top of page

Jeux Viens à Vous Guillaume Chifoumi 

Guillaume Chifoumi,  Guillaume de Tric trac, Guillaume...
Un seul et même homme.
Un homme reconnu pour sa gentillesse.
Mais qu'en était-il vraiment? L'homme se dit lui même bisounours et naif. 

Durant tout nos échanges, Guillaume  à toujours eu un gentil mot, une attention envers ma famille, des petits riens qui font que vous ne pouvez pas ne pas l'apprécier. 
Il a répondu de manière appliquée, à la fois avec son humour qu'on lui connait mais en n'évitant pas les sujets sérieux. 

 

Avec Guillaume nous évoquons sa découverte des jeux de société, la Langue des Signes Française et son ancien métier d'interprète, son passage chez filosofia puis sa venue à Tric Trac, le milieu ludique et les personnalités complexes qui le composent, Monsieur Phal, inévitablement Matthieu d'Epenoux, et la vie en général...

 

1) Monsieur Guillaume, auriez-vous la gentillesse de vous présenter? 

Salutations ludiques, Emmanuel. Alors je m'appelle Guillaume, mon papa et ma maman sont dans la salle avec Tonton... euh, non, ça y est, je m'égare déjà. :D

 

Guillaume, 40 ans. Après des études scientifiques, j'ai passé un DFSSU (maintenant DESS) d'Interprétation de Conférence Français - Langue des Signes Françaises (LSF) à Paris VIII. J'ai donc interprété des gens de 2001 à 2012 en passant d'une langue à une autre, d'une culture à une autre et dans des situations très diverses (soigneur animalier dans un zoo, laboratoire de recherche pharmaceutique, commissariat, hôpital, lycée...) pour un enrichissement humain et culturel énorme. 

Depuis toujours (ou presque) et grâce à l'environnement familial, je joue... et à tout (ou presque) ! En famille donc, et j’ai des souvenirs nostalgiques avec ma grand-mère paternel où nous jouons au "Pouilleux massacreur", au "Nain Jaune", au "Menteur"... sans oublier les classiques "Qui est-ce?", "Hippo-Glouton", "La Bonne Paye", “Monopoly“ j'en passe et des meilleurs. Je joue également dans des pièces de théâtre et ce, pendant un bon moment... D'interpréter un rôle à interpréter des gens, il n'y avait finalement pas si loin. 

 

En 1986, je découvre "Les Livres Dont Vous Êtes le Héros" (à commencer par Loup Solitaire, encore la meilleure série à mes yeux) puis le jeu de rôle avec Warhammer, le jeu de rôle fantastique.
Du coup, découverte d'Excalibur, la boutique obscure et historique de Dijon (NDJ : Devenue depuis La Diagonale du fou) et là, un monde à explorer, avec aussi bien du plateaux, que de la figurine et du jeux de rôle : Blood Bowl, La Vallée des Mammouths, Power, Heroquest, Space Crusade, Cry Havoc, JRTM, James Bond, Paranoia, Star Wars (D6, précisons pour les plus jeunes)... là encore j'en passe et des meilleurs. Du coup, je lis les magazines qui parlent de tout ça : Casus Belli, Jeux en Boite, Jeux et Stratégie, White Dwarf... Et puis viens la fac et l'arrivée de Magic... gloups ! Une révolution  ! Mais avec trop d'argent en jeu. Je laisse tomber. Par contre, arrive les premiers Catane, El Grande, Carcassonne... et c'est reparti !

 

J'essaye de créer des trucs, je joue beaucoup et à plein de choses, je collectionne à ma mesure les boites de jeux... et puis arrive l'animation pour des éditeurs sur les festivals, une tentative d'allier LSF et Jeux avec Days of Wonder et les Aventuriers du Rails en LSF, quelques traductions de règles... puis la proposition de Filosofia pour établir un poste de Chargé de Communication et à l'Évènementiel en France et au-delà... et puis depuis début 2015, j'officie à l'Officine en jouant, jouant et rejouant, devant les caméras ou pas, et au clavier pour l'écriture... Fichtre, c'est pas un peu long, ça ? On le sait, un interprète, il ne faut pas lui laisser la parole... sinon, il la prend :D

 

"Secret professionnel, neutralité, fidélité"

 

2) Interprète, je ne connais pas spécialement ce métier mais j’imagine qu’il demande des compétences spécifiques. Est-ce important de bien comprendre la personnalité de la personne que l’on «  double  » afin de transcrire au mieux ce qu’elle souhaite exprimer  ou pas du tout? 
Vous nous parlez d’enrichissement humain et culturel, que retiendrez-vous le plus après ces 11 ans d’activité  ? Qu’avez-vous envie de nous faire découvrir de ce métier inconnu du grand public  ?
Enfin, avez-vous eu une situation qui vous a marqué par son côté comique, émouvant, burlesque que vous souhaiteriez nous raconter  ?

 

Bien connaître la personnalité, je n'irai pas jusque là... mais bien la comprendre dans le cadre de la situation interprétée, ça, oui, puisqu'il faut effectivement "endosser cette personnalité" pour bien la traduire... un peu à la manière d'un comédien qui "interprète" un rôle.

Il faut donc comprendre : Qui parle ? À qui ? Quels sont les enjeux, conscients voir inconscients, de la situation ? Et puis comprendre ce qui est du domaine de l'implicite et qui fait sens, parfois même à contre-sens de l'explicite ; comprendre ce qui est du domaine de la communication non verbale, qui, là encore, peut faire sens... Puisqu'un interprète traduit du sens, plus que des mots.

Ensuite, en respectant les trois piliers de la déontologie d'un interprète de conférence "secret professionnel, neutralité, fidélité" (qui continuent de me marquer dans mon travail à Tric Trac), il faut interpréter, c'est à dire "passer le message d'une langue et d'une culture A vers une langue et une culture B", tout en continuant d'écouter, de mémoriser, de comprendre ce qui se dit dans la situation interprétée pour s'approcher de l'interprétation simultanée... Cela sous-entend user de ses filtres personnels pour comprendre au mieux ce qui est à traduire puis se détacher de ces mêmes filtres personnels au maximum pour ne plus être "soi" mais respecter celui que l'on traduit... Pardon, j'arrête. Je pourrai en parler des heures, tellement la communication touche, comme le jeu, à l'humain, à son être, son ontologie... c'est donc effectivement très riche, très complexe et quasiment sans fin :D

 

L'enrichissement vient des rencontres multiculturelles, des situations et des domaines divers et variés à traduire. Commencer sa journée en traduisant une réunion de service d'une multinationale pharmaceutique, passer ensuite à une conférence politique, puis un rendez-vous gynécologique avant de filer pour une réunion parents - profs et terminer par une visite de musée... c'est juste énorme... crevant, mais énorme ! Interpréter un poète, traduire une formation de soigneur animalier avec un lion affamé dans la cage juste derrière, se retrouver au commissariat...

Ce que je retiens le plus, c'est que si les femmes et les hommes veulent "s'entendre et se comprendre", ils trouveront à le faire, au delà de toutes différences. Les problèmes viennent des déficiences de la volonté, des "je ne veux pas..." conscients ou inconscients : "je ne veux pas de sa différence", "je ne veux pas faire de la place en moi pour l'Autre", "je ne veux pas perdre l'autorité que me donne ma place, mon argent"... et tant d'autres... bref, des problèmes de «  je  », des problèmes d'ego.

Guillaume en interprète de la Langue des Signes Françaises

 

Des situations comiques, émouvantes, burlesques... parfois même effrayantes, il y en a plusieurs : 

- Interpréter un cours de géo-économie autour du pétrole et se rendre compte, en remarquant les sourires des personnes sourdes que, depuis 10 minutes, au lieu de "pétrole", je fais le signe de "pénétration", signe effectivement proche mais bon... ça n'a pas le même sens… et ça donnait un tout autre cours très... décalé !...

- Interpréter à la Cours de Justice dans un procès au pénal avec forte condamnation possible et se rendre compte que la moindre tournure de phrase peut faire pencher la balance dans un sens ou un autre...

- Interpréter un cours d'éducation sexuelle et se rendre compte que plus personne ne regarde l'enseignant... oui, la LSF est très visuelle...

- Interpréter un enterrement et perdre mes lunettes lors d'un mauvais geste... les remettre et se rendre compte qu'il manque un verre... le vérifier en se collant le doigt dans l'oeil... arrêter parce que ça commence à rigoler... continuer d'interpréter et entendre le prêtre donner un coup de pied dans le verre... le récupérer et se sentir un peu en décalage.

Des anecdotes, ça, il y en a... :D

 

 

3) Vous avez décidé de cesser votre métier d’interprète en effet il y a quelques années pour vous lancer dans l’aventure Filosofia. Qu’est ce qui a motivé ce changement important  ? 
L’envie d’un nouveau défi ou une lassitude au fil des années  ? 
Enfin, comment s’est passé cette transition apriori pas évidente au premier abord  ? 

En fait, j'aime vraiment partager… et jouer... et à tout ou presque ! Et la passion est une motivation forte. Je garde un excellent rapport avec mon métier d'interprète et je le reprendrai avec plaisir si besoin était. C'est donc la passion du domaine ludique qui a motivé ce changement.

Comme je le disais plus haut, je suivais le milieu du monde du jeu depuis déjà un p'tit moment... mais sans trop oser franchir le seuil. J'avais découvert Tric Trac en 2001 - 2002 et à l'époque, je surfais sur site depuis un cybercafé voisin de la gare Saint-Lazare à Paris (souvenir, souvenir) avant de m'inscrire sur le forum en 2005. J'ai aussi commencé à faire quelques prototypes, à participer à des concours. En 2007, j'ai franchi un premier pas en devenant rédacteur pour le webzine Petit Peuple, et ce, jusqu'à la disparition (à regret) du site en 2013. J'ai fait également beaucoup d’animations sur salons et festivals. Et puis l'aventure LSF Aventurier du Rail, l’interview de CROC autour de Clautrophobia et sa proposition de rejoindre l’aventure en créant des scénarios pour l'extension, un travail en boutique sur Dijon... Bref, tout petit pas à tout petit pas, j'avançais dans le monde du jeu, franchissant les étapes à mon rythme pour avoir de l'expérience et surtout du recul.

 

Bien sûr, je traquais toutes les annonces pour travailler dans le monde du jeu. Je sentais bien que le monde du jeu un peu "core", “artisanal“ était en train de se professionnaliser et qu'il restait peu de temps pour qu'un “simple“ passionné puisse y travailler avant que ça ne devienne un milieu de spécialistes avec diplômes, marketing, commerce et tout le toutim. Il fallait donc prendre le train en marche avant qu'il ne quitte complètement la gare. 
 

Octobre 2012, au salon d'Essen, j'ai rencontré Martin Bouchard de Filosofia pour une annonce à laquelle j'ai répondu et qui s'est avérée être un poste au Québec... Pourtant la rencontre se passe bien et j'apprends ainsi qu'un poste de Chargé de Communication et à l'Événementiel en France est prévu pour tout bientôt. Je postule dans la foulée, je passe un entretien avec Sophie Gravel en novembre en même temps que d'autres candidats sélectionnés... et je commence en Janvier 2013.

 

C'était un défi et en même temps très excitant car il n'y avait pas de précédent pour ce poste en France. Donc beaucoup était à faire ! L'équipe Filosofia m'a fait confiance et j'ai appris en mettant à profit les expériences précédentes... et j'ai aussi appris sur le tas : organiser les stands sur des festivals  ; la communication autour d'un jeu dans un secteur de niche  ; faire le lien avec son distributeur, avec les médias  ; organiser autant que faire se peut des concours et des tournois  ; présenter et animer les jeux face aux joueurs, aux boutiques, aux professionnels (et ce n'est pas pareil). Le bureau était dans les locaux de Cocktail Games et Matthieu d'Epenoux et son équipe m'ont tellement bien accueilli. De même l'équipe des animateurs Filoboyz & girlz m'ont vraiment bien épaulé... et d'autres ! Bref, comme on dit dans ce cas-là, j'ai beaucoup appris en deux ans en étant bien entouré ! :D

4) Qu’est-ce qui vous a donc motivé alors pour quitter Filosofia et arriver chez Tric Trac  d’une manière plutôt rapide au final (2 ans) ? 
Vous êtes dans un média neuf internet, dans un milieu en plein essor, le monde ludique. 
Sans vouloir nous porter la guigne à nous professionnel du monde ludique, vous posez-vous la question quant à l’arrêt de la progression du jeu et donc en lien de l’existence de Tric Trac dans 5/10/15ans  ? 
Ou bien vivez-vous l’instant présent en profitant des belles années actuelles comme l’ont fait à une époque les joueurs de poker  ?

 

En fait, le travail pour Filosofia se passait fort bien et après deux ans, la demande autour des animations, festivals et jeux organisés explosaient. D’après moi, je ne pouvais plus tout assumer en gardant mon exigence qualitative, d'autant que le rythme des sorties chez Filosofia était, pour le moins, soutenu. Du coup, nous avons discuté avec la direction d'une embauche d'un potentiel collègue. Mais ce n'était pas dans les projets de l’entreprise du moment et pour cause.
Dans le même temps, une place se dessinait chez Tric Trac. Ces deux évènements en simultané ont abouti à mon arrivée chez Tric Trac.

Pour la suite et l'évolution du monde ludique, je ne suis pas Madame Irma. Quant au média neuf, Tric Trac est là depuis plus de 15 ans malgré tout. Par ailleurs, tout "corps constitués" change, évolue et mute... preuve qu'il est vivant. Parmi les langues, il n'y a que les langues mortes qui n'évoluent pas... mais elles sont "mortes" ! Donc je ne pense pas que le jeu ne progressera plus d'ici 5/10/15 ans… il ne progressera plus mais il changera... et certains des composants du «  monde ludique  » évolueront, d'autres résisteront, d'autres capituleront, de nouvelles façons de faire, d'éditer, etc. seront trouvées… la vie, quoi !... Et c'est déjà un peu le cas avec la nouvelle donne de l'édition, du marché, du financement participatif, finalement. Attention, je ne dis pas que je ne me pose pas la question de l'avenir. Au contraire, j'observe, je réfléchis, j'analyse, à mon humble niveau mais intensément... et ensuite, je vis ! 

Je me donnes à fond dans ce que je fais, j'apprécie de rencontrer des gens autour du jeux, de mettre en valeur leur travail, de rester à leur écoute autant que possible, de prendre plaisir à découvrir des jeux, écrire des articles et animer des vidéos... Pour répondre, c'est donc un mix entre questionnements, remises en question perpétuels et l'instant présent... Une fois encore, la vie, quoi ! :)

 

5) En parlant de rencontres, souhaiteriez-vous me parler de 2 acteurs du monde ludique (auteur, illustrateur, éditeur…), l’un que vous appréciez pour son caractère professionnel et l’autre au niveau humain  ? L’un n’empêchant pas l’autre et vice versa.  

Alors là, c'est la question piège... je suis porteur d'une tare très spéciale (en plus des autres, hein, bien sûr) : je n'aime pas choisir, j'aimerai pouvoir tout faire... et c'est aussi valable pour ce genre de réponse. Choisir de ne parler que de 2 personnes, ce serait renoncer à parler des autres.

Et autant j'ai découvert avec étonnement l'envers du décors du monde ludique (pourtant j'aurai dû me douter qu'il n'y avait aucune raison qu'il en soit autrement) avec ses relations interpersonnelles complexes pour des questions d'ego, de "prise de melon" et toutes les complexifications possibles lorsque de l’argent est en jeu (et ça devient un «  jeu  » sérieux et moins drôle d'un coup), autant j'ai également rencontré des gens qui travaillent avec la passion au cœur, avec le plaisir de la partager, capable de faire des heures de déplacement pour animer pendant d’autres heures des parties de jeux, à discuter encore et encore de jeux, de parties mémorables, d'avis discutés, argumentés, même vivement parfois, mais toujours dans le plaisir de l'échange...

Des personnes qui vivent à plein le mot "société" dans "jeux de sociétés". C'est à toutes ces personnes, auteurs, éditeurs, illustrateurs, animateurs, bénévoles, dans l'ombre ou la lumière, que je pense... J'ai parfaitement conscience que ça donne une réponse qui ressemble à une esquive... l'autre tare, c'est que je n'aime pas peiner inutilement ! Et puis, la vie est trop courte, alors j'espère que ces personnes que j'apprécie, professionnellement et humainement, je le leur ai dit... oui, toi, toi… toi aussi, et toi là, qui te doute que je parle de toi en lisant : je t'apprécie, j’apprécie qui tu es et ce que tu fais... bon, ça fait un peu solennel... j'te kiffe... ça fait un peu passé de mode... bref, on a compris en substance le message, quoi ! (oui, autre tare, je dois être plusieurs dans ma tête) :D 

                          Guillaume à Paris est ludique

 

6) Vous dites avoir découvert avec étonnement l’envers du décor  du monde du jeu. Vous parlez de guerres d’égo et d’argent. 
Vous êtes l’un des seuls à vraiment à m’en parler, en tout cas sans que cela soit en off. Bien souvent seuls les bons côtés du monde ludique sont mis en avant. 
Pensez-vous que ce microcosme, replié naturellement de par sa taille auparavant sur lui-même et s’ouvrant de par son essor de plus en plus sur l’extérieur tant au niveau des joueurs qu’au niveau des nouveaux professionnels venant à la base d’autres univers comme le commerce (pour de bonnes ou mauvaises raisons), doit-t-il réaliser une introspection afin d’assainir certaines relations et comportements comme nous avons pu le voir dernièrement par un débat lancé par Tom Vuarchex sur le plagiat par exemple  ? 
Où cela est-t-il tout simplement le lot de tout univers professionnel  ? 

 

Ouh là, attention, on ne s'emballe pas ! Je ne parle pas, moi, ici, de guerres d'égo et d'argent (même s’il y en a) mais de "relations interpersonnelles complexes", il y a des nuances et elles sont importantes. L'autre point important dans ma réponse précédente, c'est que c'est moi, l'imbécile dans l'histoire. Pourquoi donc penser naïvement qu'il pourrait en être autrement ? Ne sommes-nous pas, postulat de départ, humain ? Et tout ensemble composé principalement de ces êtres étonnants, étranges, complexes, qu'on nomme "humains" ne connaît-il pas ces turpitudes ? Donc rien à voir avec  une histoire d'univers professionnel ou d’un microcosme qui doit «  s’introspecter  » à mon sens… même si les réflexions, l’introspections sont intéressantes et on sent que ça bouillonne en ce sens dans le monde du jeu... Mais surtout ne s'arrêter qu'à cette simple énonciation serait occulter la deuxième partie de ma réponse, bien plus intéressante à mon sens, sur la richesse humaine et la passion qui animent beaucoup de joueurs et joueuses. Le verre à moitié plein ou à moitié vide...

 

Bien sûr que les bons côtés du monde ludique sont mis en avant, et bien sûr que la bonne ambiance autour d'une partie de jeux peut amener à penser que c'est toujours comme ça dans le monde ludique... c'est le jeu ! Et c'est bien normal !... Qu'ils y aient des réflexions autour d'une professionnalisation du microcosme ludique à plusieurs niveaux, d'une augmentation de l'aspect "business", "com" et "marketing", "commercialisation", contrebalancé ou pas par de "l'éthique"... c'est le jeu aussi ! Et c'est tout aussi normal !
Après tout, on peut aller plus loin... Pourquoi faisons-nous tout ça ? Pourquoi faites-vous des interviews dans le domaine ludique ? Parce qu’on en a envie, parce que ça peut faire plaisir d'être lu, d'être "reconnu", d'être valorisé dans son travail, de percer éventuellement... Et c'est normal !
Et pourquoi est-ce que j'y répond ? Certainement pour les mêmes raisons… Pourtant, après tout, beaucoup se fiche royalement de ce que je vais répondre et même, ça n'en changera pas la face du monde... alors, à quoi bon ? 

Tout ceci renvoie donc à cette histoire de critères personnels (et le mot "personnel" est important), toutes ces questions que l’on se pose ou pas, que l’on s’avoue, consciemment ou inconsciemment  : "à quoi suis-je prêt pour obtenir ce que je pense être important ?" et avant "qu'est-ce qui est important pour moi ?"... Bon, j'arrête, c'est peut-être philosophique, psychotruc de comptoir... donc même si ça me passionne, je freine ! Ça répond quand même à la question ou bien ? :D

L'envers du monde ludique : Guillaume fait la vaisselle chez Cocktail Games 

 

En fait, tout ça fait partie aussi de mes interrogations personnelles, abordées dans ma formation d'interprète également, où nous devions comprendre les tenants et les aboutissants d'une situation de communication, pétrie d'humain à tous les niveaux de communication (verbale, non verbale, corporelle, situationnelle, psychologique, etc.) et où la personnalité de chacun joue un rôle dans le sens même de la communication, la modifiant parfois, voir pouvant même la parasiter. 

Dans le monde du jeu comme partout ailleurs, nombreuses sont les personnalités (auteurs, éditeurs, bloggeurs... et bien d'autres, autoproclamés ou non) qui font ce qu'ils font pour obtenir une reconnaissance forte, comme une envie d'exister à travers le retour des autres, que ce retour soit "affectif" ou "financier", ce qui est complètement humain. J’apprécie ce décorticage, cet angle d'analyse sur les causes profondes de nos motivations. C’est riche, intéressant, complexe, bien qu’un peu intimiste. Après, pour tout t'avouer, j'ai une crainte forte du phénomène "prendre la grosse tête ou avoir les chevilles qui enflent"... je fais donc tout pour m'autocritiquer, me remettre en question afin de l'éviter et rester humble en toute chose, parfois exagérément... ce qui n'est guère mieux, parfois :) . Je compte aussi beaucoup sur ma vie personnelle (mon épouse et mes enfants) pour bien garder les pieds sur terre.

 

"Une force de la vie, voir même une force de Vie, sans aucun doute."

 

7) Je vous ai parlé d’égo à tort, et je m’en excuse. 
Vous travaillez pour quelqu’un, Philippe Maurin dit Mr Phal qui aurait selon les mauvaises langues un égo surdimensionné, mais qui d’ailleurs l’avoue lui-même je crois. 
Pourtant c’est selon moi, un être extrêmement émouvant et rempli d’amour. 
L’un de ces derniers commentaires sur facebook où il parlait de son enfance très difficile et de sa mère, m’a, à la fois profondément déstabilisé et attristé. Mais on y ressentait une force de vie, et une désir d’amour profond mal dissimulé peut être parfois pour se protéger sous une apparence de «  grande gueule  ». 
C’est quelque chose que vous ressentez également cet amour et cette force de la vie, c’est quelque chose qui se ressent chez Tric trac, et qui vous a motivé à venir travailler en ce lieu  ? 

 

Pas de soucis... et ce n'est pas à tort ! De l'égo, il y en a, comme partout, et une fois encore, ce n'est pas anormal puisque c'est ce qui permet d'avoir conscience de soi (en tant qu'être) et la conscience du “soi“ (le “soi“ en tant qu' "objet d'étude, de réflexion"). Après, quand il est hypertrophié, cet égo, ça... 

 

Pour Monsieur Phal, je ne peux pas parler à sa place. Ce que je peux dire n'est que mon point de vue, partiel et partial, de fait. Il carbure à la réflexion intensive, triturant les concepts, faisant et défaisant les analyses pour y voir si ça tient debout, s'il y a une faille... rhétoricien dans toutes ces acceptations peut-être, mais surtout un observateur étonné de l'Homme et de ses "raccourcis crasses" :D.

Après, qu'il ait un caractère tranché, fort, "musclé" par son histoire et l'égo qui va avec, ça me parait pas aberrant et il me semble en accord avec lui-même à ce propos... Une force de la vie, voir même une force de Vie, sans aucun doute. 

Ensuite, qu’à ce sujet, ça vitupère, par ressentis ou caractères différents, c'est humain, normal dans le sens ou l'humain peut fonctionner comme ça (ce qui veut dire qu'il peut aussi fonctionner autrement).
Mais ces réactions, ces avis, ces ressentis, balancés à brûle-pourpoint, le sont très souvent sans connaissance de toutes les facettes, et sans en discuter avec l'intéressé avant, pour saisir et comprendre vraiment les tenants et les aboutissants, c'est un peu déstabilisant parfois... et certainement symptomatique d'une société où le micro-trottoir amène à penser que notre avis sur tout et quoi que ce soit est important et très valable, même si ce n’est en fait qu’un “ressenti“ (qui devient le sacro-saint bouclier ultime et illogique en dernier bouclier), une société où on nous fait croire “que tout peut se dire, sans réfléchir, sur l'instant“, renforcé par la distance et l'anonymat virtuel des écrans. Une vraie conversation avec une vraie connaissance du sujet et des interlocuteurs prend du temps... Et ce temps est la "ressource" la plus précieuse puisque rien ne peut l'acheter.

 

Personnellement, je suis impressionné par la force de travail et de volonté de Monsieur Phal. Il assume ce qu'il est et ce qu'il pense, jusqu'au bout. Pour moi qui suis plutôt "Groscopain chez les bisounours" et "diplomatique" au risque d'être "transparent" et "sans saveur et sans âme", c'est formateur. Cette analyse et auto-analyse, constantes, même si nous ne sommes pas d'accords sur tout (et qui l'est avec qui que se soit à part son clone... et encore), et les discussions à l'officine qui en découlent sont assez géniales, et ce, sur tout plein de sujets qui vont du revenu universel à la chaîne de distribution des jeux et les pourcentages que chacun, au passage, récupèrent ; de la sociologie à la politique en passant par kickstarter, les motivations humaines et l'étape suivante pour le cosme ludique... Bon, il y a aussi des sujets triviaux que la pudeur m'interdit d'expliciter ici ! 

Tric Trac, un univers particulier! 

 

Pour les motivations à venir travailler à Tric Trac, bien sûr que cette personnalité, comme le travail de TT et son équipe, que je suis depuis le début des années 2000, en font parties. Pour un joueur passionné qui découvrait et suivait TT depuis un cyber-café voisin de la gare Saint-Lazare, ça représente un peu un travail de rêve. Être au service de tous les éditeurs, de tous les jeux, pouvoir jouer, découvrir, partager sa passion, en contact avec toutes les chouettes personnes qui sont aussi dans cette optique, c'est on ne peut plus motivant. Et je ne vais pas le cacher, les retours des joueurs, "internautateurs et internautatrices", qui apprécient notre travail font de fait très plaisir, donnent de l'énergie et l'envie de continuer... en restant extrêmement prudent et attentif à ne pas se prendre "trop au sérieux"... et si ça devait arriver, il ne faudrait surtout pas se gêner pour le dire. Malgré tout, après avoir rêvé, imaginé ce travail, il comporte aussi un aspect "labeur" comme dans toutes professions : parler de jeux dont on a moins envie ou qu'on apprécie moins ; garder une humeur, un ton et un dynamisme égaux pour tous alors qu'il peut y avoir des jours sans, comme tout le monde... mais je ne souhaite pas me plaindre, après la belle expérience Filosofia, travailler à Tric Trac, ça reste un travail extra. 

 

 

8) Vous dites «  parler de jeux dont on a moins envie ou qu'on apprécie moins ; garder une humeur, un ton et un dynamisme égaux pour tous  »
Comment fait-on quand on doit justement présenter un jeu que l’on n’apprécie pas ou peu?
Avez-vous déjà demandé à ne pas présenter un jeu chez filosofia ou sur une tric trac tv car vous ne vous sentiez pas de le faire? 
Comment aborde-t-on ce sujet avec son supérieur lorsque cela arrive  ?

 

Ici mon passif d'Interprète de conférence et sa déontologie se révèle en filigrane et les mots importants sont "respect"  et "transparence"  auquel j'ajouterai le mot de  "bienveillance".
Des jeux mauvais à 100%, ça n'existe pas puisque je défends l’idée qu’en grande partie, ce sont les joueurs qui "font" la partie au sens “jouer à ce jeu“ et "font la partie" au sens “créer collectivement une ambiance et donner au jeu un "supplément d'âme" par ce que chacun apporte à ce moment délimité dans le temps et l'espace“.

Si les joueurs veulent s'amuser, même avec un jeu bancal pour eux, ils s'amuseront et garderont même un bon souvenir de cette partie. Ensuite, il me semble illusoire de mettre tous les joueurs, de celui qui touche au monde du jeu pour la première fois par ce jeu au geek qui joue à tous les jeux depuis 1964 dans le même panier. Cette distinction, je la garde au maximum à l'esprit pour que mon appréciation n'influence pas directement la présentation du jeu. Enfin, je ne suis qu'un passionné parmi d'autres, j’essaye donc aussi de prendre du recul et de garder en mémoire mes joies des découvertes des premiers jeux de société pour conserver la faculté de "subjectiver" le jeu en me projetant à la place de différents types de joueurs... et puis, ça permet de garder la tête froide et de ne pas se prendre pour un critique d'Art !

 

Ces propos liminaires étant faits, je crois être un joueur ouvert, puisque le jeu importe moins (bon, "un peu" moins, en vrai :) ) que les joueurs et le moment à vivre autour de la table. Donc, j'ai des goûts assez éclectiques et m'amusent facilement. Côté édition, ça m'a été plus difficile de présenter des jeux sur lesquels je me trouvais en désaccord sur des points marketing ou commerciaux, sur le côté "vendre pour vendre" mais là, nous sommes plus sur l'aspect "travail" où il faut assumer (ou non) des décisions prises par des supérieurs. Après tout, chacun a ses limites !

 

Anecdote : Je suis en présentation de jeux en GSA (Grande Surface Alimentaire). J'ai choisi les jeux mis en avant, les plus "de sociétés", ceux que je trouve meilleurs, moins purement commerciaux. Pourtant les gens, les enfants, s'approchent et demandent à essayer les "action games" plastiques parce qu'ils ont vu la pub à la télé... argh, désolation. Je prend mon bâton de pèlerin ludique et je le leurs anime, en me disant qu'après, je leurs proposerai des "vrais jeux"... Et bien, ça ne marche pas tout le temps… et plusieurs constatations arrivent : ils se sont très bien amusés avec un jeu qui leur convenait finalement pas mal, même si personnellement je le trouve limité ; ils ne sont pas forcément en "état de réception", même sur le plan ludique, à de nouvelles découvertes pour aller plus loin dans l'aspect ludique. Donc mon appréciation personnelle n'avait rien à voir avec la leur et ma projection de cette appréciation n'était pas fondé pour eux. Il faut donc du recul dans ce travail qui est un mix entre la présentation d’un jeu et la présentation de ces appréciations.

 

Il arrive donc que j’apprécie peu un jeu mais qu'il faille le présenter... ce qui finalement est assez simple à faire, et ce pour plusieurs raisons : Sur Tric Trac, l'objectif est qu'à la présentation du jeu et par l'utilisation de sa capacité d'analyse et de réflexion, l'internautatrice et l'internautateur puissent se dire : "ce jeu semble fait pour moi"... ou pas ! Le  respect  du travail d'un auteur qui croit au potentiel de son jeu, le respect du travail d'un éditeur qui croit en son édition et le respect des joueurs qui vont s'y amuser me permettent d'aborder ce jeu avec  bienveillance, en me disant : "quel est, au minimum, l'aspect, la mécanique, le point saillant qui me permet de m'y accrocher et de lui trouver quelque chose de positif ?"... le verre à moitié plein !

Que ce soit en rédigeant des articles ou en TTTV, qui ne sont pas des critiques puisqu'il s'agit d'une présentation assez factuel, j'essaye d'être  transparent, c'est à dire de centrer le propos autour du jeu et des personnes et d’être clair lorsque je parle de mon appréciation plus subjective. Elle peut s'y inviter par des petits éléments, mais généralement en positif et en dynamisme plus qu'autre chose... et dans des proportions moindres que le propos sur le jeu et l'histoire des personnes autours. 

                    Le jury du FLIP.  Un rôle objectif ou subjectif? 

 

Ça a ses limites bien sûr. Un jour, un internautateur m'explique avoir acheté un jeu parce que nous nous étions bien marré sur la TTTV. Par la suite, ce jeu fait un flop dans son groupe de joueurs. Le jeu est en cause ? Dans la mesure où ce sont les joueurs qui font le jeu, je ne pense pas. Le jeu n'était pas pour eux, à cet instant I. En fait, par cette question, nous ne sommes pas loin d'une discussion sur l'établissement d'une critique par rapport à l'objet "jeu de société".

D'ailleurs, avec plusieurs participants lors d'un forum sur la critique du jeu de société au Brussels Games Festival, nous avons pu en débattre dernièrement. Pourquoi critiquer ? Pour que ce soit utile à d'autres en leur indiquant quels sont les bons et les mauvais jeux ? Pourtant nous avons vu que nous ne pouvons nous transposer à l’Autre... c'est donc alors prendre le risque d'entrer en confrontation, voir de snober d'autres goûts ; Pour être reconnu en tant que "gros joueurs" et devenir donc un prescripteur d'achat ? Voir être ensuite séduit par ceux qui doivent vendre leur "produit" ? ;Par passion de critiquer négativement, parce que c'est drôle de démonter ? 

Bien sûr qu'une critique peut être constructive bien que négative est bonne et possible. Mais pour qu'elle le soit, il faut que le critique soit transparent et réfléchi sur ses motivations et qu’il ait l'expérience, la culture et le recul pour le faire. Si l'Art est difficile, la critique est facile... et faire une bonne critique, c'est tout un art... donc difficile ! Nous en revenons donc à la motivation de nos actes (ici de la présentation ou de la critique) et à la légitimité de l'actant (ici du présentateur ou du critique).

 

Pffff, vraiment, faut que j'arrête les réponses développées... :D

 

Nous nous mettons à nous tutoyer

 

 

9) Eh bien pour t’empêcher de développer… Comment définirais-tu en un mot, oui un seul, chacune des personnes suivantes  :

Croc, Christine Deschamps, Docteur Mops, Bruno Faidutti, Yannick Robert, Marc Nunes, Frédéric Henry, Monsieur Phal, Sébastien Dujardin, Cyril Demaegd

Diantre, ça va être dur... en un mot, un seul ?... c'est réducteur... même pas un petit commentaire ?... Bon, je mets ça en liste alphabétique, ça m'évite le syndrome du "plan de table"...

 

CROC : Profundis Albapomponus

Cyril Demaegd : Flipperis Analysis

Christine Deschamps : Aquarellum magnificum

Sébastien Dujardin : Rationist Humorist

Bruno Faidutti :  Θεοũ δίκη

Frédéric Henry : Marvus Bourrinum

Docteur Mops : Lingua Auri

Marc Nunes : Aurum digitorum

Monsieur Phal : Fulgur ieiunium

Yannick Robert : Error 404

 

Bon, finalement j'ai mis deux mots mais c'est en latin (et en grec, et en anglais), c'est une langue morte donc un mot compte pour 1/2, donc ça va... par contre, bonjour les privates jokes, il va falloir sortir du dossier pour certain... 

                Guillaume et Sébastien Dujardien à Brokeback mout...euh au FLIP! 

 

 

"Vivre, c’est "jouer avec le risque de mourir".

 

10) Christophe Boelinger évoquait dans son interview avoir peur de retourner au festival du jeu de Cannes, car il pense que l’événement peut être une cible propice pour les terroristes. 
Qu’en penses-tu? 
Actuellement une forte tension se crée de mois en mois entre différentes communautés, entrainant la course à l’élection présidentielle sur des thèmes de plus en plus à droite.
Vois-tuune solution aux conflits entre une population vieillissante se sentant perturbée, voire agressée par tous les changements actuels qu’ils soient culturels, spirituels ou économiques, et une population plus urbaine et plus jeune souhaitant le changement et l’ouverture sur différents thèmes  ?

 

Je pense qu'on s'éloigne un peu du «  seulement ludique  ».
Ceci étant, c'est possible...
Mais après ? que faire ? vivre reclus ?

Remarques, ça va bien avec cette société qui nous fait croire qu'on peut être assuré sur tout ou presque, alors qu'en fait, on fait payer des gens suivant une estimation du risque. On ne les «  assure pas  », on les «  rassure  » en leur faisant croire qu’ils sont ainsi «  maître du risque  », qu’ils «  gèrent bien leur vie  ». En échange, lorsque le risque devient réalité, l’assurrance fait «  oups, tenez, voici de l'argent  »... Cynique, non ?

Quand je prends ma voiture, je prends un risque, quand je respire également (sisi, il y a des virus dans l'air...)... Bref, vivre, à la base, c'est risquer... c'est risquer d’être déçu, malheureux, accidenté, abusé et désabusé…
Vivre, c’est "jouer avec le risque de mourir".

C'est d’ailleurs, en un certain sens, une des raisons qui font l'intérêt des jeux de société : pouvoir expérimenter, essayer, tenter, "vivre des sensations" dans un cadre restreint dans le temps et l'espace, avec des règles particulières, “préhensibles“ et compréhensibles, mais dans un cadre "sécurisé" permettant donc d'éprouver tout ça sans véritable risque (ceci étant, dans le cadre de jeux d'argent ou avec du physique, ou lorsqu'on devient "accro" à une pratique, le risque devient réel, pour soi ou pour son entourage)

Non, je n'ai pas de solutions à tous ces problèmes énoncés. Je remarque simplement, bien que ce soit pratique car plus simple à réfléchir et manipuler les concepts, que le fait même de ranger des gens dans des cases comme "vieillissant = rétrograde", "jeune urbain = ouvert", "religieux = extrêmistes illuminés" et tant d'autres... est propice à ces foutus amalgames, aux stéréotypes, aux jugements hâtifs et à l'emporte-pièce en inadéquation avec la complexité de la réalité.

Ces "cases" qui, pour le coup, sont à l'opposé de celles de nos plateaux de jeux (ça serait tellement plus simple comme ça, ceci étant...), sont presque autant de murs dressés entre les gens. En voyant sur les festivals de jeux, ces rencontres inopinées, sympathiques et simples autour d'un jeu de société, on se prend à croire que pourtant, ce n'est pas compliqué...

J'imagine que des parties ruinées par l'ambiance plombée lorsque la politique ou la philosophie de vie ou autre s'invitent à la table montrent bien qu'il est illusoire de croire que le jeu de société efface les différences... C'est certainement et finalement ontologique : l'humain porte en lui-même à la fois le besoin de l'Autre pour se définir lui-même et se compléter en tant qu'Être imparfait et fini, et il porte également en lui-même la peur de l'Autre en tant qu'Inconnu différent, risque pour son intégrité physique ou psychique. Pas simple tout ça !

                           El Gringo à Mafia de Cuba

 

11) Je pense malheureusement comme toi que de trop nombreux amalgames règnent actuellement et dont notamment celui religieux=extrémistes. 
Je pense, à tort ou à raison que l’art peut être un bon moyen pour passer outre certains amalgames. 
Souhaiterais  tu nous parler d’un auteur ou d’une œuvre (littérature, musique,  peinture, jeux…) que tu souhaiterais mettre en avant  qui justement combat les amalgames que nous pouvons tous avoir  ?

Pour que l'art soit un moyen de passer outre certains amalgames, il lui faudrait être universel, il me semble... ce qu'il n'est pas réellement. Il nécessite une part de décryptage, d'apprentissage pour une réelle "compréhension", même si effectivement, tous peuvent "apprécier" une oeuvre d'art dans le sens de "juger de sa valeur" ou la "ressentir" par ses différents sens et affects. Cela n'enlève en rien la subjectivité dans cette appréciation... et on retombe dans la nature humaine et ses différences qui peuvent être "richesses" ou "divisions".

Du coup, comme en réponse à cette vision, je ne parlerai que d'une oeuvre, une seule... vaste et multiface : la Nature ! En dépit des coups de boutoir que l'homme lui porte, elle est là, avec ses merveilles et ses forces. Il y a dans la nature de quoi admirer, s'apaiser, se ressourcer et même lorsqu'elle déferle, dans ses démonstrations de force, il n'y a pas de mal ou de bien... que nous soyons sur le chemin ou pas, elle EST, simplement. Il n'y a pas d'amalgames car il n'y a pas de jugements... et ça fait du bien !

 

12) Monsieur Guillaume serait-t-il donc un adepte du romantisme  ?  

Non, je ne crois pas... enfin, quoique... ça dépend de la définition de romantisme... Si on se place sous la définition d'idéaliste, c'est peut-être vrai, mais j'utilise un maximum la raison et l'imagination, sans que l'une prenne le pas sur l'autre ni ne prenne le pas sur la réalité qui, sans métaphysique, est cruelle et désespérante.

Si on se place sous l'égide d'Alfred de Musset : "Tout ce qui était n'est plus ; Tout ce qui sera n'est pas encore", alors oui, il y a un peu de ça aussi... une angoisse et une réflexion perpétuelle sur l'état du monde, de ma vie, la place de la raison et du sentiment pour un cocktail harmonieux toujours mis à mal par la réalité de ce monde... sans vouloir être sous la coupe de passions, quelle qu'elles soient.

Après, je pense que je reste un brin naïf, en essayant d'être réaliste, mâtiné d'un soupçon de chevalerie à l'ancienne sans en avoir le courage, la force d'âme... ni l'armure, d'ailleurs. Après, si on parle de l'envie du Beau, du Bien, et du Vrai... alors oui, cent fois oui... mais encore faut-il pouvoir définir ces trois concepts qui, pour certains, ne sont pas des universaux... et donc, à nouveau galères entre les mains des humains.

 

13) Un avis subjectif maintenant…  quel jeu manque implacablement selon toi à Jeux Viens à Vous et pourquoi? 
http://manuvotreserviteur.wixsite.com/jeuxviensavous/jeux- 

Impossible de n'en citer qu'un (voir plus haut)... Blood Bowl et ses équipes qui évoluent avec le temps et les matchs pour avoir de la figs, ou Claustrophobia... ou les Demeures de l'Epouvante... Sherlock Holmes Détective Conseil pour se raconter des enquêtes en les vivants... Caylus, Terra Mystica ou les Châteaux de Bourgogne, histoire d'avoir du très bons dans les jeux Core... Et puis un jeu de rôle... sans jeu de rôle, une ludothèque est "complètement incomplète"... mettons... "Warhammer, jeu de rôle fantastique" (dans sa première ou deuxième édition) ou "Les Secrets de la 7ème Mer" (avec du tiroir à secrets à foison...)... ou... mince, pardon, tu avais dit "quel jeu" au singulier ! :D

 

 

14) Imagine une soirée ensemble, mais nous ne nous connaissons pas ou très peu, je te propose de jouer à 3 jeux dans le but d’apprendre à se connaitre, lesquels me proposes tu  et pourquoi  ? 
Ou bien préfères-tu faire des canulars téléphoniques à Matthieu d'Epenoux, un verre de Saint-Véran à la main  ?

Rhôôô, faire des canulars téléphoniques à Matthieu, figure que, véritablement tendrement, j'apprécie dans le monde du jeu et qui m'apprend à être moins naïf, là, j'hésite...
Mais quand même... jouer, je ne peux pas résister. Alors je vais finir par y arriver à me limiter parce que, finalement, maintenant que j'ai 3 jeux à choisir, je ne vais en prendre qu'un seul... mais avec un verre de Saint-Véran à la main.


Et ce jeu, c'est un jeu de rôle. Je te proposerai de te masteriser, sur une soirée, un petit scénario sur un jeu dans lequel l'ambiance me plait bien... Voyons, un Torg, tiens : nous y jouons des chevaliers-tempêtes venant de diverses réalités, différentes réalités qui tentent d'envahir celle de la Terre... un étonnant melting pot d'ambiances, d'univers, de réalités avec des règles physiques ou magiques diverses... j'aime beaucoup ce qu'il est possible d'y faire.

Si on veut rester plus classique, un petit Warhammer pour jouer dans un univers médiéval fantastique sombre, gothique où la corruption est partout ou presque, où vouloir améliorer les choses est sans fin et toujours à recommencer, y compris sur soi-même... un peu comme Cthulhu mais dans les années folles si tu préfères.
Sinon, si nous savons que nous nous retrouverons et qu'une petite campagne ne te fait pas peur, un Secret de la 7ème Mer pour, dans un univers flamboyant mais énigmatique de capes et d'épées, avec de multiples secrets à découvrir, voir même influencer les Grands de ce monde... Ou encore un Vermine où la Terre se réveille et s’aperçoit qu’un immonde cancer la tue de l’intérieur  : les humains. Elle envoie contre eux ses «  globules blancs  », sa défense immunitaire  : la vermine  ! Mutation, apocalypse et survie mâtiné de réflexions sur notre place dans l’univers…
Bref, ça nous fera une superbe soirée autour d'une sacrée aventure avec un bon vin... et surtout, de quoi discuter et forger des souvenirs communs comme socle à une meilleure connaissance mutuelle.
j'essaye de "bien être"

Guillaume et l'homme dont on doit toujours citer le nom dans une interview Jeux Viens à Vous sinon vous aurez 7 ans de malheur ! 

 

15) Le jour où tu devras quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiterais-tu que l’on retienne de toi en tant que professionnel mais aussi en tant qu'être humain?
 

... pfouh, je n'en sais trop rien... Je suis un peu un angoissé, trituré du ciboulot : j'ai à la fois envie de faire les choses bien, pour les bonnes raisons et en essayant d'être respectueux de tout un chacun... même si, forcément, comme je le disais plus haut, je suis comme tout le monde, j'aime donc aussi quand on me dit apprécier le travail que je fais, comme une sorte de reconnaissance extérieur qui complète et réajuste le regard que je porte sur moi-même.

J'essaye d'équilibrer le fait de faire les choses pour soi, de le faire pour les autres, de les faire bien sans autre forme de "récompense"  et enfin ne pas négliger le retour qui en résulte... Un équilibre délicat et sans cesse en mouvement… Un peu comme la marche qui est un perpétuel déséquilibre qu'on rééquilibre jusqu'au pas suivant pour avancer. 

Je crois mettre de l'énergie et du dynamisme dans mon travail et si ça peut donner le sourire, de l'énergie, un sentiment de légèreté ou de proximité dans le quotidien à certaines personnes, ce serait déjà réjouissant. 

Sincèrement, et ça me gène un peu de l'écrire car ce n'est pas quelque chose qui se mendie mais qui se gagne, je crois que je souhaiterai qu'on retienne, professionnellement mais surtout finalement humainement, que j'essaye de "bien être" avec tous, de façon juste et équilibré, y compris, et ce n'est pas le plus facile, avec soi-même.

 

"Parce que la Vie, c’est une chance unique, incroyable et divine"

 

16) Malheureusement, c’est déjà la fin de cet entretien, Guillaume, en prenant en compte, ta vie professionnelle et personnelle, es-tu heureux  ?

En vérité… je ne sais pas trop  ! La partie de moi qui est toujours en triturations, angoissé, qui voit les injustices flagrantes de ce monde, le Mal profond en ce monde, en plus de la bêtise humaine… cette partie idéaliste ne l’est pas spécialement. De façon conjointe, liée, la partie perpétuellement insatisfaite en moi, parce qu’ayant soif d’infini dans tous les domaines, connaît également une part de frustration, bien qu’ayant une part d’égoïsme comme une part de légitimité. Par contre, la partie de moi, raisonnée et raisonnable, qui sait se contenter et se rétracter pour qu’il y ait de la place pour d’autres, cette partie de moi qui, réalistement, prend les petits bonheurs de la vie comme étant les seuls importants, les vrais et seuls petits ruisseaux qui alimente cette grande rivière qu’est ma vie, oui, celle-là est heureuse.


Parce que la Vie, c’est une chance unique, incroyable et divine, oui, osons le mot, même à l’échelle de l’univers (encore un sujet passionnant) et que dans cette vie, il ne devrait pas y avoir la place pour la méchanceté, la mesquinerie, la jalousie, la bassesse. J’ai une fois encore parfaitement conscience de l’apparente ingénuité de mes propos. Je n’en persiste et signe pas moins, j’assume  :) .

Alors, toi aussi, Manu, sois heureux et merci pour cet échange si «  spécial  »… vous aussi, amis (ou pas) lecteurs, lectrices, soyez heureux, gonflez votre cœur et ceux de votre entourage, ça remplacera cette lumière du soleil qui ne brille pas tous les jours dans la réalité…

signé  : «  le bisounours ludique à crocs-quand-même  »

 

Merci à toi Guillaume pour ta disponibilité et ta gentillesse 

La semaine prochaine, notre invité s'amuse avec le café ...

Pour ceux qui souhaiteraient soutenir mes entretiens, voici ma page tipeee,  même un petit geste fait plaisir et vous pourrez contribuer à d'autres interviews réalisés sur des festivals (Cannes, Essen...) : 

Ma page Tipeee

 

Pour ceux qui souhaiteraient découvrir les précédents entretiens, mes animations ou suivre ma page facebook  : 

http://www.facebook.com/jeuxviensavous/


Yves Hirschfeld
Benoit Forget
Bruno Faidutti 1ère partie
Bruno 2ème partie
Naiade
François Haffner 1ère partie
François Haffner 2ème partie
Pierô Lalune
Timothée Leroy
Mathilde Spriet
Sébastien Pauchon
Tom Vuarchex
Vincent Dutrait 1ère partie
Vincent Dutrait 2ème partie
Christophe Boelinger 1 ère partie 
Christophe Boelinger 2ème partie
Régis Bonnessée
Roberto Fraga 1ère partie
Roberto Fraga 2ème partie
Cyril Demaedg
Bruno Cathala 1 ère partie
Cyril Blondel
Bruno Cathala 2ème partie
Yahndrev 1ère partie
Yahndrev 2ème partie
Emilie Thomas
Sebastien Dujardin
Florian Corroyer
Alexandre Droit
Docteur Mops 1ère partie
Docteur Mops 2ème partie
Arnaud Urbon
Croc
Martin Vidberg
Florent Toscano

bottom of page