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Jeux Viens à Vous Théo Rivière

Parfois les gens ont la bonne idée de commenter mes entretiens. 

C'est ce qu'a fait mon invité sur celui de Djib. 
Théo a aimé la sincérité de l'illustrateur, sa manière de se livrer. 
J'ai décidé alors de lui proposer à son tour un entretien Jeux Viens à Vous. 


Il faut avouer que j'ai quelque peu hésité vu son expérience professionnelle chez Iello et ma relation compliquée avec cet éditeur. Mais cela me semblait bien de forcer le destin, de prendre la main qu'il me tendait par son gentil commentaire. 

Théo s'exprime clairement, de manière drôle et intéressante, il nous donne envie de le lire et d'en savoir plus sur lui et ses inquiétudes car Théo souffre d'un cruel manque de confiance en soi qui m'a touché et qui sera le fil rouge de l'entretien. 

A l'instar de Djib, il a décidé de parler librement, de son passé professionnel chez Iello et Repos Prod, et de sa nouvelle aventure : Kaedema, en compagnie de Corentin Lebrat, Ludovic Maublanc et Antoine Bauza, de leur manière de travailler à 8 mains, de Magic de Sébastien Pauchon, de Ludovic Papais, des vidéos de Karim Debbache, mais également de ce qui se passe dans les toilettes d'Essen....

 

 

1) Théo Rivière, bonjour, aurais-tu la gentillesse de te présenter? 

 

Bonjour, avec plaisir ! Je m'appelle Théo Rivière, j'ai 26 ans et j'habite à Bruxelles depuis bientôt 2 ans. Je suis actuellement assistant éditorial pour Repos Production et je suis également auteur de jeux en parallèle de mon "vrai boulot". La création me prend aujourd'hui la plus part de mon temps libre avec grand plaisir. Si je devais résumer, je bosse pour Repos la journée et pour ma casquette d'auteur la nuit. 

 

 

2) Que représente pour toi le fait de jouer, mais également de faire jouer ?

 

Je pense que ma situation est particulière parce que je fais partie de ces rares personnes qui n'ont pas connus d'autre boulot avant de travailler dans le monde du jeu. Quand j'ai commencé chez Iello il y a 4 ans, je sortais tout juste de la fac. Le jeu est donc ma seule expérience professionnelle concrète et tout ce qui tourne autour du jeu (notamment jouer et faire jouer) revêt donc quelque chose de particulier, à la croisée entre ma passion et mon travail.

 

D'une manière générale, je joue énormément, que ça soit pour Repos (tests de prototypes, travail sur les jeux en développement...) pour mon boulot d'auteur (mes protos et ceux des copains) ou par pur plaisir (j'essaye de me tenir au courant des différentes sorties et j'ai pas mal de jeux auxquels j'apprécie toujours de jouer). J'ai la chance de partager ma passion pour le jeu avec ma copine et donc cela occupe régulièrement nos soirées. J'ai aussi un bon groupe de potes avec qui ont fait tous les jeux legacy ou à scénarios. Je dois jouer en moyenne 3 ou 4 soirs par semaine.

 

J'apprécie particulièrement de faire jouer des gens. J'ai ce sentiment que tout le monde peut apprécier une bonne partie de jeu et donc qu'il faut simplement trouver le jeu qui correspond à chaque personne. J'adore expliquer les règles d'un jeu et essayer de trouver le bon jeu et la bonne manière de l'expliquer pour que tout le monde passe un super moment. J'ai bossé un peu dans une super boutique à Poitiers (Le Labo de Merlin) et je pense que c'est en partie pendant ces moments que j'ai appris à apprécier le défi du "je cherche un jeu qui me correspond". 

 

D'un autre côté, je suis encore un peu stressé à l'idée de faire jouer mes prototypes. J'ai toujours l'impression que les gens ne vont pas passer un bon moment parce que le jeu n'est pas fini et je n'ai pas envie de les embêter avec mon besoin ou mon envie d'avoir des retours. Je dois encore bosser un peu mon syndrome de l'imposteur et tout roulera parfaitement bien :) 

3) Comme tu disais, tu as débuté chez Iello, peux-tu nous raconter comment en sortant de la fac tu as été embauché, tes premiers pas en tant que professionnel dans le monde du jeu, et ce que cette première expérience t'as apporté ?

 

Au départ, j'ai une formation sans rapport direct avec le monde du jeu, mais j'ai toujours été plutôt impliqué dans le jeu. A mon arrivé à la fac de lettres en 2009, je me suis également pas mal investi dans une association de Magic à Poitiers : Damoclès. Je suis vite devenu un organisateur de tournois puis un arbitre de Magic. Cela prenait pas mal de mon temps libre et j'ai eu la chance de participer à quelques très gros tournois et d'organiser de beaux événements. 

 

Mon implication dans la communauté de Magic m'a naturellement conduit à fréquenter le Labo de Merlin et à m'intéresser plus activement aux jeux de société. J'étais toujours captivé par Magic, mais un océan de nouveaux jeux s'ouvrait devant moi. C'est son gérant, Benjamin qui m'a ensuite proposé de participer aux soirées tests de prototypes chez Libellud. C'est ici que j'ai rencontré Paul, Régis et Benoît Forget qui était alors chef de projets chez eux. J'ai tout de suite absolument adoré cette ambiance et deux choses en sont ressorties : 1/ je voulais grave faire un prototype de jeu ; 2/ je voulais grave bosser dans ce milieu. 

 

Le premier point fût achevé assez rapidement avec mon tout premier prototype : Leagues. Globalement, le jeu souffrait d'énormément de défauts. Trop long, trop compliqué, trop aléatoire... mais j'étais ravi d'avoir réussi à avoir créer quelque chose. Après quelques tests, il était certain qu'il fallait mettre le jeu de côté et que j'en commence un nouveau. Cet été là, je bossais dans une boutique de jeux vidéo dans une galerie commerciale en périphérie de la ville. Un jour plutôt calme, mon patron de l'époque m'a accordé 2 heures de pause déjeuner.  Alors que je m'ennuyais ferme, je commence à imaginer un nouveau petit jeu sur la base du Majong (je pioche, je défausse) avec des ninjas... Je fonce acheter des feutres et du papier et boum, le premier prototype de Shinobi était né. Je teste rapidement le prototype avec ma copine puis avec des potes de Magic et, cette fois-ci, j'aime bien.

Un soir, au Mipeul, une association de jeux de Poitiers, je fais découvrir le proto à mon bon pote Bony, l'illustrateur. Il aime beaucoup le jeu et me demande d'envoyer les règles à un éditeur avec qui il bosse.

Comme pas mal de jeunes auteurs, je sombre alors dans l'inquiétude de me voir voler mon idée et me demande comment protéger cette dernière. Je décide alors d'appeler Benoît Forget (qui venait de quitter Libellud pour monter Purple Brain) pour le questionner sur l'éditeur en question. Benoît me rassure alors énormément et me demande à voir mon proto si le premier éditeur n'émet pas d'intérêt. Quelques semaines plus tard et sans nouvelle du premier éditeur, je remet un proto à Benoît qui apprécie énormément le jeu et décide de le signer. Je suis fou de joie. 

 

Enrichie par cette expérience (et suivant de prêt les débuts de l'édition de Shinobi), je décide de postuler pour une formation à l'ENJMIN qui forme des chefs de projets pour le jeu vidéo afin de gagner en expérience puis de postuler pour des postes similaires dans le jeu de société. Très peu de temps après ma décision, IELLO poste une annonce annonçant qu'il cherche un nouveau chef de projets. Au départ, je pense ne pas postuler, de peur de passer pour un crétin avec mon CV très peu fourni. C'est sans compter (encore une fois) sur Benoît Forget qui me conseille de postuler et se propose même de glisser un petit mot sur moi à IELLO (qui était en train de devenir son distributeur). Deux entretiens plus tard, IELLO décide de recruter l'excellent Ludovic Papaïs sur le poste, mais me propose de les rejoindre sur un poste polyvalent (un peu de gestion de projet, un peu de sav et pas mal de gestion d'événements, mon expérience autour de Magic aidant). Après quelques secondes de réflexion, j'accepte et me retrouve donc pour la première fois à quitter ma ville de naissance et à déménager (seul dans un premier temps puis rejoint par ma copine) à Nancy. 

 

Mes débuts chez IELLO ont été assez fou puisque deux semaines après mon arrivé, on partait pour le Spiel à Essen. J'ai alors été vraiment surpris par le milieu. J'avais eu un bon aperçu de la bienveillance et de la sympathie de l'équipe de Libellud, mais je me suis vraiment très rapidement senti accueilli dans le milieu. Alors que je n'étais personne, que j'étais jeune et inexpérimenté, j'ai vraiment eu le sentiment de faire très vite parti de cette grande famille. J'entends que ça puisse faire un peu bisounours, mais c'est vraiment ce que j'ai ressenti. 

         Premier Essen pour Théo

 

 

Derrière, j'ai appris énormément de chose chez IELLO notamment (mais pas que) au contact de Ludovic et de Gabriel qui géraient les projets avec moi. Le fait que IELLO soit distributeurs mais aussi éditeur m'a également permis d'avoir un bon aperçu des différents acteurs du milieu. Quelques mois après mon embauche, Shinobi Wat-ahh sortait en boutique et j'ai alors appris les sensations que l'on pouvait avoir quand on était auteur... et c'était dingue. Voir des gens jouer à son jeu, avoir des retours, voir les illustrations finales, avoir une boite en main, amuser les gens, c'était parfait. Comme j'étais présent sur énormément d'événements, j'ai aussi la chance de rencontrer pas mal de monde et de découvrir "pour de vrai" des acteurs du monde ludique qui sont rapidement devenus de bon pote ou des amis. 

 

J'ai quitté IELLO presque deux ans plus tard, pour pleins de petites raisons, mais j'ai réellement apprécié cette expérience et je leur suis parfaitement reconnaissant de m'avoir donner la chance de rentrer dans ce milieu. 



4) Acceptes-tu de t'exprimer sur ton départ justement?
Qu'est ce qui pousse un jeune homme à quitter le poste dont il avait rêvé ?
Souhaitais-tu voir autre chose avec Repos Prod, avoir uniquement un poste de chef de projet ou est-ce pour d'autres raisons que tu ne souhaites peut-être pas évoquer ?

Aucun souci pour parler de mon départ de IELLO, j'ai gardé de très bonnes relations avec l'éditeurs (avec qui je bosse d'ailleurs pas mal en tant qu'auteur). Je ne suis resté qu'un petit temps qui est un peu passé inaperçu, mais j'ai quitté IELLO pour rejoindre l'équipe de Yoka by Tsume avant de rejoindre Repos Production. Les raisons étaient alors assez simples, IELLO était (et est toujours d'ailleurs) en pleine expansion et j'ai tendance à préférer l'ambiance de travail des petites équipes et Yoka m'avait proposé un poste plus proche du game design et du développement que de la gestion de projets. J'avais envie de consacrer plus de mon temps à ces aspects là. Ce ne fût pas forcément un choix très facile parce que j'ai une affection particulière pour l'équipe de IELLO, mais j'ai senti à ce moment que j'avais envie de voir quelque chose de différent. 

5) Tu parles de Magic, et je pense personnellement que Magic a été l'une des pierres fondamentales du jeu de société moderne, même si tu n'étais pas bien grand quand le jeu a été crée  ;-) 

 

Que voudrais-tu nous dire sur ce jeu dans lequel tu sembles t'être investi et qui à parfois mauvaise presse  notamment dû à son coût d'investissement financier supposé mais qui au niveau rapport temps/argent me semble bien meilleur au final que beaucoup de jeux de société qui ne sortent au final jamais des placards ? 

Magic est un jeu absolument extraordinaire. Je pense que les gens le percevant comme un gouffre financier se fourvoie un peu. Je n'aime pas considérer les jeux sous un rapport temps de jeu/prix ou matos/prix, j'envisage les jeux comme des oeuvres complètes et je n'ai aucun problème pour jouer à un jeu un cher et peu rejouable tant que mon expérience a été incroyable. De plus, il est a souligné que Wizard a réellement diversifié son offre et qu'il maintenant aisé de trouver le produit Magic qui correspond à tes attentes.

Effectivement, si tu décides de te lancer dans la compétition comme un acharné et de jouer tous les week-end ou d'être un collectionneur complètiste, il va falloir investir pas mal d'argent (surtout dans le deuxième cas), mais si tu souhaites simplement jouer de temps en temps avec tes potes alors on est dans un rapport très proche de celui du jeux de société. 

Parmi mes meilleurs souvenirs de jeux, d'événements ou même directement lié à mes potes, beaucoup sont connectés à Magic. Au delà du jeu pur, c'est le fait d'avoir une communauté aussi grande qui change la donne. J'ai fait de nombreuses rencontres en boutique ou sur des tournois. Même si je ne joue aujourd'hui pratiquement plus, je continue à me tenir au courant des sorties (et bordel, ils sont tellement brillant pour se renouveler) et tape le carton ponctuellement, toujours avec un plaisir énorme. 

6) Tu viens de m'annoncer ton départ en OFF de Repos Prod pour un nouveau défi.
Peux-tu nous en dire un peu plus stp !


Effectivement, je quitte Repos Production à la fin du mois de novembre 2017 pour une nouvelle aventure. Ça fait longtemps que je veux monter un "truc à moi" et que je souhaite consacrer plus de temps à la création. C'est désormais chose faite avec la création de notre structure : Kaedama. C'est donc le nom de la structure que nous montons à quatre, Antoine Bauza, Corentin Lebrat, Ludovic Maublanc et moi.

Notre objectif est de réaliser du développement et de la création de jeu pour des éditeurs qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas avoir un service de cet acabit en interne. Nous réaliserons donc pas mal de jeux de commande, que ça soit à partir d'une licence, d'une mécanique ou d'un thème. Ludo et Antoine l'ont déjà fait sur l'Attaque des Titans et je l'ai fait sur Sticky Chameleons. 

Au départ, j'ai envisagé de me lancer dans ce domaine comme indépendant, mais en parlant avec les trois loulous, nous avons décider de nous lancer ensemble. On a déjà pas mal bosser sur de la création à 4, 6 ou 8 mains et on sait que notre quatuor fonctionne bien. C'est donc venu assez naturellement. J'ai hâte que ça commence !

7) Pourrais-tu nous parler de tes 3 mousquetaires, Antoine Bauza et Ludovic Maublanc tous les 2 très sympathiques et Corentin Lebrat que je ne connais pas par contre.

Lorsque je suis arrivé dans le milieu, j'étais encore (et je le suis encore un peu) un vrai fanboy. La perspective de rencontrer des gens comme Antoine Bauza, Ludovic Maublanc, Bruno Cathala ou Bruno Faidutti... wahou je trouvais ça ouf. J'ai rencontré Ludo et Corentin lors d'un week-end jeu, près de Dijon. C'est un contexte parfait pour discuter et partager des moments avec des gens que tu ne connais pas et on naturellement commençait à papoter après une partie de jeu. 

 

J'ai croisé Antoine pour la première fois... dans les toilettes d'Essen. Il sortait et moi je rentrais et on a simplement échangé un petit regard. J'étais un poil intimidé. C'est l'année suivante, au même endroit (Essen, pas les toilettes) qu'on a discuté de création et de game design.

Je bossais à ce moment-là sur une nouvelle version de Sea of Clouds et Antoine m'a proposé de jeter un coup d'oeil sur les règles. J'en ai profité pour lui faire passer un deuxième proto (toujours pas fini celui-là) pour avoir son avis. On a un peu échangé par email et Antoine m'a ensuite proposer de passer à Valence à la Cafetière. La Cafetière, c'est un atelier qu'Antoine a monté. C'est un lieu privé où sa femme, Ludo Maublanc et lui travaillent tous les jours et qui reçoit régulièrement des auteurs qu'il côtoie pour des sessions de boulot ou de jeu." ? J'étais comme un enfant le jour de Noël. 

"Non il ne s'est rien passé dans les toilettes d'Essen!"

C'est clairement dans ce contexte là que j'ai appris le plus et que j'ai lié les plus chouettes amitiés. C'est avec Ludo, Co et Antoine que j'ai commencé pour la première fois à faire des jeux avec des co-auteurs et ça a clairement changé ma manière de percevoir la création. Même si j'apparais (a priori) souvent assez sûr de moi, je suis un mec qui doute vraiment énormément et ça n'a jamais été facile pour moi de passer le stade de l'idée dans la création de jeu. La possibilité que le résultat soit naze voir catastrophique me freine régulièrement et j'ai très souvent l'impression que ce que je fais est vraiment pas terrible.

 

Bosser avec quelqu'un d'autre change complètement tout. Avoir un co-auteur me donne clairement la motivation nécessaire pour continuer (et parfois finaliser) les prototypes que je commence.  De plus, confronter mes idées avec des gens aussi talentueux que ces trois là est une chance de dingue. J'ai ainsi énormément appris, que ça soit sur la réalisation physique des proto (genre manipuler des cutters et des emportes-pièces, merci Ludo), sur la narration et la manière de raconter des histoires dans les jeux (merci Antoine) ou bien même sur la motivation et le syndrome de l'imposteur (merci Corentin). 

 

Du coup, c'est pas évident de parler d'Antoine, Corentin et Ludovic sans tomber dans le cheesy. Je résumerais en disant que c'est trois mecs formidables, bourrés de talents, à qui je dois beaucoup et avec qui je me sens parfaitement bien. J'vous aime les gars !

8 A) Que s'est vraiment il passé dans les toilettes d'Essen ? Tu en as trop dit !

 

Haha, dans le respect de l'intimité de chacun, je n'en dirais pas plus. 

8 B) Plus sérieusement, comment se passe d'ailleurs votre collaboration entre vous 4 ? Tu me parles encore du syndrome de l'imposteur....veuillez vous rallonger Mr Rivière, nous n'avons pas fini. Sans faire de langue de bois, et que j'imagine bien que vous apportez chacun votre pierre à l'édifice, le fait d'avoir Antoine dans l'équipe doit être un importante vecteur de progression mais à certains moments comment passes-tu (ou passez-vous avec Corentin) le cap d'avoir peut être un avis différent du votre en face de vous d'un auteur ayant vendu des millions de jeux, et qui malgré tout le talent d'Antoine, peut peut-être se tromper à certains moments de développement d'un jeu ? Comment arrives-tu toi qui a le syndrome de l'imposteur à passer le cap de : « Cette fois-ci je pense qu'Antoine a peut être tort sur un point ? ».

 

C'est une belle question, mais j'ai peur que ma réponse soit un peu décevante. En effet, Antoine (et Ludo par extension) sont des mecs vraiment parfait sur ces points. Même si ils ont très régulièrement raison et que leurs idées sont souvent très chouettes, je n'ai absolument jamais eu le sentiment que mon opinion comptait moins que le leur. Ils reconnaissent assez facile quand ils ont torts (enfin comme tout le monde quoi) et sont à l'écoute. Du coup, rien à dire, au top. 

8 C)Comment concrètement, travaillez vous à 8 mains, peux-tu me donner un exemple de ce que cela peut donner sur un jeu ? C'est du travail par équipe de 2 ? Avec des votes sur certains points? Beaucoup de discussion ?

 

Nous n'avons pas réellement de processus figé pour tout ça. Globalement on discute énormément et on balance beaucoup d'idées. Derrière on fait souvent le premier prototype à un ou deux et ensuite on passe en phase de tests/nouvelles itérations suite aux feedbacks de chacun. Si je prends l'exemple de Sentaï Cats (qu'on a fait aussi avec Nicolas Oury) l'idée de départ vient de Corentin, Ludovic et moi. On a posé les bases de ce qu'allait devenir le jeu. Puis en testant et papotant, Nico a amené pas mal de chouettes petites idées alors on l'a naturellement ajouté à la liste des auteurs. Plus tard, Antoine a fait la même chose et, dans l'idée d'avoir autant d'auteurs que de membres dans une équipe de Sentaï, Antoine nous a rejoint. C'était assez logique de tester avec les copains et on leurs retours étaient impactant alors on a choisi de signer le jeu tous les cinq. Je pense que l'une des choses qui fait qu'on fonctionne bien ensemble, c'est que nous essayons vraiment de mettre nos egos de côté, on marche le plus possible comme une vraie équipe, chacun a sa place.

 

 

9) Si tu devais me parler de 2 personnes du monde ludique l'une pour ses qualités professionnelles et l'autre pour ses qualités personnelles, sans que l'un n'enlève rien à l'autre bien évidemment?

En premier, j'aimerais parler de Sébastien Pauchon, que j'ai croisé quelques fois, mais que je ne connais pas de ouf. Je pense que c'est un des mecs qui m'a donné envie de bosser dans l'édition. Je me souviens parfaitement la première fois que j'ai ouvert une boite de Jaipur, parce que Benjamin du Labo de Merlin me l'avait conseillé. Le choc ! Tout était parfait. Les illustrations sont géniales, le thermoformage rose est dingue, les règles sont limpides et le gameplay est incroyable. Grosse claque. Toujours un de mes jeux préférés.

D'une manière générale, je trouve que Gameworks représente une sorte d'excellence éditoriale et je suis vraiment content qu'ils aient ressortis un jeu cette année (enfin une extension) et j'espère qu'on les verra encore plus l'année prochaine. Sébastien est aussi un auteur que j'estime beaucoup et je suis aussi heureux qu'il reprenne cette casquette (big up à Oliver Twist avec Bruno, excellent jeu). C'est aussi quelqu'un avec qui j'ai grand plaisir à discuter. J'ai en tête une soirée des Ludopathiques (encore un week-end jeux, organisé par Bruno Faidutti cette fois) où on a papoté pendant quelques temps. J'avais vraiment le sentiment d'échanger avec quelqu'un de brillant et d'apprendre énormément en quelques mots. J'espère qu'on aura l'occasion de bosser ensemble un jour ! 

 

Parler d'une seule personne que j'estime personnellement, c'est pas facile. J'ai vraiment tendance à crusher amicalement et il y a énormément de gens que j'aime beaucoup dans ce milieu. On a déjà parlé de mes trois acolytes alors je ne vais pas une nouvelle fois citer un auteur. Je voudrais donc ici parler de l'excellentissime Ludovic Papaïs.

 

J'ai rencontré Ludo lorsque je suis arrivé chez IELLO. On partageait un peu la même expérience parce que je venais de quitter Poitiers pour Nancy et il venait de partir de Toulouse. On a très vite sympathisé et du coup, on a passé nos soirées de (faux) célibataires (nos copines respectives allaient nous rejoindre plus tard) ensemble. Clairement, j'ai là encore énormément appris à son contact. J'avais notamment pas mal de lacunes dans ma culture ludique (je débutais comme joueur aussi) et il m'a fait découvrir énormément de jeu. Sans lui je n'aurais peut-être jamais joué à Schotten-Totten qui reste aujourd'hui mon jeu à deux préféré.

C'est aussi grâce à lui que j'ai gardé la motivation nécessaire pour finir Sea of Clouds. Quand j'étais plus ou moins dessous parce que ça ne marchait pas comme je voulais, il a toujours eu les mots justes qui m'ont permis de ne pas me satisfaire trop vite, mais aussi d'apprécier ce qui fonctionnait dans le jeu. C'est un type brillant (il suffit de regarder la gamme mini, qu'il a lancé avec Olivier Trocklé chez IELLO, pour s'en persuader), mais qui est d'une modestie énorme. J'en arrive presque parfois à regretter qu'il ne soit pas plus sur le devant de la scène tant il le mérite.

Mon départ de IELLO était dur aussi parce qu'il était là, et je regrette régulièrement de ne plus travailler au quotidien avec lui, on se complétait pas mal et je ne suis pas sûr que je retrouverais un jour une aussi belle alchimie.

Premier prototype de Shinobi

10) Je voudrais que tu définisses chacune de ces personnes en un mot, oui un seul !

Ludovic Maublanc : Sous-estimé

Benoit Forget : Terrible

 

Gaetan Beaujannot : Workaholic

 

Bony : De retour

 

Antoine Bauza : Sensei

 

Régis Bonnessée : Au-dessus

 

Corentin Lebrat : BFF

 

Cédric Barbé : Patron

 

Ludovic Papaïs : Excellent

 

Sébastien Pauchon : Brillant

 

Théo Rivière : Apprenti

11) Imagine, nous passons une soirée ensemble, propose-moi 3 jeux dans le but d'apprendre à se connaître. 
Ou préfères-tu faire un canular téléphonique à Matthieu d'Epenoux, un verre de Saint Véran à la main ? 


Même si j'adore Matthieu et que j'aime bien les canulars, je prends les jeux ! 

En premier, je te propose un petit Hanabi histoire de voir si nous sommes compatibles dans nos mode de pensée et si nous arrivons à faire briller les yeux des petits et des grands avec nos feux d'artifice.

Ensuite, on peut enchaîner avec un Intrigue afin de voir si notre (récente) relation peut durer devant toutes les épreuves (et mes crasses). Savoir recevoir, c'est essentiel.

Enfin, pour le dessert, quelque chose de plus riche, un Blood Rage. Maintenant qu'on se connait un peu, on peut décemment commencer à se foutre sur la gu... pardon, commencer à guerroyer dans les règles de l'art viking.

 

12) Pourrais-tu nous parler d'un auteur ou d'une œuvre importante à tes yeux, que ce soit en littérature, théâtre, cinéma, jeu etc... que tu souhaiterais faire découvrir ou redécouvrir à mes lecteurs ?

Yes, avec grand plaisir. Je conseille à tout le monde se pencher sur la chaîne Youtube de Karim Debbache (https://www.youtube.com/user/KarimDebbache/videos).

 

C'est un vidéaste qui réalise des vidéos sur le cinéma. Sa première émission s'appelle Crossed et est consacrée aux films liés (de prêt ou de loin) aux jeux vidéos. Sa deuxième émission, Chroma est uniquement dispo' sur Dailymotion et parle de cinéma en général. 

Dans les deux cas, c'est brillant. J'ai bossé pas mal sur le cinéma pendant mes études, mais j'apprends toujours des choses en regardant ces vidéos et j'ai le sentiment de toujours tout comprendre, ce qui n'est pas aisé quand on fait de la vulgarisation "accessible".

De plus, c'est vraiment, vraiment, très drôle. Le montage, le son, le rythme, tout est proche d'être parfait. 

D'une manière générale, je trouve qu'aujourd'hui Youtube regorge de contenus fascinants, il y a des dizaines et des dizaines de chaines qui me passionnent. 

 

J'ai regardé depuis ces vidéos et je vous les conseille également

13) Je t'ai proposé cet entretien car tu as laissé un commentaire sur l'entretien de Djib en parlant que tu trouvais cela chouette qu'il ose se dévoiler ainsi.
J'aimerai donc que tu sois franc également, et que tu n'hésites pas à me contredire si besoin.

A Cannes, Croc me disait suite à la victoire d'Unlock et les critiques qui en ont découlé qu'Iello avait peut être baissé son niveau d'excellence en sortant trop de jeux rapidement, en prenant l'exemple de King of Tokyo testé lui de A à Z par exemple, d'autres professionnels en ont parlé également.
Je sais que cela concerne certains de tes amis comme Ludovic Papais mais crois-tu qu'il y a une part de vérité dans ces propos ou ce sont juste des égos d'éditeurs qui se confrontent à qui à la plus grosse ….vente?

Effectivement, j'ai vraiment trouvé ton entretien avec Djib touchant. C'est rare d'entendre des acteurs du monde du jeu qui ne parle pas simplement de leurs activités. 

 

Même si je pense que l'ego est omniprésent dans la création et, par extension, dans le milieu ludique, je ne suis pas certain que les propos de Croc (et des autres) aillent dans ce sens. Les Space Cowboys est une maison d'édition très particulière. Même si ils ont connu quelques échecs, c'est un éditeur qui représente une certaine excellence que ça soit dans leur choix éditoriaux que dans leur manière de vendre leurs jeux. Je regrette parfois quelques petits points de développement, mais je suis systématiquement bluffé par leurs jeux. C'est aussi un éditeur qui a commencé avec des moyens, notamment financiers, mais aussi humains conséquents et qui peut donc se permettre de travailleur ses jeux "comme ils en ont envie".

 

D'un autre côté, le statut de distributeur de IELLO les rends aussi assez particuliers. Une des nerfs de la guerre, quand on est distributeur, est d'avoir un catalogue suffisamment conséquent pour que les boutiques commandent régulièrement chez toi. IELLO a donc été pendant longtemps un éditeur qui sortait énormément de jeux (notamment des traductions). Lorsque je suis parti, IELLO commençait à avoir un catalogue propre conséquent et avait déjà commencé à freiner ses traductions et son rythme de publication.

                                  La Team Iello c'est comme la DDE  : Un qui regarde, un sur son portable et le dernier qui bosse! 

Aujourd'hui, IELLO sort beaucoup moins de jeux qu'auparavant et édite plus de jeux qu'ils n'en traduisent. Ça reste un des éditeurs qui sort le plus de jeux par an. Forcément, sortir beaucoup plus de jeux a tendance à baisser la qualité globale de ces derniers. Je trouve néanmoins que les jeux de IELLO sont bien "testés" et finis. Même si je ne comprends pas toujours pourquoi ils choisissent de publier certains jeux (que je trouve ponctuellement moyen), on ne peut clairement pas leur reprocher un manque de finition. Editer un jeu est toujours une affaire de choix et feelings et je ne porte pas un vraiment jugement sur l'excellence de IELLO, je trouverais bénéfique qu'ils sortent un peu moins de jeu et qu'ils les sélectionnent avec un peu plus d'attention, mais j'apprécie énormément leurs éditions et ils ont sortis (et vont sortir) des titres que j'aime énormément. C'est un éditeur qui prend beaucoup moins de risque que les Cowboys (même si Château Aventure qui arrive l'année prochaine est un projet comme j'aime voir sur le marché), mais ils ont de très nombreuses qualités.

 

Après, au delà de IELLO, j'ai parfois le sentiment que dans sa globalité le marché manque un peu de prise de risque. Je joue souvent à des jeux qui fonctionnent très bien, mais auxquels j'ai envie de reprocher un manque d'originalité. Les Cowboys ont démontré que prendre des risques et sortir des jeux "OVNI" ça marche. IELLO nous propose pour le moment surtout des projets très classiques, mais j'espère les voir sur des jeux plus novateurs dans les années à venir.

 

14) Le jour où tu devras quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiterais-tu que l’on retienne de toi professionnellement mais surtout humainement?

 

Je pense que j'aimerais qu'on se souvienne plus de mes jeux que de moi, mais, en tant qu'être humain, j'espère qu'on me gardera en tête comme un mec ayant fait de son mieux pour divertir et amuser les joueurs. 


15) C'est malheureusement la fin de cette entretien, Théo, en prenant en compte ta vie professionnelle et personnelle es-tu heureux ?

Merci à toi pour ce chouette entretien, j'ai passé un bon moment. 
J'ai conscience d'être quelqu'un d'extrêmement chanceux et tout roule à fond pour moi depuis quelques années. Même si ma nouvelle aventure génère un peu d'inquiétude, je pense n'avoir jamais été aussi heureux de ma vie. 

Merci à toi Théo, j'aurais une dernière question, car tu n'as sans cesse parler d'être chanceux, d'inquiétude et  de dévalorisation 

 

Allez la question Alain Delon! 

 

16) En quoi excelles-tu? (A part mater Antoine dans les toilettes d'Essen bien évidemment) 


Merci Alain. 

Sans retomber dans le divan et m'étaler, je pense que j'ai rarement le sentiment d'être excellent, sans que ça me pose un problème. Je suis jeune, je me nourris au contact des autres et j'apprends à gagner en excellence.

 

Ah, si, ta question va dans ce sens : je pense que j'excelle dans le fait de faire croire aux gens que je suis excellent ;)

                                    Théo ayant convaincu Bruno Cathala qu'il était bien le réel auteur de KingDomino

La question de Mr F. Faic, un professionnel  du monde ludique souhaitant garder l'anonymat et posant chaque semaine une question ou moins caustique à mon invité

Théo Rivière ça me fait penser à la Théorie Vierge, vous connaissez ? C'est une théorie parente de celle de schroninger en cela qu'on y carre également un animal dans une boite... loup, lapin, poisson. D'après cette théorie, tant que nous n'ouvrons pas la boite, tout a pu arriver au petit locataire mais c'est au spectateur d'imaginer l'expérience inédite et de faire tout le travail sans même ouvrir la boite. Ce qui, par un chemin psychique que je garderai secret, m'amène à la question : vous en êtes au début de votre carrière d'auteur et parmi tous les prototypes de jeux que vous avez déjà conçu pensez-vous que ce sont les meilleurs qui ont été édités et dans les meilleures conditions?

C'est toujours difficile de porter un jugement sur sa création. Même si aujourd'hui je ne designerais certainement pas Shinobi de la même manière ou que j'apporterais des petites modifications à Sea of Clouds, j'en suis parfaitement satisfait. Mes premiers jeux marquent un moment dans ma "carrière d'auteur' et ils représentent des jalons dans mon apprentissage du boulot. J'espère progresser et j'apprends toujours beaucoup de choses, je pense donc que mes prochains jeux seront plus aboutis, meilleur je ne sais pas. 

Concernant les conditions d'édition, je suis aussi très content. On peut toujours reprocher à son éditeur de ne pas avoir fait assez (de com', de ventes, de localisations...), mais je pense que dans tous les cas, ils ont fait de leur mieux et y ont mis une énergie qui me touche. 

                                    Prototype de Sos Dino


 

La semaine prochaine l'arroseur sera arrosé... 

 

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Saison 1

Yves Hirschfeld
Benoit Forget
Bruno Faidutti 1ère partie
Bruno Faidutti 2ème partie
Naiade
François Haffner 1ère partie
François Haffner 2ème partie
Pierô Lalune
Timothée Leroy
Mathilde Spriet
Sébastien Pauchon
Tom Vuarchex
Vincent Dutrait 1ère partie
Vincent Dutrait 2ème partie
Christophe Boelinger 1 ère partie 
Christophe Boelinger 2ème partie
Régis Bonnessée
Roberto Fraga 1ère partie
Roberto Fraga 2ème partie
Cyril Demaedg
Bruno Cathala 1 ère partie
Cyril Blondel
Bruno Cathala 2ème partie
Yahndrev 1ère partie
Yahndrev 2ème partie
Emilie Thomas
Sebastien Dujardin
Florian Corroyer
Alexandre Droit
Docteur Mops 1ère partie
Docteur Mops 2ème partie
Arnaud Urbon
Croc
Martin Vidberg
Florent Toscano
Guillaume Chifoumi

Nicolas Soubies
Juan Rodriguez 1ère partie
Juan Rodriguez 2ème partie
Bony
Yannick Robert
Docteur Philippe Proux
Franck Dion 1ère partie
Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie
Yoann Laurent
Carine Hinder et Jerôme Pélissier
Dominique Ehrhard
Christian Martinez
Maxime Savariaud
Véronique Claude
Shadi Torbey


  

Saison 2 

Fabien Bleuze
Serge Laget
Djib 1ère partie
Djib 2me partie
Florian Sirieix
Farid Ben Salem 1 ère partie
Farid Ben Salem 2ème partie
Julien Lamouche
Jean-Louis Roubira 1ère partie
Jean-Louis Roubira 2ème partie
Philippe des Pallières 1ère partie
Philippe des Pallières 2ème partie
Julian Malgat Tome 1
Philippe Tapimoket 1ère partie
Philippe Tapimoket 2ème partie

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