une récompense. 

Le bonheur ne se situe pas toujours dans la destination, ce qui compte bien souvent c’est le chemin que l’on doit emprunter, et il arrive qu’on le trouve parfois plus sur la route qu’une fois arrivé à destination. Quand on y pense, on prend plus de plaisir à faire un puzzle qu’à le voir fini !

 

Je crois que ce qui le rend beau, c’est qu’il est fragile, déjà parce-que la vie est faite de joie et de tristesse. De plus, le bonheur après lequel on court tant peut être changeant avec le temps. Et puis au final on n’est jamais pleinement heureux car on a toujours de nouvelles choses à désirer… et tant mieux !

 

En somme, je pense que le bonheur n’est pas toujours facile à attraper et à garder mais qu’il est néanmoins atteignable ! Finalement, comme beaucoup de choses dans la vie, être heureux, ça s’apprend sûrement… Et puisqu’il parait que le bonheur est contagieux, je crois qu’il ne faut pas hésiter à le répandre

 

11) Nous ne nous connaissons pas ou peu, une soirée chez moi, quels jeux me proposez-vous dans le but d’apprendre à se connaitre et pourquoi ? Nous avons le temps d’en faire 3
Ou bien préférez-vous faire des canulars téléphoniques un verre de Saint Véran à la main ?

 

Pour apprendre à mieux vous connaitre, alors je vous propose d’apporter mes jeux de cartes divinatoires et de sortir mon Tarot de Marseille pour une petite séance de voyance 

 

Sinon on pourrait commencer par un Doctor Panic, histoire de nous rappeler quelques souvenirs de travail :) Puis poursuivre par un Celestia, non pas pour tester votre capacité « à me mener en bateau » ou à bluffer !, mais pour savoir si vous seriez « un bon capitaine de soirée » :) Et enfin, pourquoi ne pas finir avec un Démoniak parce que, pour en savoir un peu plus et mieux cerner mon partenaire de jeu, je suis personnellement très sensible au choix et au pouvoir des mots :)

Et pour finir la soirée en beauté, je vous propose de trinquer au vainqueur autour d’un bon verre de Saint Véran, accompagné de petits fours !

 

12) En regardant la liste des jeux de Jeux viens à vous, quel jeu manque-t-il forcément à cette liste selon vous? 
http://manuvotreserviteur.wixsite.com/jeuxviensavous/jeux-

 

Mais je vois que vous avez déjà une ludothèque très bien fournie Emmanuel ! 

Alors, une question au singulier appelle une réponse au pluriel… Mais disons que si je devais garnir un peu plus vos étagères, je vous proposerais entre autre les jeux Pollen, Face à Face et Konito Musik.
Et pour compléter votre ludothèque dans les mois à venir, je pense aux jeux Spywhere et Ikan.

Emmanuel, je vous propose d’investir dans une étagère supplémentaire ! Cela me permettrait au passage de faire un petit clin d’œil à d'autres auteurs de jeux que j’ai pu rencontrer et apprécier au cours de ma petite année ludique 

 

13) C’est malheureusement la dernière question.
Le jour où vous quitterez le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiteriez-vous que l’on retienne de vous en tant que professionnelle mais également en tant qu’être humain ?

Pas si vite Emmanuel ! C’est déjà la fin de l’entretien et je dois en plus m’imaginer quitter le monde du jeu ? Je me retrouve hors-jeu, et tout ça dans une seule et même question ! 

Je crois que j’aimerai laisser le souvenir de quelqu’un de sincère et de bienveillante. Depuis toujours, je fonctionne au « coup de cœur » et à l’instinct, et j’espère garder cette même façon d’être.

 

En fait, j’espère que l’on retiendra de moi les mêmes choses tant dans la sphère professionnelle que privée parce que je trouve qu’il est important, même si ce n’est pas toujours rendu aisé au quotidien, d’être en accord avec soi-même tant professionnellement qu’humainement parlant. Il me parait essentiel de conserver son éthique, ses convictions et ses engagements quel que soit le domaine ou le contexte dans lequel on gravite.

J’espère donc que l’on retiendra de moi que j’ai su garder mes valeurs ; des valeurs que j’aimerai transmettre au travers des jeux que j’aurai pu faire ou encore au détour des contes pour enfants que j’aimerai éditer dans l’avenir…
 

Et puisque c’est la fin de notre entretien, j’en profite pour vous remercier Emmanuel pour la profondeur et l’originalité de vos questions, et pour la bienveillance dont vous avez fait preuve. Merci aussi d’être venu chercher une auteure inconnue comme moi, et de m’avoir donné de la visibilité ! J’espère que cet entretien, que j’ai pour ma part beaucoup apprécié et réalisé avec le plus de sincérité possible, intéressera un peu vos lecteurs.

 

Je vous remercie infiniment Emilie pour votre disponibilité et votre gentillesse 

 

La semaine prochaine, vous retrouverez

 

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