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Jeux Viens à Vous Florian Sirieix

1) Bonjour Florian, aurais tu la gentillesse de te présenter? 

 

Salut ! Je suis Florian, jeune (si, si, encore un peu) passionné de jeux, de voyages, de musique et de séries TV. J'habite à Sérignan, une petite ville au sud de Béziers, mais j'ai toujours vécu aux alentours et dans Montpellier, qui reste ma ville de coeur. Je suis prof des écoles, je travaille en collège avec des élèves de Segpa. Ca fait des années que je joue, et presque 6 ans que je crée des jeux. Je suis un peu hyperactif, ce qui m'aide bien à combiner mes deux boulots, même si parfois je n'ai pas vraiment de temps pour dormir, mais je garde ça pour quand je serai vieux. J'adore vraiment mes deux activités, je me régale à faire évoluer des élèves que je suis pendant 4 ans (de la 6e à la 3e), et que je vois grandir et s'épanouir, puis partir sur une voie professionnelle. Et puis, j'ai le plaisir de faire jouer des gens avec mes protos sur les festivals, et voir des projets aboutir, de petits bouts de papier à des magnifiques boîtes de jeux. Et le summum, c'est quand je fais jouer mes élèves pendant les temps de récréation et les pauses méridiennes ! 

 

2) Peux tu nous expliquer comment tu es arrivé dans le projet Luma? 

J'ai créé un jeu de commande pour mes élèves (si, si...). Ils voulaient un nouveau jeu de bluff qui raconte une histoire. Alors j'ai créé Pillage, que j'ai ensuite montré à pas mal d'éditeurs à Cannes et qui a bien plu. Cedric et Anne-Cécile ont décidé de signer le jeu, puis m'ont demandé si cela me convenait de changer le thème pour l'adapter à un univers qu'ils étaient en train d'imaginer avec Ian Parovel, le monde de Luma. Après, mon boulot à moi c'était plutôt l'équilibrage du jeu et des mécaniques, en travail intensif pendant des mois avec Cédric. Le thème était travaillé par les Ludonaute en parallèle et ajouté dans le jeu au fur et à mesure. C'est pour les personnages et leurs pouvoirs qui devaient correspondre aux personnalités que j'ai eu le plus de travail par rapport à l'univers de Luma. Le reste, j'ai découvert au fur et à mesure, comme les joueurs (parfois un peu avant quand même).


 

3) Que veux dire jouer, et faire jouer pour toi? 

 

Jouer c'est s'évader. Devenir quelqu'un d'autre. Voyager. Pendant un moment on oublie tout, on s'amuse et on profite des contacts humains. On raconte des histoires, on brave des épreuves, on s'aime et on se déteste. Et puis tout rentre à la normale. (Oui, j'ai adoré Jumanji quand j'étais gamin). Faire jouer, c'est donner cette possibilité. C'est d'une facilité déroutante, et ça procure tellement d'émotions, pourquoi s'en priver ? 

Florian explique Oh Capitaine à Paris est Ludique. 


4 ) Comment fonctionnes-tu justement avec un éditeur de manière concrète?

Certains auteurs ont des difficultés à effectuer des changements pour leurs jeux, c'est quelque chose qui t'arrives ou pas du tout? 

Peux-tu nous expliquer comment vous avez travaillé de manière concrète avec Anne Cécile et Cédric? Des changements effectués, des choix à réaliser pour l'optimisation du jeu...?

La réponse est complexe, parce qu'il y a beaucoup de paramètres en jeu : contact avec l'éditeur, état d'avancement du projet au moment de la signature, co-auteur, distance entre les personnes impliquées... chaque édition est une aventure différente. Puisqu'on parlait de Oh Capitaine, je peux te raconter plus concrètement pour ce projet. On a passé beaucoup de temps à skyper avec Cédric, qui est responsable du développement des jeux Ludonaute. Le jeu étant plutôt minimaliste, chaque interaction, chaque pouvoir, chaque quantité devait être testée et équilibrée. Heureusement, j'avais mes élèves pour faire des tests intensifs. Je faisais un proto chaque week-end et chaque mercredi, et je testais en classe, une partie le matin, 2 le midi, une dernière l'après-midi, pendant les récrées. A coup de 16 parties par semaine, ça avançait vite. J'ai aussi fait plusieurs aller-retour à Istres pour travailler en direct, brainstormer, tester. Avec Cédric, on lançait des idées, on attendait de voir si l'autre trouvait une faille dans le raisonnement ou validait l'initiative, puis on testait. Je n'ai absolument aucune difficulté à faire des changements dans mes jeux, tant qu'ils sont raisonnés. 

 

 

5 A) Maintenant qu'Oh capitaine est sortit depuis quelques mois, quels sont les retours que tu reçois que ce soit des boutiques ou des joueurs? 

Les joueurs sont de nature gentille. Moi-même si j'adore un jeu je ne me gêne pas pour aller féliciter l'auteur, mais si au contraire je ne l'ai pas apprécié je me garde d'aller lui dire, je ne trouve pas ça constructif maintenant que le jeu est terminé. C'est différent pour les protos du coup, là toutes les remarques négatives sont les bienvenues puisqu'elles sont forcément constructives. 

 

Les retours sur internet sont plutôt bons, même s'ils sont mitigés forcément. Les deux principales remarques qui sont faites au jeu sont évidemment celles en rapport avec le packaging, et celles en rapport plus ou moins lointain avec Argh. 
 

 

5 B) Comment as-tu reçu certaines critiques disant que le jeu n'était que beau? 

L'esthétisme réalisé par Ian est sublime, mais a contrario certains en profitent pour critiquer ouvertement la mécanique du jeu


Maintenant que Oh Capitaine est sorti depuis quelques mois, je commence à avoir des retours. Je n'ai pas eu énormément de retours de joueurs, mais ceux que j'ai eu sont plutôt bons. Après je ne me voile pas la face, je sais que les joueurs sont de nature gentille. Moi-même si j'adore un jeu je ne me gêne pas pour aller féliciter l'auteur, mais si au contraire je ne l'ai pas apprécié je me garde d'aller lui dire, je ne trouve pas ça constructif maintenant que le jeu est terminé. C'est différent pour les protos du coup, là toutes les remarques négatives sont les bienvenues puisqu'elles sont forcément constructives. 

 

Pour ce qui est de la boîte du jeu, j'ai du mal à comprendre ce qui gêne : oui, la boîte est magnifique, oui elle est grande et originale. Elle est un peu trop grosse pour le jeu qui se voulait minimaliste (on y reviendra), certains la trouvent "survendue". Le défi des Ludonaute c'était de trouver un format original, qui pouvait contenir toute la gamme de jeu, en restant toujours dans la même gamme de prix. Comme Oh Capitaine n'est pas chargé en matériel, ça a laissé de la marge pour se faire plaisir avec du carton noir, une bouteille en plastique, tout ça sans que le client ne se sente lésé. Quoi qu'il en soit c'est une décision éditoriale à laquelle je n'ai absolument pas participé, mais que je cautionne à 100%.

Florian fait tester Oh Capitaine 



5 C) Le jeu a été comparé à Argh édité chez blue cocker, comment as tu vécu cette comparaison? En as-tu souffert au bout d'un certain temps?  

 

Quand le jeu Oh Capitaine était en développement, j'ai eu la chance de découvrir Argh, travaillant aussi actuellement avec Blue Cocker (Save The Meeple, prévu fin 2018). Le proto de Pillage que j'avais montré aux Ludonaute, en était assez proche. J'ai tout de suite prévenu Alain (BC) et Cédric de la proximité entre les deux projets, mais deux axes de travail complètement différents ont été suivis. D'un côté Blue Cocker s'est placé dans une nouvelle gamme "mini" à petit prix, avec une mécanique très épurée (mais néanmoins géniale), une revisite du parfait Poker des Cafards, visant donc un public très familial. De l'autre, Cédric a souhaité justement rendre le jeu plus stratégique et un peu plus complexe, pour que dans l'esprit des jeux Ludonaute, le jeu raconte une histoire, fasse vivre une aventure aux joueurs. Alors oui, Argh fait partie de mes jeux préférés de 2017. J'adore y jouer avec mes élèves aussi. Mais il s'agit d'un petit jeu de bluff de 5 min dans laquelle le but est de gagner. L'univers, et surtout sa référence, sont mignons et rigolos, mais l'immersion manque un peu (normal dans un format 5 min). Et quand je joue à Oh Capitaine, je ne me rappelle pas de qui vient de remporter la victoire. Je me souviens que les copains ont ri quand j'ai acheté un oeuf au lieu alors que je voulais un grappin. Et puis encore quand le même joueur s'est mutiné ensuite, et que je n'ai pas réussi à lui refiler mon oeuf de Nukkha. Donc chers joueurs, si vous voulez un jeu efficace, achetez Argh les yeux fermés. Si vous voulez vivre une aventure, perdus sur une plage, essayant de bluffer les adversaires pour récupérer le plus de matériel possible, essayez-donc Oh Capitaine. 

6) Aurais-tu une anecdote drôle ou émouvante qui t'es arrivé durant un festival ou lors des tests de jeux ?

Mon premier Cannes en tant qu'auteur publié, je présentais Deal, Gentlemen Collectionneurs sur le stand de La Donzelle. C'est un jeu de négociation pour 2 joueurs. Et là, un papa et son fils de 10 ans viennent jouer. C'était tout mignon pendant toute la partie, ils se mettaient d'accord assez rapidement, prenaient leurs cartes, scoraient leurs points. Jusqu'à l'avant-dernier tour. Ils s'étaient rendus compte qu'ils voulaient la même carte, mais qu'il restait probablement une autre de ces cartes dans le deck pour le dernier tour. La, le petit garçon regarde son père d'un air tout gentil et lui demande de rendre celle-là en lui promettant qu'il aurait la prochaine et que tout le monde serait content. J'ai éclaté de rire quand, le tour suivant, le gamin a regardé son père avec un sourire mesquin en lui disant "Ah bon, j'avais dit que tu l'aurais ? Nooooon... On va plutôt la défausser". 

7 A) Comment définirais tu Anne Cécile ?

Anne-Cécile est généralement calme et posée. Dans l'équipe, c'est celle qui réfléchit. Elle gère la partie administrative et officielle des Ludonaute. Ca ne l'empêche pas d'avoir toujours le sourire et d'être passionnée et d'avoir des coups de coeurs sur des protos qu'elle teste parfois. Je me rappelle de son grand sourire l'année dernière à Essen quand elle a découvert ce qui deviendra le Tome 3 des Légendes de Luma. 

 

7 B) Comment définirais tu Cédric ?

Cédric est la partie visible de l'iceberg. C'est lui qui est en charge du développement des jeux, avec parfois de bonnes idées, parfois d'autres qui sont excellentes, et puis... les autres : "Je vais dire un truc mais c'est surement une connerie". Du coup, il est plus souvent en contact avec les auteurs. Il sait être à l'écoute des propositions, et teste avant d'affirmer, c'est vraiment un plaisir de bosser avec lui en développement. Malgré ses innombrables qualités, il a un énorme défaut - ne le laissez pas gagner un tournoi d'Hearthstone sinon vous n'en entendrez jamais la fin !

 

7 C) Comment définirais tu Ian ?

Ian est un génie.
Je n'ai pas directement bossé avec lui, ou très peu. Nos relations "professionnelles" étaient souvent des engueulades unilatérales dans laquelle je m'excusais d'avoir posté trop tôt sur les réseaux sociaux, ou pas le bon format d'image. Bon en vrai ça a été plutôt rare, et c'était mérité. Il est en charge de l'univers graphique chez Ludonaute, c'est lui qui a recruté les talentueux illustrateurs qui ont fait que mon petit jeu minimaliste est devenu un bijou de société. Il a aussi géré, comme je viens de vous dire, tout l'aspect communication autour de l'immense projet Luma.
Il n'aime pas qu'on dise que c'est un génie, mais je le pense vraiment. Il est vraiment excellent dans sa faculté à savoir ce qui va plaire, comment, quand et pourquoi, dans le packaging d'un jeu, là où moi je ne peux qu'imaginer s'ils vont s'amuser et comment. 

Ian et Florian, une relation....compliquée! 

 

8 A) Comment définirais tu la relation de travail avec un éditeur dans le monde ludique par rapport à d'autres milieux dit « moins passionnés »? Professionnelle ? Passionnée ? Calme ? Réfléchie ?

C'est extrêmement difficile de répondre à cette question, parce que déjà tous les éditeurs sont différents et ont des méthodes de travail qui leur sont propres, mais surtout parce que je n'ai jamais eu l'occasion de travailler avec des éditeurs non "ludiques". 

 

8 B) Y a t-il des éditeurs avec qui tu n'as pas voulu travailler car humainement le feeling n'était pas présent ou parce que certains points de discorde étaient trop importants ?

C'est sûr que quand tu t'engages sur un travail de plusieurs mois avec un éditeur il vaut mieux que le courant passe, humainement. Il n'y a quasiment pas d'éditeurs avec qui je refuserais de travailler parce que je ne m'entends pas avec eux, je n'ai pas encore eu le temps de me fâcher avec beaucoup de monde :D.
Par contre, depuis que j'ai vraiment intégré le monde du jeu (merci Bruno pour le coup de pouce), j'ai des affinités particulières avec certains éditeurs. D'ailleurs, un de mes derniers contrats me ramène à ta question précédente sur les anecdotes de festivals. Lors du festival de Cannes 2017, qui était super protégé, on avait les sacs fouillés, pas le droit d'avoir de la bouffe tout ça... J'avais contacté les sympathiques gens de Blam pour leur montrer un proto. Comme Seb m'avait proposé un rdv à l'heure de l'apéro, je me suis engagé à apporter le dit apéro. J'ai donc fait rentrer une bouteille de bière et un saucisson dans une boîte de "proto" vide, et on s'est bu un coup ensemble. Ils disent qu'ils ont signé le jeu parce qu'il était bon, mais je ne sais toujours pas à ce jour s'ils parlent du saucisson ou du proto. 

 

Pour revenir à la question, j'en discutais il y a quelques jours avec des collègues auteurs plus ou moins "expérimentés". J'ai remarqué plusieurs niveaux de reconnaissance des auteurs dans le monde du jeu :

- 1 : Tu envoies des mails et tu n'as jamais de réponse, ou dans 6 mois, parce que les éditeurs ont 100 mails à gérer par jour et n'ont jamais entendu parler de toi. 

- 2 : Quand tu es sur un festival, les éditeurs regardent rapidement ton proto sans se lancer sur une partie et écoutent ta présentation du jeu. 

- 3 : Tu as un jeu, tu envoies un mail à un éditeur et tu as un rdv dans la journée pour Essen, ou bien l'éditeur te demande de leur envoyer un proto. 

- 4 : Les éditeurs t'appellent et te demandent si tu n'as pas un jeu pour leur gamme. 

Attention, ça ne veut pas dire que le jeu sera signé, c'est juste qu'il s'est créé une confiance et une réputation qui font que les éditeurs savent qu'ils ne perdront pas leur temps à regarder ton jeu, parce que tu sais ce qu'ils ont dans leur gamme, ce qu'ils souhaitent, que tu es capable de travailler sérieusement avec eux pour arriver à un projet final si besoin. 

 

9) Ton rêve dans le monde ludique ce serait quoi? 
Réaliser un best seller afin d'en vivre? Travailler avec une personne en particulière? 

Je n'arrive déjà pas à pleinement réaliser tout le chemin parcouru... Mais pour répondre à ta question, bien entendu que j'aimerais faire un best-seller. Après je pense souvent à m'arrêter, mais pour l'instant j'aime encore beaucoup mon boulot, et vivre seulement du jeu en restant toute la semaine chez moi à bosser, je ne suis pas convaincu que ça me plairait. Mais je vois de plus en plus d'auteurs le faire (d'ailleurs aujourd'hui même Romaric Galonnier vient de poster sa lettre de démission de l'Education Nationale), alors ça me trotte dans la tête. A la rigueur un mi-temps me plairait bien, je voudrais vraiment pouvoir garder ce contact privilégié avec mes élèves de Segpa. 

 

10) Pourrais-tu me citer deux personnes du monde ludique, l'une pour ses qualités professionnelles et l'autre pour ses qualités humaines, l'un n'enlevant rien à l'autre? 

C'est assez dur de trouver du monde à citer, notamment parce que dans chaque catégorie il y aurait des nommés, mais surtout parce que je suis loin de connaître le monde ludique, et ne peux répondre qu'à mon échelle. Du coup je vais miser sur ce qui me concerne le plus directement, en te disant Anne-Cécile pour le côté éditeur, et Bruno Cathala dans la catégorie auteur. Pour les qualités humaines, n'en choisir qu'un(e) c'est vraiment trop dur j'ai trop de copains, et je compte bien tous les garder !

11) Peux-tu définir chacune de ces personnes en un mot, oui un seul! 
Matthieu d'Epenoux, Bruno Cathala, Gaetan Beaujannot, Gary Kim, Eric Jumel, Philippe Des Pallières, Olivier Chanry, Tom Vuarchex, Bruno Faidutti, Florian Sirieix

 

Matthieu d'Epenoux : Montagne Russe

Bruno Cathala : Machine

Gaetan Beaujannot : Bosseur

Gary Kim : Respect

Eric Jumel : Futur

Philippe des Pallières : Garou

Olivier Chanry : Editeur

Tom Vuarchex : Gentillesse

Bruno Faidutti : Citadelles

Florian Sirieix : Optimiste


 

12 A) Venons en à ton métier de prof'. 
Qu'est ce que ça t'apporte dans la vie ce métier? 


J'ai passé le concours parce que je voulais travailler en CP. J'avais déjà longtemps travaillé dans l'animation et j'avais côtoyé plusieurs tranches d'âge. Ce qui me plaisait, c'était d'apprendre à lire aux élèves. La "révélation" de la lecture, c'est quand même assez magique, les parents le savent déjà sûrement. Et quand tu te dis que c'est un peu grâce à toi que ça peut arriver, alors tu passes le concours de PE. Et puis là, d'un coup, tu passes le concours en 2012, et le nouveau président décide qu'il y a trop de profs, alors quand arrive la rentrée 2013, il n'y a plus de place pour les derniers petits jeunes recrutés, et on t'envoie en Segpa. 

 

12 B) Tu fais un métier que je crois difficile, mais avec une classe SEGPA, 
Est ce qu'au final c'est plus compliqué? Différent? 

5 septembre 2013 : "Bonjour M.Sirieix, c'est le rectorat. C'est bon, on vous a enfin trouvé un poste, c'est au collège Pagnol de Montpellier." Euhhhh... madame, vous avez dû vous tromper, je ne travaille pas en collège moi ! Et en fait, si. C'est un poste spécialisé. C'est-à-dire qu'on t'y envoie quand il n'y a plus d'autres places, par contre pour pouvoir y rester il faut passer un diplôme de spécialisation, le CAPA-SH. Et j'ai donc découvert les classes de Segpa. En fait c'est 16 élèves, qui arrivent en 6e, et restent ensemble jusqu'en 3e. Il y a donc 4 classes dans une Segpa, et 5 profs : 3 PE, et 2 PLC qui sont les profs d'atelier (cuisine, bâtiment, horticulture, vente...). Parce que l'objectif de la Segpa est, très rapidement et basiquement, de  "récupérer" des élèves en difficulté scolaire (et souvent sociale) et de leur fournir une pré-orientation professionnelle, en les aiguillant ensuite en CAP ou CFA. 

Et je m'y suis régalé. Parce que c'est vraiment très enrichissant de pouvoir aider ces jeunes un peu perdus et les voir entrer rapidement dans le monde du travail, en apprentissage. Des jeunes qu'on suit donc pendant 4 ans, avec qui on crée des liens forts, avec qui on peut faire des projets sur le long terme. 

Alors oui, parfois c'est compliqué. Mais ce sont des jeunes souvent en galère sociale, qui ont besoin d'attention, qu'on leur prête une oreille ou un regard, et au final sont adorables. 

Imaginarium, le nouveau de jeu de Florian édité par Bombyx, esthétiquement splendide

 

13) Imagine, nous ne nous connaissons pas ou peu, et nous passons une soirée ensemble. 
Proposes moi 3 jeux dans le but d'apprendre à se connaître.
Ou préfères tu faire des canulars téléphoniques à Matthieu d'Epenoux aka la Montagne Russe un verre de Saint-Véran à la main? 

Si tu as le numéro perso de Matthieu, je signe tout de suite !
S'il faut 3 jeux pour apprendre à se connaître, je dirais : Code Names pour savoir si on a les même références culturelles et créer des liens, Le Petit Prince pour découvrir si tu serais du genre à m'aider à construire ma planète ou si tu m'envahirais de baobabs, et pour finir Intrigue pour savoir si notre amitié grandissante a une chance de durer pendant les coups durs. 

 

14 A) Pour revenir à l'éducation nationale, tu disais que l'objectif de la Segpa c'est de "récupérer" les élèves en difficulté. 
Comment vois-tu justement la réussite de cette mission? 

Comme je t'ai dit, j'ai des élèves qui étaient un peu en retrait scolaire, qui partent en CAP en lycée pro ou bien en apprentissage, et qui reviennent quelques années plus tard nous raconter leur parcours en classe. Bien entendu il n'y a pas que des histoires de réussite, mais j'ai la chance d'avoir beaucoup de retours des anciens élèves et je suis leurs parcours avec intérêt. La semaine dernière j'ai aidé une ancienne élève à rédiger une lettre de motivation pour rejoindre une formation pour adultes par exemple. 

 

14 B) Comment analyses-tu également l'orientation qui se fait parfois très rapidement avec des critères parfois subjectifs (Classe sociale...) ? 

Alors là c'est une question qui me dépasse. J'ai assisté à une réunion d'affectation en Segpa, une CDOEASD (si, si...), et il se trouve qu'il y a beaucoup de professionnels, et que faire la synthèse des avis et des bilans de chacun n'est pas chose facile. Après, je n'ai pas eu l'impression de ces critères "subjectifs". 

 

14 C) Franck Lepage, explique dans les conférences gesticules, que  l'éducation nationale renforce les inégalités sociales au lieu de les réduire, car les enfants de classes supérieures auront un apport culturel plus important, des cours particuliers etc... C'est quelque chose que tu as constaté personnellement ou penses-tu au contraire que l'éducation nationale réalise sa mission? 

Je suis d'accord sans l'être. Je pense qu'effectivement les inégalités sociales sont creusées à certains endroits, mais je ne pense pas qu'elles soient "renforcées", avec cette impression donnée que ce soit volontaire de la part de l'EN. De mon point de vue en tout cas, je ne peux pas être d'accord.
Mes élèves de Segpa ont accès à une ludothèque de plus de 50 jeux modernes différents (et plus d'une dizaine de nouveaux chaque année), nous avons un accord avec Sortie Ouest à Béziers et La Cigalière à Sérignan pour leur faire découvrir entre 5 et 8 spectacles par an gratuitement (théâtre, danse, marionnettes, cirque...).
Nous avons accueilli des résidences d'artistes au sein du collège, nous participons avec nos collègues à des sorties scolaires. On pourrait me répondre que ce n'est pas le cas dans toutes les classes issues de milieux sociaux défavorisés, que c'est une exception, mais c'est possible, et ça existe.

 

15) Tu me parlais d'Essen en OFF, une anecdote incroyable, drôle ou classé X qui s'est déroulé là bas ? Sans citer les noms bien évidemment !

Je n'ai fait qu'un seul Essen pour l'instant, mais j'ai adoré. J'ai des anecdotes, mais tu connais le proverbe "Ce qui se passe à Essen reste à Essen" ;)
Non en vrai pour ce qui est racontable, c'est que j'ai eu l'incroyable chance de dormir à l'Atlantic, l'hôtel **** à 100m du festival. Et du coup je me suis retrouvé à prendre le petit déj (vu le temps que tu as pour toi dans la journée, c'est LE repas le plus important), avec le gratin du monde ludique : W. Eric Martin, Tom Vasel, des éditeurs du monde entier... j'avais des étoiles plein les yeux ! Ca m'avait fait un peu cet effet à mon premier Cannes il y a 6 ans, mais ça se restreignait aux français principalement. Là c'est le niveau supérieur !

Martin Vidberg joue à Oh Capitaine! 

 

16) Pour cette dernière ligne droite, revenons au métier d'auteur.
16 A) Considères-tu que le jeu est un art comme le prétende certain ou que cela reste « simplement » une création de l'esprit, voire après tout, juste un produit commercial  comme un autre?

En tant qu'auteur, je ne saurais pas trop te dire si je suis un artiste, je considère la chose bien trop importante et hors de ma portée. Je serais effectivement plus enclin à dire que je suis un créateur, parce que j'adore articuler thèmes et mécaniques, bricoler mes idées pour en faire des jeux. Commerçant, absolument pas. 

En tant que joueur, pour ce qui est de l'objet, des boîtes de jeux que j'achète et que je vois en boutique, il m'est évident que c'est un mélange des 3 dans l'ensemble. L'art, ça serait Dixit, Scythe, Mysterium, Paper Tales. Des jeux si beaux que même s'ils étaient mauvais je les aurais achetés je pense. Ensuite, il y a les jeux si bien pensés que j'en pleure la nuit de ne pas avoir eu ces idées : 7 Wonders, Colt Express, Kingdomino. Et enfin, les jeux "commerciaux" qu'il faudrait me donner avec un gros chèque pour que je les expose dans ma ludothèque : Blanc Manger Coco, Monopoly,...

 

16 B) Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à quelqu'un qui se voudrait auteur ?  

Le meilleur conseil à donner à un auteur, et je le sais parce qu'on me l'a répété plusieurs fois (oui, je comprends vite mais il faut me le répéter quand même au cas où), c'est d'être PATIENT. Il faut savoir attendre pendant toutes les étapes de la création je pense : 

- attendre d'avoir une bonne idée : créer un jeu sans idée, c'est la meilleure idée pour se faire mal voir par les éditeurs. Une des premières questions qu'ils te posent c'est : "Pourquoi as-tu créé ce jeu?"

- attendre de voir si on en a pas une meilleure par hasard : ça peut toujours être utile. Si, si... Il faut attendre que le jeu soit prêt pour le présenter à un éditeur. Ils en voient tellement qu'un proto a très peu souvent une deuxième chance. 

- attendre d'avoir une réponse d'un éditeur : Encore récemment, un collègue auteur a signé un jeu chez un éditeur, et a eu une réponse positive d'un autre éditeur, bien plus présent sur le marché et qui aurait rapporté beaucoup plus, mais trop tard (les deux éditeurs sont excellent, ne vous méprenez pas, le deuxième est juste plus imposant sur le marché). 


 

17) Pourrais-tu nous parler d'un auteur ou d'une œuvre importante à vos yeux, que ce soit en littérature, théâtre, cinéma, jeu etc... que tu souhaiterais faire découvrir ou redécouvrir à mes lecteurs ?

Quand je ne joue pas, je regarde des séries TV. Et récemment, celle qui m'a le plus impressionné de par tous ses aspects, que ce soit le scénario, la réalisation, les costumes, les acteurs, la photographie, la musique... C'est Peaky Blinders. Vous me direz ce que vous en avez pensé.

 

18) J'allais attaquer les 2 dernières questions, mais ta réponse me donne envie de te demander ce qui ne te plaît pas dans Blanc manger coco ? Je dois me confesser, pour ma part j'adore ce jeu. Est-ce le côté vulgaire dont parle certains joueurs ? La polémique qu'il y a eu autour du plagiat ?

2 choses... Le côté vulgaire gratuit (en gros si tu fait allusion de près ou de loin à du sexe ou des nazis tu gagnes) et le problème des droits d'auteurs et du plagiat qui a été causé (quitte à jouer à ça, autant se procurer Cards Against Humanity). 

 

19) Le jour où tu devras quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiterais-tu que l’on retienne de toi professionnellement mais surtout humainement?

Je n'ai pas prévu de le quitter aussi vite, je viens juste d'arriver ! Mais si jamais, j'aimerais qu'on se rappelle que j'étais cool, et que j'ai fait quelques bons jeux :)

 

20) Florian, c'est malheureusement la fin de cet entretien, en prenant en compte ta vie professionnelle et personnelle es-tu heureux ?

Merci pour l'interview, c'était bien sympa !
Et oui, je ne peux pas nier que je suis heureux, j'ai des jeux édités et des proches pour y jouer :)

Merci à toi Florian pour ta bonne humeur et rapidité! 
 

La semaine prochaine, un Jedi du jeu de rôle sera à mes côtés....
 


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Yves Hirschfeld
Benoit Forget
Bruno Faidutti 1ère partie
Bruno Faidutti 2ème partie
Naiade
François Haffner 1ère partie
François Haffner 2ème partie
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Timothée Leroy
Mathilde Spriet
Sébastien Pauchon
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Vincent Dutrait 1ère partie
Vincent Dutrait 2ème partie
Christophe Boelinger 1 ère partie 
Christophe Boelinger 2ème partie
Régis Bonnessée
Roberto Fraga 1ère partie
Roberto Fraga 2ème partie
Cyril Demaedg
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Bruno Cathala 2ème partie
Yahndrev 1ère partie
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Juan Rodriguez 2ème partie
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Docteur Philippe Proux
Franck Dion 1ère partie
Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie
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Carine Hinder et Jerôme Pélissier
Dominique Ehrhard
Christian Martinez
Maxime Savariaud

Véronique Claude
Shadi Torbey

 

Saison 2 


Fabien Bleuze
Serge Laget
Djib 1ère partie
Djib 2me partie

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