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d'événements ludiques
Jeux Viens à Vous Christian Martinez
La première fois que j'ai pu discuter avec Christian c'était à propos de son métier à la Chambre du Commerce et de l'Industrie de Lyon par rapport aux activités professionnelles.
Il a accepté sans hésitation et sans me connaître de répondre à mes questions.
C'est les mots gentillesse et simplicité qui semblent le mieux résumer Christian Martinez, alors bien évidemment je ne le connais pas assez pour vous l'affirmer à 100% mais je ressens quelqu'un d'agréable et d'amical
Avec Christian, nous parlons de son métier, du jeu en entreprise, de Bruno Cathala son beau frère et ami, de fred Vuagnat, d'Arnaud de Matagot, des élections présidentielles et de l'éducation nationale
1) Christian, aurais tu la gentillesse de te présenter ?
Ok… J’ai 52 ans, je vis à Lyon, je suis marié, j’ai un garçon de 10 ans… Joueur depuis toujours ou presque. Quant à mes activités... En ce moment principalement des jeux, de la musique et j'ai un boulot en pédagogie dans un centre de formation. Par le passé j'ai fait aussi beaucoup de théâtre. Et il y a ma famille bien sûr, mon épouse et mon fiston qui à bientôt 10 ans.
Pour ce qui est des jeux... côté joueur c'est surtout des jeux de société. À une époque je faisais beaucoup de jeux de rôles, un peu de wargames, mais depuis une quinzaine d'années c'est presque exclusivement du jeu de société. Ça va, il y a de quoi faire !
En tant qu'auteur, j’ai toujours bricolé des trucs mais j'ai commencé à faire sérieusement des jeux il y a une vingtaine d'années, sérieusement au sens de mener des projets à peu près au bout, c'est à dire jusqu'à avoir quelque chose de réellement jouable. Mon premier jeu publié a été Expédition Altiplano, en 2006 chez Matagot, et les suivants ont été Fourberies, fait avec Bruno Cathala, et Inis, tous deux publiés en 2016. Entre ces deux dates j'ai continué d'en faire, dont pas mal dans le cadre de mon boulot. Il s'agit dans ce cas de jeux destinés à la formation, des jeux pour apprendre.
Côté théâtre, j'ai arrêté il y a quelques années mais ça reste un apport important pour moi. J'ai joué, j'ai écrit des pièces, j'ai fait aussi de la mise en scène, et ça a été pour moi l'occasion d'assimiler des notions et des techniques qui me servent encore aujourd'hui, que ce soit dans mon boulot ou pour mes jeux.
Et sinon il y a la musique, qui reste une passion constante depuis une quarantaine d'années... je joue toujours de la guitare pour le plaisir, mais il y a eu des périodes un peu plus impliquantes, groupes, ou compos pour le théâtre ou pour des court-métrage par exemple. Aujourd'hui je reste à l'affût et même si je compose moins, faire un bœuf occasionnel avec des potes reste toujours un grand plaisir.
2) Qu’est-ce que cela veut dire Jouer pour toi ?
Jouer de la guitare, déjà, autant que possible.
Mais je suppose que tu préfères que je te parle de jeux... Jouer pour moi ça veut dire avant tout passer un bon moment, un moment à part, de détente et de réflexion, de surprise et d'étonnement si possible, un moment de construction et de connivence.
Jouer c'est aussi apprendre... Ça peut faire bizarre pour certains mais c'est important pour moi de considérer cet aspect-là pour mon activité professionnelle. C'est par le jeu que les enfants apprennent, les animaux aussi d'ailleurs. Le jeu est une façon naturelle d'apprendre.
Jouer c'est aussi pour moi une source de stimulation. J'aime comprendre un jeu, le décortiquer, l'analyser, imaginer des croisements, explorer...
En tout cas un de mes plus grand plaisirs c'est de jouer avec Ewenn, mon fils, à un jeu ou à faire de la musique. Un de nos chouchous c'est Smash Up, on y revient régulièrement, en ce moment il aime bien me tôler avec ses Robots Sorciers, le fourbe.
Christian et son fils
3) Peux-tu nous expliquer ton métier justement, en quoi, il consiste, et ce qu’il permet de réaliser par le jeu ?
Je travaille au centre de formation de la CCI Lyon Métropole, en tant que chargé de missions pédagogiques. J'accompagne les formateurs dans leur pédagogie : analyse de pratiques, recherche, création et mise en place d'outils pédagogiques. Dans ce cadre il m'arrive d'utiliser des jeux, ou des techniques inspirées du jeu. Ça permet une découverte par l'action, un engagement, une approche par l'expérimentation, la recherche, la prise de décisions. Le jeu est utilisé en tant qu'outil : le formateur s'appuie sur ce qui se passe dans le jeu pour susciter échanges, réflexions, projections, il fournit une consolidation théorique sur la base de ce qui est découvert à travers le jeu. J'ai pu utiliser certains jeux existants, mais j'ai été amené à en créer quelques-uns pour traiter de sujets inhabituels dans le monde du jeu ou pour aborder un sujet sous un angle spécifique. Parmi mes créations on trouve par exemple des jeux sur la stratégie d'entreprise, l'innovation, les risques psycho-sociaux, la gestion du temps, la qualité, etc.
A côté de ça il y a les outils s'appuyant sur des techniques ludiques pour faciliter un travail, une recherche, une production, grâce à une approche structurée. Dans cette veine on peut citer les jeux-cadres de Thiagi ou le gamestorming.
D'une façon générale je m'inspire de toutes ces pratiques, en y ajoutant les techniques théâtrales et les techniques de développement agile pour proposer des outils et méthodes pédagogiques adaptées à chaque cas.
Ce que permet le jeu c'est aussi quelque chose de moins évident mais fort utile : une approche des outils et méthodes mettant l'accent sur la structure, l'ergonomie, la clarté des objectifs, la simplicité.
4) Peux-tu nous raconter comment tu as vu évoluer la vision au fil des années dans le monde professionnel.
J’imagine que parfois des grands cadres ou formateurs ne le prennent pas au sérieux, as-tu d’ailleurs une anecdote à ce propos ?
Comment vois-tu dans le futur l’évolution de l’image du jeu dans le monde de la formation et de l’entreprise ?
Cela va faire bientôt 10 ans que je fais ce métier, et effectivement la principale évolution que je peux constater c'est une acceptation plus répandue de ces pratiques. On pourrait presque dire que c'est plutôt hype en ce moment de faire ça...
D'un autre côté il est possible aussi que la vision que j'en ai soit déformée par mon environnement qui s'est forcément accru en 10 ans.
Mais il est vrai qu'une grande partie de mon travail a consisté à montrer, démontrer, expliquer, accompagner, beaucoup plus qu'à créer ! Mais ce ne sont pas les formateurs les plus réticents, il suffit d'une démo adaptée et ils voient tout de suite l'intérêt de ces pratiques. De son côté, le public des formations accepte facilement l'exercice, même s'il peut parfois y avoir un peu de perplexité au début. Le tout c'est qu'il n'y ait pas d'incompréhension sur la finalité, il s'agit bien d'un exercice, on joue mais on n'est pas là pour rigoler ! Du côté du public "grand cadre" comme tu dis, c'est pareil, et c'est un public qui apprécie la prise de décision, la tactique, la stratégie... Mais généralement tout le monde passe un bon moment et c'est important aussi.
Les réticences ou incompréhensions viennent plutôt des personnes qui ne sont pas en salle de formation ou qui ne sont pas dans la pédagogie, intermédiaires, acheteurs, prescripteurs... Bon, ça fait partie des éléments à considérer dans ce travail.
A mes yeux, la principale source de réticence vient de quelques confusions répandues : l'intérêt du jeu résiderait uniquement dans sa convivialité, ça prendrait trop de temps, ça ne fait pas très sérieux, ce genre de choses. Le fait est que ce sont des pièges possibles dont il faut tenir compte, le jeu doit être harmonieusement intégré dans la formation, pertinent, et le formateur doit grâce au jeu fournir un apport réel, par réflexion, extrapolation, projection...
Pour ce qui est de l'évolution... est-ce que l'engouement actuel est une mode, donc qui se démodera, ou une évolution plus profonde... Déjà j'ai le sentiment que de plus en plus de gens du milieu du jeu sont impliqués là-dedans, ou au moins des gens qui connaissent les jeux modernes et ne sont pas restés sur les vieux jeux grand public, et donc qu'on trouve davantage de jeux de qualité. Ensuite, ce sont des méthodes efficaces, tout simplement ça marche. D'un autre côté c'est vrai que ça nécessite une certaine pratique, il ne suffit pas de prendre un jeu et de faire jouer... Donc pour l'évolution, on verra ! Le mieux à faire c'est de travailler à ce que cette évolution soit durable.
5) Tout le monde ne le sait peut-être pas, mais tu es le beau-frère de Bruno Cathala.
Qu’est-ce que cela change de travailler avec lui plutôt qu’un autre ?
Y-a-t-il des avantages mais également des inconvénients ?
As-tu l’impression d’apporter une pâte supplémentaire à la technique de création maintenant rôdée de Bruno et que t’apporte-t-il pour sa part?
A l’inverse quel est le défaut que Bruno peut avoir lorsqu’il crée un jeu ?
Ça ne change pas grand-chose je pense, on était potes avant d'être famille, et puis voilà.
Si, ça change un truc, pas sur le travail lui-même mais sur les conditions. D’un côté une séance de travail se transforme à un moment ou à un autre en réunion de famille, puisqu’on a rarement l’occasion de se voir uniquement tous les deux, mais d’un autre côté l’inverse peut être vrai aussi !
Pour ce qui est de la patte de l’un ou de l’autre, c’est difficile à dire…
On a commencé à faire des jeux un peu aboutis tous les deux dans les années 90 je pense, on s’est rencontré au tout début des années 2000, et lui est allé très tôt vers l’édition, sans pause depuis. De mon côté je me suis dirigé vers le jeu formatif. Bruno est un stakhanoviste du jeu, un forcené, il bosse toujours, tout le temps, et quand il n’est pas sur un design ou un développement il est en tournée internationale pour un salon a Dallas, une dédicace sur Bételgeuse ou une master class à Grézieu-la-Varenne… De fait il a acquis une excellente connaissance des considérations éditoriales d’un jeu et du « tissu ludique » français et international.
Prototype d'Inis à Cannes 2016
Du côté du design pur, je ne sais pas qui apporte quoi… on n’a pas toujours les mêmes priorités, mais c’est le côté intéressant du boulot à deux... Je vois ça comme un bœuf à deux guitares, ce qu’on fait parfois avec Bruno d’ailleurs : difficile de dire qui apporte quoi, tantôt l’un est sur le chorus et l’autre en rythmique, puis ça s’inverse, il y en a un qui pousse et l’autre renvoie, puis les voix se mêlent, puis une nouvelle idée arrive et elle se développe ou on passe à une autre… Bref c’est une alchimie… En tout cas c’est dans cette façon de faire que je trouve mon plaisir, et j’espère mes co-équipiers aussi, que ce soit dans le jeu ou la musique.
Un de ses points forts quand même c'est le petit mécanisme qui tue, le truc qui a l'air anodin mais qui te vrille bien le cerveau par ses implications et ses ramifications...
Le défaut de Bruno du côté des jeux ?.. Il en crée trop, c'est clair, comment veux-tu qu'on lutte ? Regarde, rien qu'en 2016... 712 nouveautés, c'est pas humain, il submerge le marché, il engloutit les salons, il phagocyte les boutiques ! Non, toute résistance est futile... D'ailleurs je crois que j'ai découvert la vérité... Bruno Cathala n'existe pas, c'est un prête-nom pour un collectif occulte qui utilise le jeu pour contrôler nos misérables esprits humains, pour les conditionner à la venue du grand Cthalha, celui qui attend en rêvant et en faisant des mots croisés.
Voilà, c'est dit.
6) Je sens que tu as envie de nous parler musique... quel rapport entretiens-tu avec elle?
Est-ce qu'un bon jeu c'est un jeu avec une bonne mélodie? Un jeu qui va de soit comme un bon vieux tube des Beattles?
Souhaites-tu nous parler d'un artiste connu ou méconnu que tu souhaiterais mettre en valeur?
Depuis que je suis tombé dedans vers 10/12 ans la musique ne m'a pas quittée. Elle fait partie de ma vie au moins autant que le jeu, je dirais peut-être davantage. J'écoute de la musique 80% de mon temps de veille. Et j'essaye d'en faire régulièrement et de continuer à apprendre, ce qui est plus ou mois facile selon les périodes. Ce qui est certain c'est que dans les moments où je n'ai envie de rien faire, pas même un jeu, j'ai quand même envie de prendre ma guitare.
Concernant les liens que je vois entre les jeux et la musique... Déjà ce sont deux langages universels : deux personnes qui ne parlent pas la même langue peuvent quand même communiquer par l'intermédiaire d'un jeu ou d'instruments de musique !
Ensuite je trouve dans les deux domaines cette ambivalence entre structure et liberté, ce besoin de règles ou de codes et la richesses des possibilités qui peuvent en émerger une fois mis en mouvement..
Quand je mets à plats certains éléments d'un jeu sur lequel je travaille, j'ai besoin d'y voir une harmonie, avant même de le mettre entre les mains des joueurs. Je guette les accords et les dissonances, je cherche à décliner les thèmes, je recherche la structure évidente, et cela ressemble à ce que je fais quand je compose une musique.
Jouer ensemble à un jeu et jouer ensemble de la musique, il y a des ressemblances, on a des règles, on joue ensemble, on interagit et quelque chose émerge qui résulte de ces interactions entre les personnes et avec le support... Et selon l'écoute, l'entente, l'énergie et la créativité des uns et des autres cela peut donner un grand moment partagé !
Quand à rapprocher les jeux ou les auteurs avec des chansons, des albums ou des artistes... ça m'arrive, pour le fun, qui sont les Beatles, le Zappa ou le Velvet Underground, le Clash ou le Slayer du jeu ? ça m'amuse comme question mais je ne suis pas sûr que ça présente beaucoup d'intérêt pour grand monde.
Et bien entendu, j'aime jouer en musique bien sûr, si possible avec des musiques adaptées au jeu.
Christian et sa guitare
Un autre élément qui m'intéresse autant en musique que dans les jeux c'est l'histoire et l'évolution du domaine. Comment les artistes ou les auteurs se sont influencés les uns les autres au cours du temps, d'où viennent les différents courants, qu'ont ils fait naitre, sachant que dans les deux cas on peut aller très loin dans le détail. Je suis toujours en recherche et en écoute de nouvelles musiques ou de nouveaux repères, par forcément récents mais nouveaux pour moi. Je cherche les grandes lignes et les points de cassure, les hybridations et les révolutions, même silencieuses... Récemment je suis passé des fondateurs du rock'n'roll, au néo-psyché des années 2000, au pagan folk moderne, au stoner planant façon My Sleeping Karma, et ainsi de suite, de courant en courant, ça ne s'arrête jamais, il y a toujours un truc étonnant à découvrir ou à redécouvrir. Inépuisable !
Un artiste à mettre en avant ? Houla, il y en a trop que je voudrais citer dans plein de styles… Juste un alors, un album qui m’a bien accompagné pendant la création d’Inis, c’est The Arcane Dominion d’Eluveitie, un album de folk celtique fantasmé et puissant, moins metal que leurs autres albums (pas de voix gutturale ni de grosses guitares sur celui-là), une merveille.
7) Accepterais alors de mettre en avant deux personnes du monde ludique en avant, l’une pour ses compétences professionnelles, et l’autre pour son côté humain, l’un n’enlevant rien à l’autre ?
Alors... là c'est difficile... Encore plus que les autres questions ! Je trouve qu'il y a plein de gens super intéressants dans ce milieu, plein de passionnés qui ont tous leurs particularités, et qui, chacun à sa façon, apporte sa touche au paysage ludique. Plein de gens que j'ai plaisir à côtoyer pour certains ou à croiser occasionnellement pour d'autres. Plus tous ceux que je ne connais pas !
Bon, j'ai déjà parlé de Bruno, je vais pas en rajouter une tartine, alors tiens je vais parler de mon pote Fred, Fred Vuagnat dit Fred la Loutre. À la base il s'est trouvé qu'on a bossé ensemble comme ça sans spécialement se connaître, on a fait pas mal de projets ensemble, des petits, des moyens, pas vraiment de gros trucs, et puis on s'est vachement bien entendu côté boulot, et du coup on a fait 4 ou 5 jeux ensemble, dont un premier qui vient d'être signé, donc voilà on est content. On bosse super vite ensemble, on a une bonne entente, ou du moins on fait un bon ping-pong, tu vois ? On est rarement d'accord du premier coup mais on se comprends bien et ça rebondit ! Il faut relativiser, on bosse vite quand on bosse, parce que pour trouver les créneaux, c'est quand même pas simple !
Le fait est que je bosse beaucoup plus facilement en live qu'à distance, même si j'ai progressé de ce côté-là (ça devait pas être simple tous les jours pour Bruno quand on bossait sur Fourberies)... Bref donc voilà, Fred c'est un jeune auteur quand même, très prometteur, le gars il a déjà eu un as d'or pour Maître Renard, ça calme ! Et il a plein de projets en cours et de trucs qui arrivent, à suivre ! A part ça c'est un gars un peu brutos, tu vois, la diplomatie d'un bulldozer un peu, faut apprendre à le connaître, pas méchant mais, comment dire... des fois avant une rencontre avec un contact ou un truc à dire je lui dit "bon là tu me laisses parler" ! Bref ça me fait très plaisir de bosser avec lui. Salut copain !
Et puis un autre, un pro, un dur : Arnaud de Matagot. Matagot c'est deux associés, Hicham et Arnaud, et Arnaud c'est lui qui a suivi le développement d'Inis côté gameplay, et là je dois dire respect, c'est un pro. On a eu d'innombrables discussions sur plein de points et d'aspects d'Inis, et il est toujours prêt à faire avancer le truc, à trouver la meilleure solution. Il intègre les thèmes sous-jacents au jeu et cherche à mettre en valeur ta vision en tant qu'auteur.
Sur Inis j'avais quand même des exigences plutôt marquées voire un peu tordues sur pas mal d'aspects thématiques mais bon, il a tout écouté, tout pesé et dans l'ensemble on a pu tout faire ! Autre chose que j'apprécie beaucoup : c'est un vrai développeur, et il ne se pose en auteur bis ou co-auteur. Bon il peut faire des propositions mais c'est plus dans le sens "là y'a un truc qui me chiffonne" que "voilà comment on va faire". Du coup après à moi de trouver la solution. Et puis il a quand même réussi à avoir Jim Fitzpatrick sur Inis ! Bon bref j'aime beaucoup bosser avec lui aussi.
8) Pourrais-tu nous raconter une anecdote marquante drôle ou pas qui t'es arrivé avec un professionnel ou un joueur lors d'un festival ou à l'occasion d'un autre événement ?
Je ne suis pas un grand habitué des festivals... L'année dernière à Cannes un truc qui m'avait fait plaisir et fait réfléchir... Je faisais des animations Inis... Un truc que je dis souvent c'est qu'à Inis, tu en retires ce que tu y apportes, "what you give is what you get".
A un moment une famille vient pour jouer, les parents et deux jeunes ados, ok, je leur présente le jeu, ça les tente, je leur explique, je les accompagne sur une saison et je dois m'absenter un moment. Je reviens un peu plus tard, genre troisième saison, et ils avaient une île superbe, grande, pleine de constructions, pleine de clans partout qui cohabitaient dans tous les sens, énorme. Et j'ai assisté à la fin donc et en fait ils étaient tout simplement très peu agressifs, mais bien en compétition quand même, une sorte de "coopétition", et leur façon de jouer étaient visible dans l'île qui s'était constituée peu à peu !
Et ça m'a fait super plaisir de voir qu'avec les mêmes règles que n'importe qui ils avaient façonné une île "familiale" en quelque sorte. A comparer avec d'autres parties ou c'est la guerre tout le long, et où l'île finit avec trois pauvres clans. Mais bon, dans les deux cas ça marche, c'est juste une question de style et d'affinités.
J'ai vécu la même anecdote il y a peu en animation :-)
9) Je vais te citer 10 personnes du monde ludique, je voudrais que tu les définisses en un mot chacun, oui un seul !
Bruno Cathala, Bruno Faidutti, Croc, Juan Rodriguez, Matthieu D'epenoux
Philippe Des Pallières, Yannick Robert, Mathieu Leysenne, Gaentot Beaujannot, Ian Parovel
Je suis désolé mais je ne connais suffisamment que trois ou quatre de ces personnes, je préfère ne pas me prêter à cet exercice.
A la sortie d'Inis
10) Tu parlais d'entraide et de jeu coopératif. Nous vivons dans une société où l'on t'apprend dès le plus jeune âge à être le meilleur, l'éducation nationale te donne des notes, un classement...
Il a été prouvé par une étude scientifique que les enseignants crées inconsciemment des inégalités, une hiérarchie. Mais nous demandons ensuite naïvement à nos hommes politiques d'être « solidaires »
Mais ne sont -ils pas simplement malheureusement le fruit de notre éducation ? Penses-tu que l'on puisse arriver un jour à se défaire de cette manière de faire et si oui comment ?
Question complexe... En tout cas oui clairement il y a une dissonance...
Déjà effectivement l'école n'enseigne pas forcément très bien à travailler ensemble. La compétition comme principal moyen de motivation... disons qu'en tant qu'auteur de jeu je trouve ça faiblard. Cela dit si tu regardes bien, même ceux qui font de la gamification s'y trompent la plupart du temps !
Le problème c'est que ce culte ou cette névrose de la compétition rend les groupes peu productifs... Et malheureusement cette attitude se retrouve jusque dans les entreprises. Une petite expérience réalisable grâce au jeu pour montrer ça : lance une partie d'un jeu normalement coopératif comme l'Ile Interdite par exemple et annonce qu’il faut ramener les quatre trésors comme d’habitude mais que le vainqueur est celui qui ramène le plus de trésor. Qu'est-ce qu'il va se passer ? Tout le monde va perdre. Appliqué à l'entreprise par exemple pour moi cela veut dire que motiver par la compétition à l'intérieur du groupe plutôt que par le résultat global est une stratégie perdante.
Il y a aussi un autre phénomène en œuvre. Si les personnes qui légifèrent font partie de cette proportion de la population que la compétition motive, eh bien il vont valoriser la compétition, c'est un cercle vicieux.
Les moyens de s'en sortir... Bon, modestement je peux émettre des idées d'auteur de jeux ! Déjà reconnaître et utiliser d'autres facteurs de motivation que la pure compétition, ensuite poser des "conditions de victoire" qui poussent à la coopération, à l'émergence de synergies, et pas à la compétition à l'intérieur du groupe considéré.
Aujourd'hui malheureusement je pense qu'on est loin de ces considérations.
11) Nous sommes le lendemain du premier tour des élections présidentielles, et de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux s'en prennent à ceux ayant voter pour tel ou tel candidat, ou n'ayant pas voter, chacun reproche à l'autre de ne pas avoir fait comme lui.
Crois-tu possible que la France adopte un jour une politique de jeu coopératif et arrête de reprocher aux autres joueurs ce que le système du jeu lui-même lui fait subir ?
Je n'en sais rien, ça me dépasse ! Mais je ne pense pas que les personnes qui détiennent le pouvoir, directement ou indirectement, ne souhaitent voir instaurer des règles réellement coopératives, parce que ça voudrait dire une moins grosse part du gâteau. Mon sentiment c'est que ces personnes préfèrent avoir une grosse part d'un gâteau moyen, plutôt qu'une part équitable d'un gros gâteau. Parce qu'en coopérant, le gâteau est plus gros, ça aussi ça peut se démontrer avec des jeux ! Et pour empêcher tout le monde de coopérer... on en revient à la question de l'éducation... depuis le temps qu'on crée des élites, sabre dans l'éducation, fait l'apologie de l'ignorance, méprise l'intelligence... voilà, au bout d'un moment on a le résultat sous les yeux.
Si quelqu'un pouvait relayer Christian et son fils pour que ce dolmen ne tombe pas.
12) Pourrais-tu nous parler d'un auteur ou d'une œuvre importante à tes yeux, que ce soit en littérature, théâtre, cinéma, jeu... que tu souhaiterais faire découvrir ou redécouvrir à mes lecteurs ?
Alors… Choisir une œuvre… une seule, c’est rude… J’hésite… Bon déjà, instinctivement je pars sur un roman, je sais pas pourquoi mais voilà. Mais quoi ? Mes préférés, ceux qui m’ont vraiment marqués : Ubik de Philip Dick que j’ai découvert ado dans les années soixante-dix, Les Voies d’Anubis de Tim Powers, le sublime Neverwhere de Neil Gaiman, Baudolino et Le Pendule de Foucault d’Umberto Eco, Les Ritals de Cavanna, magnifique… Ou bien Lyonesse de Jack Vance… Lyonesse, c’est mon chouchou je crois…
Trois romans, Le Jardin de Suldrun, La Perle Verte et Madouc, où on trouve toute la truculence de Vance, les personnages attachants, les lieux fabuleux, les coutumes et les sociétés singulières, la magie, la bonne bouffe évidemment, les embrouilles politico-magiques et tout ça dans un contexte à la fois familier et dépaysant, historique et féérique, proto-arthurien, servi par une narration au top et des descriptions à la fois oniriques et naturalistes…
Et bien sûr aussi Pratchett, tout le disque-monde, un monument, une merveille !
13) Une soirée ensemble, mais nous ne nous connaissons pas ou très peu, je te propose de jouer à 3 jeux dans le but d’apprendre à se connaître, lesquels me proposes tu et pourquoi ? Ou bien préfères-tu faire des canulars téléphoniques à Matthieu d'Epenoux, un verre de Saint Véran à la main ?
Alors voyons… En ce moment je dirais Fabulosa Fructus de Friedeman Friese parce qu’on peut les enchainer, c’est malin et c’est light, on a l’occasion de discuter ! Tell Me, un jeu qu’on a fait avec Fred où on peut justement apprendre des trucs les uns sur les autres, et Evolution, parce que j’adore, je viens de m’acheter la petite extension et j’y jouerais bien là, alors si ça te dit tant mieux !
Avec le Saint-Véran en plus, très bien. Mais non, pas de canular téléphonique à Mathieu, on se connait à peine, allons voyons !
Inis à Essen
14) Le jour où tu devras quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiterais-tu que l’on retienne de toi professionnellement mais surtout humainement ?
Quitter le monde du jeu, c’est-à-dire arrêter de créer des jeux ? Déjà pour l’instant on peut pas dire que j’ai tellement marqué le monde du jeu, soyons réaliste ! Ce que je voudrais que l’on retienne de moi… Je crois que ce qui est à la fois mon obsession et ma fierté c’est la création. Ce n’est pas une activité qui m’est toujours facile mais je dois le faire. Ce n’est pas la création elle-même qui n’est pas facile, même si elle est toujours accompagnée du doute, c’est comment la gérer et ce que ça implique, le temps, le courage, la fatigue… Quoi qu’il en soit, au fil du temps ça m’a amené à composer de la musique, créer des jeux, écrire des scénarios et des pièces de théâtre, en mettre en scène, créer différents spectacles, créer des outils pédagogiques, certains plutôt ambitieux, tout ça de plus en plus avec des approches croisées… Voilà, mes créations, les émotions qu’elles ont pu susciter, si ça reste, c’est bien.
15) Malheureusement, c’est déjà la fin de cet entretien, Christian, en prenant en compte, ta vie professionnelle et personnelle, es-tu heureux ?
Oui, je crois bien ! J’ai ma chérie et mon fiston, j’ai un boulot plutôt créatif, je fais des jeux qui plaisent plutôt pas mal, j’ai toujours l’envie de découvrir des tonnes de trucs et pas assez de temps pour ça… Donc oui ! Bon je crois que pour que ce soit parfait il faudrait que je m’installe en Bretagne, mais on sait jamais, bientôt peut-être !
Question subsidiaire : Quels sont les coins que tu aimes en Bretagne?
Pleins !
La Cornouaille, les plages de la baie d’Audierne, le petit port de l’île-Tudy, les monts d’Arrée, la lande autour du roc’h Trédudon, le Yeun Elez, la montagne Saint-Michel de Braspart, Ty Elise et la petite crêperie de La Feuillée, le pays Pagan et la côte des légendes, Kerlouan et Meneham, la côte vers Plougrescan, Paimpol et Dinan, Bréhat, la ria d’Etel, la forêt et les hauteurs de Brocéliande, l’abbaye et l’étang de Paimpont, le château et le lac de Comper et les rêveurs de la forêt, le bout de campagne de mon pote Yanos près de Combourg, et toutes les criques secrètes et coins de rêve qu’on a pu découvrir au fil du temps… et plus que ça encore ! Déjà là ça donne envie hein ?
Je m'aperçois que j'ai encore plein d'endroit à découvrir!
Question subsidiaire 2 :
Christian m'a expliqué ne pas connaître tous les gens dont je lui avais proposé les noms, allant peu en festival, je lui ai donc posé une seconde question à la fin de l'entretien
Est ce dû à ton travail que tu fais si peu de festival ou à une réelle volonté de ta part, et si oui est ce par raison familiale ou simplement une histoire de goût?
Pour les festivals, c'est un peu de tout ça ! Quand je suis sur un festival pour présenter des choses ça me fait plaisir, mais à titre perso je ne passe pas plus d'une demi-journée sur ce type d'événements, après ça me lasse. Trop de choses, trop de nouveautés, trop de jeux !
À Essen j'ai été impressionné par l'ampleur du truc, à ce stade pour moi c'est trop, je ne sais pas où donner de la tête. D'ailleurs je suis reparti sans aucun jeu. L'autre côté sympa des festivals c'est de revoir les copains du milieu, joueurs, auteurs, éditeurs, illustrateurs. Mais voilà, je suis pas un assidu ! Et c'est vrai que je souhaite passer du temps avec ma famille, donc voilà, 2 ou 3 festivals par an ça me suffit pour le moment.
Merci à toi Christian :-)
Merci ! A bientôt !
Pour ceux qui souhaiteraient soutenir mes entretiens, voici ma page tipeee, même un petit geste fait plaisir et vous pourrez contribuer à d'autres interviews réalisés sur des festivals (Cannes, Paris est ludique, Essen...) :
Merci à mes Tipeeeurs de me soutenir : Arnaud Urbon, Bruno Faidutti, Emilie Thomas, Nicolas Soubies ,Virgile De Rais et dorénavant... Pierre Rosenthal!
Pour ceux qui souhaiteraient découvrir les précédents entretiens, mes animations ou suivre ma page facebook :
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Bruno Faidutti 1ère partie
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