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Jeux Viens à Vous Philippe des Pallières 1ère partie

Pour le 50 ème entretien de Jeux Viens à Vous, je vous propose l'interview exceptionnelle de l'un des dinosaures du monde ludique.
Cet homme c'est Philippe des Pallières, auteur, éditeur et artiste.
Cela faisait plus qu'un an que je lui courrais après, l'attente aura payé. 

 

Comment définir cet homme qui à tout connu, du succès indéfinissable avec Les Loups-garous de Thiercelieux, à l'échec d'Objets trouvés qui le hante encore aujourd'hui, en passant par l'As d'or pour Skull and Roses et la polémique qui découla de ce prix?

En OFF, certains parlent de Philippe des Pallières comme un ogre vociférant à la moindre contrariété, d'autres voient en lui l'un des acteurs phares du monde du jeu, monde auquel lui ne croît pas. 
Qu'en penser?
L'homme est séduisant, par sa voix, son charisme, attachant par son discours, touchant même par la fragilité que l'on croit deviner derrière sa grande gueule d'ours mal léché dont il sait se servir à souhait. 

L'entretien que je vous propose aujourd'hui aura duré 1h35 lors d'une conversation téléphonique où Philippe des Pallières se promène à la campagne
D'autres sujets, d'autres questions me sont venues depuis, mais il était impossible de tout évoquer malheureusement tant l'homme à de choses à dire. 

 

Dans cette première partie, nous parlerons de l'évolution du monde ludique au fil des décennies, de l'entrepreunariat et du statut de patron auquel il n'était pas prêt, de Skull and Roses d'Hervé Marly qui reste à la fois un bonheur mais également une douleur, de son rapport compliqué avec les Loups Garous de Thiercelieux, de son fort tempérament qu'il assume pleinement mais également de son futur auquel il réfléchit chaque jour un peu plus.... 

 

1) Philippe Des Pallières, bonjour, auriez-vous la gentillesse de vous présenter ?

Ah ah ah... Comment se présenter ?

Mon nom vous l'avez ! Je suis auteur et éditeur de jeux, les 2 à la fois, de plus en plus les 2 à la fois, même si je signe de moins en moins les jeux.
Cela fait maintenant 32 ans que je m'occupe assez sérieusement des jeux de société, avant aussi mais en tant que joueur étant enfant, adolescent et jeune adulte, car avant tout je crois que je suis joueur !

Mon premier jeu publié s'appelle Armada en 1986, il a gagné le concours de Boulogne Billancourt et le Pion d'Or Jeux et Stratégie, magazine qui m'a donné envie d'aller plus loin dans le jeu de societé. A partir du moment où on m'a donné la chance d'être édité, je suis resté le plus proche possible de ce monde.

 

 

 

2) Vous disiez que vous joueur avant tout, que représente pour vous le fait de jouer, mais aussi faire jouer ?

 

Jouer c'est faire jouer ! Moi je n'aime pas jouer seul. J'étais l'aîné de 3 frères et pour attirer les autres, il faut en inventer qui leur conviennent, donc j'ai commencé à inventer des jeux . J'ai commencé à créer des règles pour attirer mes frères et mes cousins dans mes jeux . Pour éprouver du plaisir dans un jeu de société, il faut être en société comme son nom l'indique , c'est très important !

(Une mouette semble confirmer les propos de Philippe Des Pallières)

"On voit apparaître aujourd'hui des personnages qui ont des dollars dans les yeux"

 

 

3) Le milieu a beaucoup évolué depuis vos débuts, que regrettez vous des années 80,90 lorsque le monde du jeu était un réel microcosme  et à l'inverse que ne regrettez-vous surtout pas ?

 

Alors tout d'abord c'était pas un monde du jeu ! Il n'y avait pas beaucoup de jeux, il n'y avait pas assez d'objets de plaisir, j'ai donc créé les miens. Ceux que je trouvais dans le commerce étaient assez limités en fait.

 

Qu'est ce qui était extraordinaire à l'époque ?
La plupart des gens qui y travaillaient au sens figuré, c'était pas des vrais boulots, il n'y avait pas de notion d'argent alors qu'aujourd'hui ça a tendance à pourrir un peu le système. La plupart des fans de jeux et des auteurs de jeux ne rêvaient même pas de manger avec ça, et ça donnait des rapports plus simples qu'aujourd'hui. On voit apparaître aujourd'hui des personnages qui ont des dollars dans les yeux

                        En dédicace au magasin Sortilèges à Nantes


Ca sera une de mes prochaines questions justement.

 

Qu'est ce que je trouve mieux aujourd'hui ? Quand vous dites ce que vous faites, il y a plus de gens qui comprennent ce que ça veut dire. Pendant des années les gens se foutaient de ma gueule « jeux ? Jeux vidéos ? Jeux de société ?! Y a encore des jeux de société ?!  C'est quoi un Monopoly ?»

Il y a même des gens qui s'intéressent au Jeu dans une frange de la population beaucoup plus large donc ça c'est agréable, ça vous donne une existence sociale qui n'avait pas lieu d'être.


D'autre part, plus y a de gens dans ce monde et plus il y a de richesses de caractères, des générations différentes, car quand on a commencé on était un peu seul même si y avait quelques grands anciens mais ils n'étaient pas forcément en France, ils étaient braqués sur des jeux d'une autre époque car à leur époque il y avait très peu de jeux.

 

Qu'est ce qu'on ne regrette pas ?
 

C'est la qualité graphique des objets car à l'époque il y avait malheureusement des olibrius matheux qui n'étaient pas intéressés par la qualité esthétiques des jeux, on voyait des pions horribles, minuscules, des matériaux de fabrication tout pourrie, moi en tant qu'étudiant en école d'art quand je suis arrivé dans ce milieu j'ai été catastrophé par le peu d'exigence esthétique.
Maintenant c'est bien plus important, presque trop quelques fois. On trouve certains projets où le côté esthétique est le seul intérêt du projet et là à l'inverse ça devient un peu détestable.

On revient à des époques qui ressemble au 18ème siècle où l'importance ce n'était pas le jeu mais l'esthétique autour du jeu comme les différents jeux de l'oie et autres choses où l'illustration était plus importante que la mécanique.

Alors attention de ne pas retomber dans ces travers ! On en est loin mais parfois il y a des types de jeux qui se ressemblent tellement qu'on a l'impression que c'est le même mais qui se différencient uniquement par des graphismes plus ou moins alléchants.

"Faut savoir qu'en général les gens qui font jouer les jeux ont un souffle incroyable"

4) Vous faites partie de l'ancienne génération, dite passionnée, contrairement à la nouvelle peut être plus stratégique, plus comptable parfois. Vous avez dit vous même que vous étiez un chef d'entreprise par obligation.
Un professionnel m'expliquait qu'ils connaissaient plusieurs éditeurs qui prétendaient être de vrais passionnés alors qu'ils ne l'étaient pas vraiment mais que cela apportait de la crédibilité Je vais me faire l'avocat du diable, on ne demande pas à un chef d'entreprise du BTP, d'être passionné par les parpaings. Qu'est ce qui rend quelque part obligatoire selon vous d'être passionné pour être dans le monde du jeu ? Avez-vous des bonnes relations avec certaines personnes avec un côté plus entrepreneur que passionné ?

 

Je suis entrepreneur par obligation car les projets que je souhaitais réaliser avaient des budgets importants et n'intéressaient pas grand monde donc il a fallu que je les mette en œuvre moi-même afin de toucher un public et fonctionner économiquement.

La seconde chose, et ça c'est quelque chose de beaucoup plus général, un artiste aujourd'hui s'il veut être totalement libre ne doit pas dépendre des entreprises. Charlie Chaplin a mis une structure de travail autour de lui, ou même Walt Disney, Georges Lucas, Steven Spielberg, ces gens ont su arrêter à un moment car l'entreprise abîme une partie de votre créativité même si ça rend aussi les décisions libres.

 

Y a évidemment des entrepreneurs dans le monde du jeu que je n'aime pas du tout, et il y en a d'autres sans qui je pense le jeu de société ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui et donc j'ai de l'estime pour ça. Car ils ont apporté une ouverture énorme à ce monde là, ce qui me gêne plus c'est les gens qui arrivent car c'est un secteur hype, à la mode et qui ne portent pas en eux cette passion pour changer les choses.
 

Y a un deuxième mouvement maintenant , alors qui n'est pas très dérangeant mais qui n'est pas fascinant c'est le monde des groupies, c'est les gens qui veulent être dans le milieu du jeu, ils savent pas pourquoi faire mais ça fait sympa, c'est comme être dans le milieu du cinéma ou le milieu littéraire, ça pose une personnalité et là c'est pas forcément par avidité financière, c'est comme positionnement social, ça aussi ça m'énerve un peu, on est pas dans le sujet même, on est pas dans l'objet ludique.


N'oublions pas que dans le monde du jeu il n'y a pas que des éditeurs, des producteurs, des auteurs, il y a aussi tout le monde de l'animation qui fait jouer les gens donc y a des gens qui sont ludothécaires depuis 30-40 ans, y a les boutiquiers qui ont un rôle très important de conseil, j'ai eu un magasin de jeux et j'ai beaucoup aimé ça !

Il ne faut pas tout concentrer sur les gens qui produisent des objets.
 

 

Je suis plutôt d'accord avec vous, c'est pour cela que j'essaye justement de faire des entretiens de tous les métiers du monde ludique.

 

Faut savoir qu'en général les gens qui font jouer les jeux ont un souffle incroyable, car j'en connais qui étaient là avant que j'arrive dans le monde du jeu ! J'ai parlé tout à l'heure du concours de Boulogne, Marine Granger était là quand j'ai commencé y a 32 ans, ludothécaire à Boulogne Billancourt, et elle est toujours là aujourd'hui ! C'est des gens qui par leur opiniâtreté font qu'une certaine idée du jeu reste et ça, ça me touche !

Cannes 2017, en compagnie de Loic Lamy et Hervé Marly

5) Vous avez édité un jeu que je considère comme l'un des 10 meilleurs selon moi de la décennie. Ce jeu c'est Skull and Roses. Un jeu lourdement critiqué à sa sortie et notamment par des joueurs geeks de cubes en bois, qui n'ont pas compris l'essence de ce jeu, sa pureté, sa profondeur humanité qui s'en dégage si on le joue de manière totale. Avez-vous été touché par certaines critiques ou êtes-vous assez philosophe par rapport à ce que l'on peut penser des jeux que vous éditez ?

 

Je ne suis absolument pas philosophe ! (Rires)

 

La nuit où on a eu le prix de l'année a été l'une des meilleures de ma vie et le matin a été l'un des pires de ma vie!

J'ai été follement heureux avec Hervé qui est mon compère d'avoir eu ce prix pour un jeu tout simple, un petit jeu dans une petite boîte.
Un jeu sur lequel je l'ai toujours vu travailler, ça faisait 11 ans qu'on se connaissait et il était déjà sur ce jeu ! On a ça en commun avec Hervé, et du coup sur Skull je pense que ça c'est beaucoup vu, on a en commun qu'il faut savoir travailler très longtemps sur des objets très simples.

 

Je pense qu'en murissant la plupart des joueurs vont comprendre, et ça c'est une histoire de vieux à jeunes, que de faire un jeu simple c'est beaucoup plus difficile que de faire un jeu avec 1000 règles, j'ai aussi commencé par des gros jeux, c'est l'enfance de l'art.
Bosser sur un jeu comme Skull c'est prendre un risque à chaque fois que vous faîtes un changement, que l'objet se casse en 1000 morceaux et qu'il n'en reste plus rien !

 

J'ai eu beaucoup de douleur, des bons et mauvais souvenirs avec ce jeu et c'est une histoire très étrange puisqu'à cause de la polémique il a eu une installation assez correcte mais pleine de doutes. Il paraît que dans les boutiques les gens rentraient en disant « Mais ça vaut quoi ce truc ? ». On en parlait beaucoup mais pour douter de l'objet.

 

Entre temps il a eu un autre malheur avec une grosse douleur avec l'illustratrice de la première édition. On a failli arrêter Skull complètement et finalement il y a eu l'arrivée de Tom (Vuarchex) et mon envie qu'il travaille sur le projet. Je savais depuis très très longtemps que Tom était un excellent designer, même lui ne le savait pas puisqu'au début il m'a dit : « Le seul truc que je te demande c'est d'avoir le droit d'abandonner si je trouve que je fais de la merde ».

On a mis beaucoup de temps, on a mis énormément d'investissement sur cette histoire comme je l'ai fait sur d'autres jeux d'ailleurs mais avec Skull ça a payé ! Ca veut dire qu'après une première installation et puis une baisse, aujourd'hui il réexplose complètement au niveau vente, il se réinstalle dans des pays comme les Etats-unis et l'Angleterre.

On peut espérer qu'il ait une longue carrière, il a déjà 6 ans ce qui est déjà beaucoup pour un jeu de société et on peut croire qu'il fera plus car chaque année il vend plus que l'année d'avant comme le loup-garou. Il est reparti sur le bouche à oreille des ados, des jeunes adultes sur les animations, sur le terrain, par le look aussi car je pense qu'il y a énormément de gens qui ont été attirés par ce nouvel objet que l'on a amené après Skull and Roses qui était sympa mais le Skull touchait à autre chose.

Aujourd'hui c'est le bonheur mais il y a eu énormément de moments douloureux et notamment tous ces gens qui disaient que c'était une copie de Perudo ! N'importe quoi ! (Rires)
Bien sur que Perudo est dans la même famille de jeux et moi j'adore Perudo, ça m'arrive souvent de jouer à Perudo mais bien sur qu'il a été chez Hervé une de ses sources d'inspiration. La principale a été le poker.

Le poker je m'emmerde car il faut 8 heures pour avoir des séquences de bluff intéressantes (rires), il faut avoir de l'énergie pour profiter de ces moments rares, alors qu'ici à chaque tour on peut s'éclater.

 

C'est un jeu simple, c'est pas un jeu avec lequel vous pourrez jouer de l'argent, mais ça se renouvelle beaucoup, ça permet de connaître les gens.
Le bluff est l'un des éléments que j'aime beaucoup dans le jeu, c'est-à-dire le fait d'aller chercher l'autre d'une manière assez forte, l'interaction entre les joueurs ça me semble capital sinon je vois pas l'intérêt.

 

 

Je suis d'accord avec vous Vous parliez d'une grosse douleur avec l'illustratrice, vous accepteriez d'en parler ou vous ne préférez pas ?

 

Je ne sais pas, il y a eu des procès que l'on a gagné mais avec un mauvais goût dans la bouche. C'est un moment peut être trop récent pour que je l'analyse vraiment...
Je suis très très heureux d'avoir refait un nouveau Skull pour oublier, et je n'ai pas trop envie de....d'ailleurs je n'arrive pas à jouer avec l'ancien !

 

 

Je vous en demande pas plus...

 

Non et ça va faire scoop de bas étage, j'ai pas trop envie de m'étendre sur le sujet.
 

 

Pas de soucis ! Maintenant je vais vous parler de quelque chose qui vous énerve parfois...

 

C'est sympa de vouloir m'énerver à chaque fois!

Oui dès le matin !

C'est ce que vous disiez dans une interview, c'est les loups-garous de Thiercelieux, mais je suis obligé de vous poser une question dessus....

 

Vous êtes obligé par quoi ?!

 

Je pense que c'est une partie de vous importante....

 

Non ! C'est pas une partie de moi importante, c'est une partie importante pour le milieu du jeu, pour l'économie, c'est une partie importante car c'est grâce à ce jeu que j'ai gagné ma vie .

 

Justement la question est par rapport à ça ! Je vous la pose , si vous ne voulez pas y répondre …

 

Allez y !

                "Je vais lui botter le cul avec mes nouvelles chaussures à Jeux Viens à Vous et ces foutues questions!" 

 "J'ai essayé pendant un ou deux ans et puis après on redevient humble et modeste"

6A) Je sais que cela vous énerve parfois que l'on vous parle du prochain jeu que nous allons évoquer Vous avez connu un énorme succès avec les Loups-garous de Thiercelieux, un long-seller qui vous permet de faire fonctionner votre entreprise de manière pérenne depuis de nombreuses années mais vous disiez vous auriez la possibilité de vivre uniquement de ce succès.
Tom Vuarchex, avait décidé de prendre un peu de distance avec le monde ludique, pour se renouveler par la suite avec brio en tant qu'illustraphiste. Qu'est ce qui vous a motivé vous pour continuer à faire perdurer votre entreprise, à développer de nouveaux jeux ? Ce sont les gens avez qui vous travaillez ? Les rencontres que vous faites tous les jours ? Les amis avec lesquels vous allez boire un verre les soirs de festivals ? Le challenge de faire un nouveau grand succès qui vous fait vous lever chaque matin, de réfléchir sur des données techniques, économiques et parfois fastidieuses ?

 

Alors la question est compliquée car c'est une question que je me pose vraiment ! C'est une année vraiment importante pour moi pour savoir si je vais continuer ou pas. Car j'ai des tas d'autres projets que j'ai jamais fait et que ma vie est déjà bien entamée et qu'il me reste pas tant d'années que ça...et donc il est temps pour moi de réfléchir vers quoi ça va aller... J'aurais vraiment du mal à vous répondre !
Je peux vous donner les éléments de mon questionnement...

 

Ce qui est sûr c'est qu'au niveau économique je n'ai pas besoin de continuer, je pourrai arrêter.
D'autant qu'en tant qu'ancien pauvre je n'ai pas besoin d'un niveau de vie extraordinaire pour vivre.

 

Que ce soit les Loups-Garous ou La Guerre des Moutons, car il ne faut pas oublier que la Guerre des Moutons atteint ses 500 000 exemplaires et qu'il y a beaucoup d'auteurs qui aimeraient bien ce moyen seller.
La Guerre des Moutons pourrait me rapporter à moi tout seul en tant qu'auteur un très correct 1500 euros par mois. Skull évidemment je n'en suis pas l'auteur mais ma société... donc il y a quelques succès...

 

La recherche d'un nouveau succès après les Loups-garous j'ai essayé pendant un ou deux ans et puis après on redevient humble et modeste et on comprend que le succès est dû en partie à vous mais également à plein d'autres éléments et qu'il n'arrivera pas toujours au même endroit.
Même si la même année il y a eu la Guerre des Moutons, ça été évidemment un peu caché par les Loups Garous, mais qui est quand même un des 50 jeux qui ont le mieux marché les 20 dernières années.

 

Dans les écoles lors de mes animations, je le vois effectivement très souvent....

 

Il a encore une vente stable dans les magasins, c'est l'inverse des Loups-garous, il a commencé à un stade et il descend pas, il monte pépère, peinard (Rires)
 

Au niveau de la société, ce qui me porte c'est les gens qui sont autour de moi, les projets, peut être qu'il va y avoir des transformations, y a une part de moi qui n'est pas nourri, ma formation c'est scénographe , je suis aussi un homme du spectacle vivant, j'ai vraiment envie de faire des choses sur scène, j'ai pas mal d'expérience là-dessus ,je ne sais pas si vous en avez vu passer, elles sont pas très médiatisées mais...

 

Y a d'autres territoires sur lequel j'ai envie de faire jouer, autre qu'une boîte de jeu de société qu'on vend dans une boutique.
Je suis un ancien du théâtre aussi donc j'ai d'autres envies....

 

Y aussi une part de moi qui aime bien conserver les vieilleries et en tirer partie, sur facebook j'ai un petit personnage qui s'appelle le collectionneur ludique compulsif et un peu vieillot . J'aime aussi beaucoup les jeux anciens, les objets bizarres, les cabinets de curiosité, donc je suis vraiment à la croisée des chemins, soit j'arrive à allier mes autres sujets de plaisir au sein de ma société ou peut être je bifurquerai...
Vraiment je n'en sais rien !

 

Je suis en plein questionnement....Tous les jours je me pose la question.

6B) Monsieur Phal expliquait que les années passant il souhaitait déléguer certaines tâches afin de prendre plus de plaisir et s'occuper de ce qui l'intéressait, est-ce également votre cas et qu'est ce qui vous fait prendre du plaisir actuellement ?

 

On se trouve entraîné par une machine qui marche autant qu'un échec ou l'obsession. Un succès c'est aussi un truc qui peut peser, peut entraîner, on est pris par la machine et il faut la nourrir, il y a des moments où l'on a envie de prendre du recul.

 

6C) Vous approchez de la soixantaine, un âge qui fait songer à la retraite. Avez-vous songé aux futures années de Lui-même et aux vôtres également, souhaiteriez-vous que l'entreprise vous perdure ?

 

Je suis en plein dedans, il y a des gens qui travaillent avec moi qui ont envie de continuer, faut qu'ils prouvent qu'ils sont intéressés.
Je travaille aussi avec ma moitié...
La retraite c'est pas un mot qui m'intéresse, pas plus que le travail ! J'ai du être salarié 3 ans dans ma vie, j'ai jamais travaillé et en même temps toujours travaillé...

 

Je me vois pas changer du tout de secteur.
Maintenant ça fait assez longtemps que je fais attention à ce que mes journées ne soient pas consacrées exclusivement au travail.
Là l'interview qu'on fait je me ballade à la campagne pendant qu'on se parle, je le fais tous les jours, je vais voir des musées, des expos, je vois des films, je lis des livres... Un créatif qui s'entretient pas il se vide ! Il n'a plus rien à dire.

Philippe et sa compagne Caroline

7) Une entreprise apporte une pression importante, de nombreux déplacements sur les festivals. Au fil de mes entretiens, j'ai pu constater de nombreux invités divorcés ou en cours de séparation, comment gérez-vous votre vie de famille ?

 

Alors déjà parmi les premiers salariés que j'ai embauché, j'ai voulu qu'on s'occupe des animations à ma place parce que j'ai adoré ça, c'est ma vie, mais ça fait 32 ans !

 

32 ans de passage aux autres c'est long, donc je me tape les trucs obligatoires un peu compliqués ou les moments où on va retrouver tous les copains mais le terrain de base maintenant c'est Clément, Louise, Clotilde qui se partagent d'ailleurs, car je fais bien attention a ce que ça ne soit pas une seule personne pour pas l'user car on a besoin de fraîcheur pour s'occuper des gens, on a besoin de renouveau, faut pas que ça devienne la chaîne.

 

Alors mon travail m'a bousillé mon couple mais c'était le premier, bien avant . En plus j'ai été papa très jeune donc tout ça était très compliqué donc oui il y a eu une explosion, des problèmes de couple , des problèmes d'associés, tout se cumulait.
Quand je dis que je suis un ancien pauvre, à cette période, j'étais un peu au fond du trou...
Et puis c'est remonté, je fais beaucoup plus attention par rapport aux gens avec lesquels je vis qu'avant, je ne me noie pas dans l'objet ludique perpétuel.

 

 

Ils ont quel âge vos enfants si ce n'est pas indiscret ?

 

Comme j'ai été très jeune papa, mon premier jeu est sorti en même temps que mon premier enfant. J'en ai un de 31 ans donc, et un enfant de 27...voire plus bientôt ! Donc ce ne sont plus des enfants !

 

Vous faites très bien les transitions...

8) Vous êtes connu pour votre fort caractère, vos coups de gueule parfois contre certains, et j'oserais même dire si vous me le permettez votre grande gueule façon Audiard.

 

D'accord !

 

C'est un compliment !

 

Sauf que je viens d'entendre qu'Audiard était accusé d'antisémitisme ! (Rires)

 

Je savais pas ! Je disais cela par rapport à son œuvre en tout cas...

"Je pense que par la position que j'ai réussi à acquérir je peux ouvrir ma gueule"

 

Sans vouloir faire de psychologie de comptoir, et vous me corrigerez si j'ai tort, en général c'est un comportement qui cache une timidité, une fragilité dissimulée aux autres. Vous disiez dans une interview, être un ancien pauvre, malgré votre nom à particule, est ce ce que vous gardez de vieilles blessures liées à cette pauvreté, à l'angoisse de pas payer votre loyer, de ne pas savoir de quoi l'avenir sera fait ?

Non pas du tout !
Au contraire !

 

Ce sont ces passages difficiles qui m'ont fait comprendre à quel point l'homme était adaptable. Je vais rétablir en fait, j'ai été pauvre adulte, enfant je ne l'étais pas même si...je vais pas en parler durant des heures.... mon père était nobliot, docker sur les ports parce que son père était mort à la guerre, parce qu'il avait 6 frères et sœurs, qu'il n'a pas eu le temps de passer le bac, etc...

 

Ce que je veux dire, les passages d'explosion et les prises de risque financiers font que j'ai pas peur ! J'ai pas peur des conditions dans lesquelles on vit parce que je sais que j'ai toujours quelqu'un qui pourra m'aider etc, j'ai jamais eu peur !

Donc c'est peut être pour ça que j'ai pris des risques à certains moments que d'autres n'auraient pas pris, et que j'ai su gérer ma chance à des moments ou d'autres se seraient angoissés.
Par contre le côté grande gueule ça veut dire une sensibilité, une timidité car j'étais très timide à la base, je le suis beaucoup moins, mais ça signifie également une responsabilité , j'ai pas eu ça tout de suite.

 

Je pense que par la position que j'ai réussi à acquérir je peux ouvrir ma gueule alors que d'autres ne le peuvent ou croient que...y a pas mal d'auteurs qui pensent qu'il ne faut pas ouvrir sa gueule car se fâcher avec tel ou tel c'est dangereux pour l'avenir et moi je le peux !

D'abord parce que je peux être mon propre éditeur, ensuite parce que financièrement j'ai plus peur de grand chose et donc je peux parler pour les autres choses.

 

Et donc je suis souvent la grande gueule qui défend des causes que les autres ne peuvent pas faire ou n'osent pas faire...Après à force d'être un vieux con du domaine je gueule aussi pour rappeler aux gens comment c'était avant, pourquoi et pour ça...
Et puis...je ne sais pas ! Et puis je crois que je suis un peu soupe au lait  en général! (Rires)

Je pars très fort, je suis très enflammé, d'ailleurs si vous jouez aux jeux de société avec moi, si vous ne comprenez pas qui je suis, y a des gens qui peuvent avoir peur de mes comportements autour d'une table. Mais c'est pour jouer !

 

Je sais pas... je fais partie d'une famille de 3 garçons où pour avoir la parole il faut la prendre , il faut la défendre. Y a un gros défaut de véhémence aussi.

Et puis...et puis... y a un personnage !

Croc petit à petit on lui a mit un personnage, il l'a accepté, moi aussi.

 

Et puis jouer à celui qui aime tout le monde tout le temps, ça me fatigue ! Y a trop de gens qui le font ! (Rires)

9 A) Vous disiez dans une interview l'année dernière qu'Asmodée, votre distributeur était devenu un monstre, quelle relation avez-vous avec votre distributeur cette relation a t-elle changé au fil des années et du grossissement d'Asmodée ? Qu'est ce que cela a changé pour vous que Marc Nunes, Croc, et Philippe Mouret quittent le navire ?

Oui bien sur ! Marc je l'ai connu quand il avait la petite vingtaine d'années et qu'il venait me demander....

La suite la semaine prochaine!

Dans cette seconde partie, nous parlerons bien évidemment de Philippe  Mouret et Marc Nunes qu'il a vu grandir, de l'association des éditeurs, de l'art dans le jeu de société mais également dans sa vie, de notamment Bruno Faidutti, Tom Vuarchex, Loic Lamy et Michel Lalet, de littérature et d'Objets trouvés, l'échec de sa carrière... 


Pour ceux qui souhaiteraient soutenir mes entretiens, voici ma page tipeee,  même un petit geste fait plaisir et vous pourrez contribuer à d'autres interviews réalisés sur des festivals (Cannes, Paris est ludique, Essen...) : 

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Merci à mes Tipeeeurs de me soutenir  : Arnaud Urbon, Bruno Faidutti, Emilie Thomas, Nicolas Soubies ,Virgile De Rais  et Pierre Rosenthal! 

 

Pour ceux qui souhaiteraient découvrir les précédents entretiens, mes animations ou suivre ma page facebook  : 

http://www.facebook.com/jeuxviensavous/
 

Saison 1

Yves Hirschfeld
Benoit Forget
Bruno Faidutti 1ère partie
Bruno Faidutti 2ème partie
Naiade
François Haffner 1ère partie
François Haffner 2ème partie
Pierô Lalune
Timothée Leroy
Mathilde Spriet
Sébastien Pauchon
Tom Vuarchex
Vincent Dutrait 1ère partie
Vincent Dutrait 2ème partie
Christophe Boelinger 1 ère partie 
Christophe Boelinger 2ème partie
Régis Bonnessée
Roberto Fraga 1ère partie
Roberto Fraga 2ème partie
Cyril Demaedg
Bruno Cathala 1 ère partie
Cyril Blondel
Bruno Cathala 2ème partie
Yahndrev 1ère partie
Yahndrev 2ème partie
Emilie Thomas
Sebastien Dujardin
Florian Corroyer
Alexandre Droit
Docteur Mops 1ère partie
Docteur Mops 2ème partie
Arnaud Urbon
Croc
Martin Vidberg
Florent Toscano
Guillaume Chifoumi
Nicolas Soubies
Juan Rodriguez 1ère partie
Juan Rodriguez 2ème partie
Bony
Yannick Robert
Docteur Philippe Proux
Franck Dion 1ère partie
Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie
Yoann Laurent
Carine Hinder et Jerôme Pélissier
Dominique Ehrhard
Christian Martinez
Maxime Savariaud
Véronique Claude

Shadi Torbey


  

Saison 2 

Fabien Bleuze
Serge Laget
Djib 1ère partie
Djib 2me partie
Florian Sirieix
Farid Ben Salem 1 ère partie
Farid Ben Salem 2ème partie
Julien Lamouche
Jean-Louis Roubira 1ère partie
Jean-Louis Roubira 2ème partie

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