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Jeux Viens à Vous Christophe Raimbault

Lorsque l'on cite Christophe Raimbault c'est le nom de Colt Espress qui nous vient immédiatement à l'esprit.
Mais peut-on résumer son auteur à cela? 
Ludothécaire, ancien chroniqueur ludique, certains diront journaliste mais je n'approuve pas ce terme, auteur également de Sandwich, un magnifique petit jeu d'ambiance.
J'y vois avant tout une belle sensibilité.
Avec Christophe, nous évoquons la problématique de l'art dans le monde ludique, de son succès avec Colt Express et de ses répercutions, de sa relation avec les Ludonautes, d'Antoine Bauza et Romaric Galonnier et des conflits d'intérêt dans le monde ludique...

 

 

1) Christophe Raimbault bonjour, aurais-tu la gentillesse de te présenter ? 

 

Salut Emmanuel,

Soyons gentils, répondons donc à ce que tu me demandes...

Et toi, cher lecteur, qui es-tu ? 
Ça m'intéresse tout autant.

Bon d'accord, je commence...

 

Voici en vrac des choses que j'aime et qui n'ont rien à voir avec le jeu :
la méditation, la soupe, la colocation, les vêtements confortables, les nouvelles rencontres, les peluches, la psychologie, le jonglage, le chant, les hamacs, les trucs un peu farfelu...

Sinon dans le civil je suis auteur de jeux à mi-temps et ludothécaire à mi-temps.

C'est l'équilibre que j'ai actuellement trouvé, la création étant tout de même un passe-temps assez solitaire.

Mon travail en ludothèque me permet d'avoir des horaires fixes mais surtout d'avoir mon quota de contact humain quotidien.

Même si le jeu est central dans le métier du ludothécaire, il n'est que l'outil qui permet d'accompagner les familles adhérentes de la ludothèque dans leur démarche de parentalité et d'éducation.

En gros, vous l'aurez compris, j'aime bien papoter (et je cherche des excuses pour pouvoir continuer...).


2) Tu as en partie répondu mais que représente le jeu pour toi ? Le fait de jouer ? Mais également le fait de faire jouer ?

A la fin de mes études en informatique, Je me suis longuement demandé pourquoi le jeu me passionnait tant et ce qu'il m'apportait (et si je n'étais pas tout simplement "addict").
C'est dans cette démarche que je me suis tourné vers une année de master en sciences du jeu et de l'éducation à la fac de Paris 13.
Je n'ai alors évidemment pas véritablement répondu à ces questions, mais cela m'a permis de prendre du recul sur le jeu et de l'appréhender de manière un plus théorique.

Le jeu est un moyen efficace de voyager avec ses amis sans changer de place.
Chaque jeu propose une expérience unique à vivre à plusieurs.

Le nombre d'expériences différentes proposées est aujourd'hui extrêmement riche.

Un peu à la manière d'un livre, on peut aimer les polars et pour autant s'ennuyer avec un roman fleuve... Jubiler avec une comédie romantique mais s'ennuyer avec un roman de science-fiction.

En tant que joueur, plus je joue, plus je deviens difficile...

Je recherche aujourd'hui une expérience forte avec une préférence pour tout ce qui est narratif, immersif et avec beaucoup d’interaction entre les joueurs. Avec le jeu, j'ai envie de rêver, d'avoir des émotions et de passer un vrai moment partagé.

En tant que créateur, j'essaye d'imaginer exactement le genre d'expérience que je recherche en tant que joueur.

J'essaye toujours des choses nouvelles, que je ne retrouve pas ailleurs.

Je vois le monde ludique comme une sorte de laboratoire géant où l'on a la chance de tester tout plein de choses...

Vu le cycle de vie très court des jeux actuels, il y a beaucoup d'essais peu concluants mais ça fait partie du processus créatif.

Un jeu moyen peut toutefois receler des idées excellentes qui seront mieux mises en valeur dans un autre jeu s'en inspirant.

C'est à force d'itérations qu'on simplifie, fluidifie et trouve une très bonne mécanique.

Il n'y a pas de bon jeu en soi : il y a un bon jeu pour une certaine personne dans une situation donnée.

- Il y a le bon jeu pour tata Gertrude quand elle s'ennuie avec ses petits-enfants.

- Le bon jeu pour un groupe de 7 geeks pendant leur pause du midi.

- Le bon jeu pour une douzaine de copines en soirée pyjama...

 

Le créateur du jeu est le garant de l'expérience vécue par les futurs joueurs.

Il doit guider leur apprentissage, construire leurs épreuves, éviter les complexités inutiles et maintenir un rythme haletant.

Il doit cibler ses objectifs initiaux. 
Tout commence par un "Et si..."

Évidemment c'est plus facile à dire qu'à faire, j'ai encore pas mal de boulot pour en arriver là…

Vieille photo de test d'un proto de Colt avec Cédric

3) Dans ta façon de t'exprimer sur le jeu, tu me contrediras si je me trompe, j'ai l'impression que tu as une vision artistique du jeu.
Quelque chose qui est d'ailleurs « à la mode » actuellement dans le monde du jeu.
Est-ce bien le cas ou fais-je fausse route ?


La création de jeu est évidemment une démarche artistique. 
Bien sûr, certains projets sont plus "commerciaux" qu'"artistiques", mais c'est toujours une nuance complexe à définir.

Pour la loi française, le jeu de société n'est toujours pas considéré comme une "œuvre de l'esprit" et les auteurs de jeu ne peuvent donc pas prétendre aux droits qui y sont attachés. Les auteurs de jeu devraient donc déposer un "brevet" pour chacune de leur "invention".

C'est peut-être vrai dans quelques projets de créations très mécaniques où les mathématiques et la logique sont les seules préoccupations. 
Mais aujourd'hui un jeu de société n'est pas qu'une mécanique, c'est aussi un univers, une ambiance, une expérience émotionnelle, sensorielle parfois, humaine souvent...

 


 

4) Je vais me permettre d'aller à ton encontre afin d'explorer cette question.
Certains films me bouleversent, certaines musiques me font pleurer, des livres ont changé ma vision du monde.
Mais en 37 ans de jeux, je n'ai pas souvenir d'avoir pleuré pour un jeu, d'avoir été bouleversé jusque dans mes tripes les plus profondes.
Le jeu ne serait-il pas simplement une passion certes très prenante parfois, mais où le fait d'être acteur de l'œuvre empêche de se livrer complètement à l'artiste nous présentant son œuvre comme nous pouvons le faire avec Bach, Chateaubriand ou Kubrick ?
Peut-on vraiment comparer la puissance de ces derniers à une partie de jeu?
Penses-tu que je suis simplement passé à côté de certains jeux, que l'art peut se définir autrement ou que le jeu n'en est qu'à ses simples balbutiements ?


Merci de me remettre un peu dans le droit chemin, j'ai tendance à m'emporter ;)

Non, je ne pense pas qu'un jeu de société soit comparable à une œuvre de Bach ou de Chateaubriand.

Toutefois, je ne pense pas non plus que ce soit le fait d'être acteur qui empêche de se livrer complètement à l'artiste.

Un violoniste par exemple est acteur et doit se livrer en étant au contact de ses propres émotions pour pouvoir interpréter pleinement un morceau de musique.

Dans le jeu de société "traditionnel", il n'y a ni musique, ni narration complexe qui permette d'entrer dans des états émotionnels intenses.

Mais ces dernières années la frontière entre le jeu de société et d'autres univers plus immersifs devient de plus en plus floue.

Si on prend le jeu au sens large, les jeux les plus immersifs sont à mon sens : les escape games, les murders, les jeux de rôle (papier ou grandeur nature), les livres dont vous êtes le héros et pourquoi pas même les matchs d'improvisation théâtrale...

Voici donc quelques exemples de jeux qui sont hybrides :

- Unlock est proche d'un escape game avec notamment présence de musique et sons d'ambiance...

- Sherlock Détective Conseil : basé sur le système de livres dont vous êtes le héros avec les indices distillés un peu comme dans une murder.

- Château Aventure est à la limite entre le jeu de rôle et le livre dont vous êtes le héros.

- Petit Meurtres et Faits Divers reprend une grande partie des codes d'improvisation théâtrale

- Time Stories et 7th Continent se situent aussi entre le jeu de rôle et le livre dont vous êtes le héros

 

Pourquoi certaines campagnes de jeux de rôles sont-elles si prenantes que ses participants sont très affectés à la mort de leur personnage ? Ils s'y sont attaché, l'aventure a duré plusieurs mois voire plusieurs années. On a vécu de nombreuses aventures avec ce personnage. Le maître du jeu a eu le temps de développer une véritable intrigue, un scénario de grande ampleur.

 

Pour faire simple, quand on crée un jeu de société, on crée une scène d'un film.

Même si on veut son jeu immersif, on ne va pouvoir créer que la scène de course poursuite, la scène d'affrontement, la scène de d'attaque du château fort...

Le contexte n'est généralement posé que très brièvement, en quelques phrases, quelques images...

Je ne pense pas que j'aurai pleuré si je n'avais vu que la scène où la maman de Bambi est abattue par les chasseurs. C'est le contexte fort qui va m'amener à avoir de l'empathie pour ce petit faon sans défense...


Le développement des jeux à scénario fort et à campagne permet d'enrichir ce contexte qui peut créer des émotions plus fortes. 
Et bien c'est tout cela notamment que permet actuellement le développement des jeux dits "Legacy".

Je m'estime très chanceux de vivre à cette époque où toute cette tendance de jeux immersifs et narratifs voit le jour !

J'espère pouvoir y contribuer un tout ch'ti peu ;)

5) Tu es connu en grande partie pour Colt express, un énorme succès.
J'ai cru comprendre que l'après Colt Express avait été difficile à gérer pour toi.
Pourrais-tu nous raconter les sentiments qui t'ont traversé au fil de cette aventure avec les ludonautes, de la joie du Spiel et de l'As d'or au contrecoup que l'on peut ressentir ensuite, des nouveaux amis qui peuvent apparaître et des questionnements que l'on peut se poser sur l'avenir ?


Des éléments très diverses sont mélangés dans cette question et je vais essayer de démêler tout ceci.

Effectivement Colt Express est un énorme succès et ce fut tout d'abord une grande surprise. Même si on sent que petit à petit on parle du jeu un peu partout c'était vraiment génial. 

L'émotion la plus forte de l'aventure ne fut pas pour moi le Spiel (même si c'était génial), mais la signature du jeu avec Cédric et Anne-Cécile (M. et Mme Ludonaute). Je les ai rencontrés au tout début de leurs démarches éditoriales et suivi depuis lors. Ils sont très vite devenus de supers amis, et mon rêve était de pouvoir signer un jeu avec eux ! Quelle joie ce fut ensuite de pouvoir travailler ensemble sur tout le développement du jeu ! Si c'était à refaire, je signerai tout de suite de nouveau.

                              Couverture non finale de Colt Express

 

 

La difficulté que j'ai rencontrée à ce moment-là se situe plus au niveau personnel que professionnel même si ça a son importance.

Depuis la fin de mes études (et bien avant la sortie de Colt Express), j'ai vécu plusieurs années difficiles, submergé par un trouble anxieux important et des crises d'angoisse à répétition. L'épisode n'est pas complètement clos aujourd'hui, mais on va dire que j'ai enfin réussi à trouver une certaine stabilité émotionnelle et dans ma vie en général qui me permettent de penser au futur plus sereinement.

 

Quand est arrivé l'épisode Colt Express, j'étais en plein dans cette "tourmente". Les festivals de jeux blindés de monde étaient très durs à vivre pour moi (je n’étais plus "juste" un visiteur) et empiraient mon état d'anxiété.

Sans stabilité dans ma vie il m'était alors très difficile de continuer pleinement mon travail créatif, il y avait plus important à gérer.

Il m'était alors difficile de gérer un poste à plein temps quel que soit le métier.

Les Ludonautes m'ont gentiment proposé de venir travailler à leurs côtés, ce que j'ai fait pendant plusieurs mois. Ce ne fut pas une période facile, car les missions qu'ils me proposaient étaient plus de l'ordre de l'édition que de la création et cela ne me convenait pas.
J'ai donc déménagé de nouveau en haute Savoie où j'ai trouvé un cadre de vie, un métier, une copine, bref c'est top...
Je recommence aujourd'hui tranquillement à aller dans les festivals petit à petit et ça me fait bien plaisir ;) Je ne me suis jamais senti aussi bien dans mes projets créatifs, et vous devriez en voir arriver quelques-uns dans les années à venir.

 

Tu parles de "l'après Colt Express", mais en vrai on est encore en plein de dedans. Nous travaillons en ce moment sur deux gros projets pour le jeu. 
Cette année devrait sortir un pack de personnages à intégrer à vos parties. Ce sera un personnage qui joue seul (sans joueur derrière pour le contrôler), chacun apportant son scénario spécifique pour pimenter la partie. Par exemple, Cheyenne vous tire des flèches empoisonnées, Django pose régulièrement des dynamites sur son passage. Le jeu devient vraiment génial même à 3 ou 4 joueurs (alors qu'auparavant, le jeu manquait un peu de peps à mon goût avant 5 joueurs).

Nous commençons à développer une version de Colt Express coopérative, et ça va envoyer du lourd ! Nous ne sommes qu'au tout début du développement cependant, ce n'est donc pas encore pour tout de suite.



Quand je disais l'après Colt Express, c'était évidemment après la sortie du jeu de base.
Je souhaite une longue vie au jeu et à ses extensions !  : -)


6) C'est tout à ton honneur d'oser parler de ses crises d'angoisse, et avant de parler du futur de Colt Express, j'aimerais évoquer le sujet avec toi si tu l'acceptes évidemment.
En tant qu'infirmier j'ai pu remarquer que ces troubles affectent bien évidemment les gens qui en souffrent, perturbent la vie familiale, amicale, sociale, professionnelle de la personne.
Des hospitalisations parfois nécessaires vont aider au rétablissement mais sont encore parfois mal vues au niveau de la société (préjugés sur la psychiatrie...).
6 A) Comment toi et ta famille avez-vous vécu l'apparition de ces troubles, de ce que cela t'a peut-être provoqué comme problèmes avec ton employeur, tes amis etc....
6 B) Dans le cas, où tu aurais vécu une ou des hospitalisations, comment as-tu vécu la chose, et que mets-tu en place afin de vivre au mieux ta maladie ?


L'arrivée de ces troubles fut soudaine, violente et incompréhensible.
Ce fut mal diagnostiqué, vite compris et peu accompagné par mes premiers contacts avec le corps médical.

J'ai donc dû rechercher seul des solutions pour essayer d'aller mieux.


De ce que j'ai pu expérimenter :
C'est dur à accompagner pour la famille qui s'inquiète lors des crises et se sent impuissante. 
C'est compliqué pour l'employeur qui doit gérer des absences régulières et peu justifiées et qui perd petit à petit confiance dans la régularité du salarié...

Le corps médical ne détecte rien d'anormal d'un point de vue strictement physique ou physiologique.

La solution n'est pas unique mais multiple. Pour aller mieux j'ai dû retrouver un équilibre global :

physique (alimentation, sport adapté, connaître mon corps et ses besoins de repos...)
psychologique (suivi psychologique, lectures de développement personnel...)
énergétique (renouer le contact entre corps et esprit, méditation...)

Globalement il fallait comprendre comment dompter un corps hypersensible et un esprit hyperactif. 
Et j'avoue être encore loin d'y arriver pleinement ;)

 

A vrai dire, j'estime avoir beaucoup de chance car j'ai été forcé par ces troubles à trouver un rythme de vie plus sain.

Si mon corps n'avait pas dit "Stop", j'aurais continué à 300 à l'heure sans me poser toutes ces questions.

Je me connais mieux et j'ai beaucoup appris sur les autres aussi...

Je ressors de cette expérience grandi et heureux de mon tout début de transformation : c'est le boulot de toute une vie.

 

Qu'est-ce qui, selon toi, a fait que tu as mal été accompagné par le corps médical ?
Une mauvaise écoute ? Une volonté d'expédier l'affaire ? La mauvaise personne en face de toi ? Autre chose ?

Christophe préfère parler de cela en OFF.

 

7) Continuons avec Colt Express.
Antoine Bauza m'indiquait il y a 3 ans lors d'une conférence que suite au succès de 7 Wonders qu'il se sentait parfois un peu pressé par Repos Prod pour réaliser des extensions, et qu'il avait à certains moments envie de passer à autre chose.
J'imagine que les Ludonautes ont dû te faire logiquement la même demande.
Comment vis-tu cette demande, qui pour un auteur est certes une source de revenu, mais également une « perte de temps » pour réaliser d'autres jeux que tu aurais peut-être en tête ?


Chaque extension a été une aventure à part et je ne l'ai pas vécu de la même manière à chaque fois...


Le plus gros choc fut sans doute à un certain festival de Paris Est Ludique en juin 2014. Sur le stand Ludonaute on ne présente que le prototype "final" du jeu qui ne sortira réellement qu'en octobre pour le salon d'Essen. Déjà les retours des testeurs et des magasins est très bons et le jeu semble "attendu".

Tant et si bien que Cédric & Anne-Cécile me demandent comme si de rien n'était : "Ce serait bien que tu réfléchisses à une extension pour Colt Express".

J'étais un peu sonné sur le coup, j'ai donc dû prendre un peu de temps pour répondre : "Ok, mais seulement si on met une diligence !".

En plus ça tombait bien, on avait supprimé la règle de l'arrivée à cheval dans le jeu de base et ça s'intégrait parfaitement.

On va dire que les idées majeures étaient déjà là, le travail de développement fut donc très agréable car on avait suffisamment de temps.

Ensuite je me suis amusé à développer tout un tas de petits modules complémentaires pour étoffer l'univers et les mécanismes du jeu. Parmi ces modules, il y en a beaucoup qui ne verront sans doute jamais le jour. Ces modules contiennent toutefois ce qui a servi de base à développer l'extension Marshall & Prisonnier, Le module de Personnages qui va sortir cette année, et une prochaine extension coopérative sur les Indiens...

A vrai dire, la chance avec Colt Express c'est que ça raconte une histoire forte. Et il y a donc toujours de nouvelles parties de l'histoire à raconter...

En plus c'est un jeu de programmation et c'est donc construit de façon modulaire. C'est donc relativement simple d'inventer de nouveaux éléments qui vont s'intégrer dans la résolution.



7 B) D'ailleurs, as-tu présenté, au Ludonaute ou à d'autres éditeurs d'autres jeux qui ont été refusé

Oui c'est frustrant à certains moments de devoir travailler sur des extensions et ne pas pouvoir travailler sur d'autres projets.

Et en même temps, entre chaque projet d'extension nous avons toujours observé un temps de pause avec les Ludonautes. On a toujours pris du plaisir à travailler sur le jeu. Même les tests étaient vraiment sympa et nous donnaient envie d'y rejouer. Mais après des dizaines de parties test, on se lassait forcément un peu. On a donc attendu à chaque fois l'envie de se remettre à travailler. Et cette envie s'est toujours fait sentir naturellement de leur côté comme du mien et pas que pour les ventes, mais surtout parce qu'on adore travailler ensemble sur le prolongement de cet univers.

Cédric et Anne Cé', Christophe, Jordi Valbuena illustrateur de Colt Express, et Marinella ancienne Ludonaute.

8) Accepterais-tu d'ailleurs de nous parler des Ludonautes et de ta relation avec eux ?
8 A) Soyons galant et commençons par Cédric.

Comment le définirais-tu avec ses qualités et ses défauts ?
8 B) Même question pour Anne-Cécile ?
8 C) Je ne sais pas si tu as eu l'occasion de travailler avec Ian, si oui, même question également !

Tout cela sans langue de bois évidemment ! ;-)

Déjà, commençons par des qualités qui les caractérisent tous les trois :

Bienveillants, sensibles et affectueux.

C'est exactement le genre de personnes avec qui je me sens bien, et du coup je ne me lasse pas de travailler à leurs côtés.
Ce sont d'abord des amis avant d'être des collègues de travail.

 

Cédric

Passionné, cartésien, super franc, drôle.


Si c'était un personnage de D&D : Le Barbare (On fonce dans le tas ! Ça va passer... Sûr...).
Si c'était un personnage de Friends : Chandler, toujours une bonne vanne en stock (même si c'est la 15ème fois qu'elle sort d'ailleurs).

Si c'était un personnage de Disney : Baloo sans hésiter ! C'est papa Ours.


Un anecdote typique qui me fait toujours rire quand j'y repense :
Cédric me crie de l'autre bout de la maison (occupée par toute la famille Ludonaute) : "Christophe, je peux te poser une question personnelle ?".

 

Anne-Cécile

Diplomate, organisée, attentionnée, courageuse.

Si c'était une classe de D&D : Barde (entretient la bonne humeur du groupe).

Si c'était un personnage de Friends : Monica (c'est grâce à elle que ça fonctionne).

Si c'était un personnage de Disney : Vaiana (aventureuse, bienveillante).

Ian

Créatif, talentueux, perfectionniste, têtu.

Si c'était une classe de D&D : Magicien (C'est moche ? Un coup de baguette magique et hop : ça pète le staïle).

Si c'était un personnage de Friends : Joey (décalé, taquin, attachant).

Si c'était un personnage de Disney : Mushu dans Mulan : fougueux, fidèle, sympathique et serviable.

 

Joey dans Friends c'est bien lui ? ;-)
https://www.youtube.com/watch?v=l5sg4FCqDuQ

9) Tu es également l'auteur d'un excellent petit jeu bien gourmand : Sandwich !
Tu souhaiterais nous en dire un mot ?

 

Miam !

Un mot c'est un peu court pour résumer cette aventure.

Mais j'ai eu beaucoup de chance d'avoir l'occasion de faire éditer le jeu d'abord chez Le Joueur en 2011 puis chez Repos Production en 2013.

Quand on voit le cycle de vie des jeux de plus en plus court aujourd'hui...

Mais c'est toujours un peu avec un pincement au cœur quand je pense que le jeu n'est plus disponible aujourd'hui en boutique alors que les joueurs (de tous âges, surtout les plus jeunes) m'en parlent avec la banane.

 

Ce qui est intéressant, c'est de voir ce que le jeu a généré chez le public.

 

Voici mes meilleurs souvenirs sur le jeu :

- Les sessions de Sandwich "Live" organisées par les joueurs : ils goûtaient vraiment les sandwichs ! J'ai participé à une session et c'était vraiment épatant. Ca demande par contre une vraie organisation pour ne pas trop gaspiller.

- Une partie de sandwich à 25 personnes en même temps lors du festival de Cannes 2011 ou 2012

- Une partie à Essen avec un couple italien, un allemand et un anglais... Ils jouaient sans se comprendre mais pouvaient quand même jouer ensemble. L'estomac, ce grand fédérateur !

- Le message d'une joueuse sur le net me disant que c'est le premier jeu de société qui plaît à sa grand-mère... il n'est jamais trop tard !

Test d'un proto à rôles cachés sur le thème de super héros. Le jeu en est au tout début du développement.
(A gauche : Jos la maman de Cédric).

10) Tu aurais d'ailleurs une anecdote marquante drôle ou émouvante à nous raconter qui te soit arrivé sur un festival par exemple ?

C'était au festival de Cannes de 2011, Sandwich était alors nominé pour le prix. C'était carrément inespéré, je n'y allais pas vraiment pour gagner le prix, j'étais déjà très heureux que le jeu soit nominé.

La cérémonie de l'as d'Or était alors ouverte uniquement aux professionnels et se faisait lors d'une soirée repas où tout le monde était à table. L'organisation cherchait toutes les bonnes âmes qui avaient des idées pour animer la soirée.

Mon éditeur de l'époque, Guillaume Besançon, avait alors accepté sans me demander mon avis de proposer une animation Sandwich à toutes les tables pendant cette soirée. Ça partait au départ d'une bonne intention et je pense qu'il croyait alors me faire plaisir, mais dès qu'il m'en a parlé j'étais furieux et pour deux raisons.
Premièrement, il y avait 10 minutes en tout et pour tout pour cette animation. C'est à dire pour expliquer les règles et faire jouer une "mini" partie de Sandwich. Le temps n'était clairement pas suffisant et j'ai donc laissé Guillaume gérer l'explication sur scène.

Le deuxième point était le plus problématique : celui de l'objectivité. Bien sûr, le jury avait déjà pris sa décision au moment de la soirée, mais "obliger" tous les acteurs du monde ludique présents à la soirée à jouer à ce jeu... Pourquoi pas les autres de la sélection ? Je trouvais que ce n'était vraiment pas adapté à la situation.

Bref, j'étais à la fois honteux et furieux à ma table, heureusement que j'étais alors bien entouré de toute l'équipe de Repos Prod, toujours au taquet. Je me souviens que pendant la partie, on a trouvé une carte blanche dans notre boîte de Sandwich (un problème d'impression ?) et qu'ils s'étaient mis à dessiner des ****. On a ri, et c'est comme ça qu'est né la carte "ingrédient mystère" de la version de Repos Prod.

 

11) Si tu devais me citer deux personnes du monde ludique, l'une pour ses qualités professionnelles et l'autre pour ses qualités humaines, l'un n'enlevant rien à l'autre et vice versa ? En expliquant pourquoi.


Antoine Bauza pour ses qualités professionnelles.

Il a une organisation de travail super au top. Dans une de ses interviews j'ai notamment appris qu'il faisait un suivi des versions de chaque prototype sur lequel il travaille. Je m'y suis mis un peu sur le tard mais ça m'aide beaucoup !

Il lit beaucoup de littérature sur les milieux du game design, du jeu vidéo... son blog donne d'ailleurs de très chouettes idées de lecture.

Antoine a réussi avec la cafetière à créer un lieu de travail collaboratif assez fascinant, j'espère y retourner bientôt ;)

Romaric Galonnier pour ses qualités humaines.

Nous travaillons ensemble régulièrement sur différents prototypes et c'est toujours un immense plaisir.

Romaric a le cœur sur la main, et c'est un exemple d'humilité.

Il s'investit à fond dans les projets auxquels il croit : la société des auteurs de jeux et le festival de Toulouse notamment.

Pour connaître Romaric, il faut surtout jouer avec lui, c'est vraiment rigolo ;)

12) Si tu devais définir en un seul mot, oui un seul, ces personnalités du monde ludique ?

 

Je n'en connais aucun vraiment personnellement, je n'ai échangé que quelques mots avec chacun donc ça ne va pas être très recherché !

Je me donne le droit aux mots composés ;)

 

Matthieu d'Epenoux : Businessman

 

Gaetan Beaujannot : Forgeron

 

Philippe des Pallières : Acteur de théâtre

 

Marc Nunes : The boss

 

Croc : Figuriniste

 

Nadine Seul : Chef d'orchestre

 

Marie Cardouat : Faiseuse de rêves

 

Aldebaran Geneste : ? (désolé je ne le connaissais pas)

 

Monsieur Phal : Monsieur Loyal

 

Christophe Raimbault : Savant fou

Test de "Space Mission" (Nom non définitif). Jeu coopératif dans l'espace à sortir.

13) Toi qui a travaillé dans la presse ludique, par rapport au formidable tremplin économique que connaît le monde ludique, il y a forcément des rumeurs qui courent dont l'une avec Monsieur Phal qui a été accusé de nombreuses fois de décider de l'As d'or, d'être vendu à Asmodée et de mener le jury. L'année dernière c'est directement le patron de Iello qui a réalisé de nombreuses critiques envers le jury.

Hélène Graveleau, membre du jury et rédactrice en chef de Plato, magazine qui est la propriété de la société Megalopole, propriétaire également de Sit down, éditeur distribué par Atalia, vainqueur de l'As d'or enfant.
Bien qu'on puisse avoir une confiance dans la probité du monde ludique, crois-tu que celui-ci devrait faire preuve de plus de transparence et éviter les conflits d'intérêts afin d'éviter ce genre de rumeurs comme nous le demandons aux hommes politiques ou penses-tu que ces situations sont trop différentes pour les comparer ?


C'est une question à laquelle il est difficile de répondre.

Aujourd'hui, les sorties sont tellement foisonnantes que les médias et les prix ont de plus en plus d'importance dans les futurs achats du grand public.
Un joueur occasionnel doit forcément se fier aux avis extérieurs car se renseigner sur toutes les sorties demande aujourd'hui un temps considérable.

En premier lieu, il parait intelligent de faire apparaître dans le jury des acteurs de la "presse du jeu". En effet, les professionnels de l'information sont les plus à même de pouvoir "sentir" une pépite, voire une originalité, un terrain non encore exploité, une nouvelle mouvance, une qualité d'édition hors pair...

D'un autre côté, les professionnels sont tous impliqués dans le milieu du jeu et y ont souvent plusieurs casquettes. Chacun a ses amis, ses éditeurs préférés, ses collaborateurs professionnels proches etc (et c'est bien naturel).

A partir de ce moment, il s'agit alors effectivement d'une question de probité et de conscience professionnelle.

Imaginons que je fasse partie d'un jury ludique et qu'un jeu Ludonaute fasse partie des sélectionnés.

Si je trouve que le jeu Ludonaute est le meilleur, il faudrait donc que je ne vote pas pour lui pour que personnes n'ait de doutes ?

Dans ce cas, peut-être que le mieux serait encore de me retirer du vote ?

Le monde du jeu est principalement un univers de passionnés. Chacun a ses préférences ludiques et s'implique généralement auprès des éditeurs qui lui correspondent. Il n'est pas étonnant à partir de là que ses jeux préférés viennent d'éditeurs qui sont plus ou moins proches de son champ d'activité.

Pour n'avoir aucun problème, il faudrait que le jury ne soit composé que de joueurs passionnés non impliqués dans le monde professionnels (pour peu qu'on arrive à en trouver) et là encore, on pourrait se poser des questions. Notamment sur la pertinence des choix, sachant qu'ils n'ont pas une bonne connaissance du milieu professionnel.

A mon sens, il y a deux manières de rendre les prix moins "douteux" :

- Avoir un nombre de jurés suffisamment important pour que l'influence d'un seul participant ne soit pas trop important.

- Chaque prix devrait expliquer plus en détail la manière dont sont faits les choix des sélections, des votes internes au jury. Impliquer le vote du public est aussi une manière de donner du pouvoir au "peuple" ^^

Je ne connais pas bien Monsieur Phal, mais concernant Plato magazine où j'ai été rédacteur, je peux plus facilement avoir un avis de la situation.

Depuis des années, les rédacteurs de Plato magazine se sont toujours sentis concernés par la question de probité et d'objectivité...

Lorsque j'ai sorti mon premier jeu Hacker, on s'est longtemps demandé s'il devait apparaître ou non dans le magazine. Au final il est apparu mais c'est un autre rédacteur qui s'en est chargé (je ne le connaissais pas, et ne l'avais jamais rencontré). Je savais qu'en interne, on n’avait alors aucun problème d'objectivité, mais le public lui, ne connaissant pas le contexte, peut se poser des questions sur l'objectivité.

Effectivement, les liens entre Plato Magazine et Sit Down restent étroits mais je n'ai absolument aucun doute sur l'objectivité et l'intégrité d'Hélène. Elle dit ce qu'elle pense quand elle le pense et n'hésite pas à dire si un jeu Sit Down ne lui plaît pas. Je suis certain qu'il n'y a pas de problèmes de lobbying interne chez Plato mais là encore le grand public n'est pas au fait du contexte...

14) Si tu devais nous parler d'une œuvre ou d'un auteur important à tes yeux que tu souhaiterais faire découvrir ou redécouvrir que ce soit en littérature, musique, cinéma etc.... ?

 

Quelle question difficile, il y en a tant que j'apprécie.

Si je devais n'en choisir qu'un ce serait sûrement Thomas d'Ansembourg, psychologue belge auteur entre autres du livre "Cessez d'être gentil soyez vrai". 

Il est formateur en CNV (Communication Non Violente). Comme il le dit la CNV permet de « se relier efficacement à soi et à l'autre », c'est-à-dire prendre pleinement conscience de ses propres sentiments et de ceux de l'autre. Il permet notamment de résoudre les situations de conflits du quotidien avec bienveillance et respect.

Ses lectures et conférences (dont certaines sont disponibles sur youtube) m'ont passionné et chamboulé dans mes habitudes de vie.

Il est passionnant, profondément bienveillant et ne demande qu'à être un peu plus reconnu à mon sens ;)

Les protos en cours

 

 

15) Le jour où tu devras quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiterais-tu que l’on retienne de toi professionnellement mais surtout humainement?

 

Il en faut peu pour être heureux...

 

16) C'est malheureusement la fin de cet entretien, Christophe, en prenant en compte ta vie professionnelle et personnelle es-tu justement heureux ?

Oui !

Pour citer un de mes acteurs préférés :

"Vous savez, moi je ne crois pas qu'il y ait de bonnes ou de mauvaises situations. Moi si je devais résumer ma vie, aujourd'hui, avec vous, je dirais que c'est d'abord des rencontres, des gens qui m'ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j'étais seul chez moi, et c'est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée, parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l'interlocuteur en face, je dirais le miroir qui vous aide à avancer ; alors ce n'est pas mon cas comme je le disais là, puisque moi au contraire j'ai pu et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie, je ne suis qu'amour, et finalement quand beaucoup de gens aujourd'hui me disent : Mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ? Et bah je leur réponds très simplement, je leur dis : c'est ce goût de l'amour, ce goût donc qui m'a poussé, aujourd'hui, à entreprendre une construction mécanique mais demain, qui sait, peut-être, simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi..."

https://www.youtube.com/watch?v=I1EFYiVKcok

Merci Christophe pour ta bonne humeur et ta sincérité

Pour ceux qui souhaiteraient soutenir mes entretiens, voici ma page tipeee,  même un petit geste fait plaisir et vous pourrez contribuer à d'autres interviews réalisés sur des festivals (Cannes, Paris est ludique, Essen...) : 

Ma page Tipeee 
 

Merci à mes Tipeeeurs de me soutenir  : Arnaud Urbon, Bruno Faidutti, Emilie Thomas, Nicolas Soubies ,Virgile De Rais, Pierre Rosenthal, et Ludikam! 

 

Pour ceux qui souhaiteraient découvrir les précédents entretiens, mes animations ou suivre ma page facebook  : 

http://www.facebook.com/jeuxviensavous/
 

Saison 1

Yves Hirschfeld
Benoit Forget
Bruno Faidutti 1ère partie
Bruno Faidutti 2ème partie
Naiade
François Haffner 1ère partie
François Haffner 2ème partie
Pierô Lalune
Timothée Leroy
Mathilde Spriet
Sébastien Pauchon
Tom Vuarchex
Vincent Dutrait 1ère partie
Vincent Dutrait 2ème partie
Christophe Boelinger 1 ère partie 
Christophe Boelinger 2ème partie
Régis Bonnessée
Roberto Fraga 1ère partie
Roberto Fraga 2 ème partie
Cyril Demaedg
Bruno Cathala 1 ère partie
Cyril Blondel
Bruno Cathala 2ème partie
Yahndrev 1ère partie
Yahndrev 2ème partie
Emilie Thomas
Sebastien Dujardin
Florian Corroyer
Alexandre Droit
Docteur Mops 1ère partie
Docteur Mops 2ème partie
Arnaud Urbon
Croc
Martin Vidberg
Florent Toscano
Guillaume Chifoumi
Nicolas Soubies
Juan Rodriguez 1ère partie
Juan Rodriguez 2ème partie
Bony
Yannick Robert
Docteur Philippe Proux
Franck Dion 1ère partie
Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie
Yoann Laurent
Carine Hinder et Jerôme Pélissier
Dominique Ehrhard
Christian Martinez
Maxime Savariaud
Véronique Claude
Shadi Torbey

  

Saison 2 
 

Fabien Bleuze
Serge Laget
Djib 1ère partie
Djib 2me partie
Florian Sirieix
Farid Ben Salem 1 ère partie
Farid Ben Salem 2ème partie
Julien Lamouche
Jean-Louis Roubira 1ère partie
Jean-Louis Roubira 2ème partie
Philippe des Pallières 1ère partie
Philippe des Pallières 2ème partie
Julian Malgat Tome 1
Philippe Tapimoket 1ère partie
Philippe Tapimoket 2ème partie
Théo Rivière
Reixou
Nicolas Bourgoin
Natacha Deshayes
Gary Kim 
Emmanuel Beltrando
Tony Rochon

Thierry Saeys
Lia-Sabine
Igor Polouchine 1ère partie
Igor Polouchine 2ème partie
Bernard Tavitian
Marcus 1 ère partie
Marcus 2ème partie
Gaetan Beaujannot
Jean-Michel Urien
Michel Lalet 1 ère partie
Michel Lalet 2 ème partie

Michel Lalet 3 ème partie

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